Scène de lynchage raciste en gare de Toulon ?

lundi 24 novembre 2014.
 

Contrôle au faciès ou préjugés sociaux. Quand les a priori négatifs alimentés par la rumeur débouchent sur un mouvement de foule hostile.

Birame S., 41 ans, raconte la mésaventure dont il a été victime le 4 novembre dernier en gare de Toulon. C’est dans un premier temps la Ligue des Droits de l’Homme qui nous alerte. Avec pour les militants associatifs plus qu’une simple conjonction de faits malencontreux qui auraient dégénéré. La couleur de peau de monsieur S. ayant vraisemblablement alimenté des fantasmes... Ces derniers aboutissant au passage à l’acte. Donc ici, les faits tels qu’ils ont été vécus par la victime dont le témoignage est appuyé par un défenseur des Droits de l’Homme.

« Je suis un utilisateur quotidien de la SNCF, depuis 2006, sur le parcours Toulon-Marseille, dans le cadre de mon travail de salarié de la Mission locale de Marseille », explique l’infortuné conseiller en emploi et formation de la structure associative. II bénéficie pour ces allers-retours journaliers d’un abonnement salarié annuel. Le voilà donc prêt à embarquer comme tous les jours ce matin du mardi 4 novembre 2014 : « Le train express de 7h46 que je voulais prendre est supprimé, il me faut prendre celui de 7h51 » raconte-t-il. Un mouvement de grève perturbe en effet ce jour-là le trafic. « Je m’achemine alors vers le quai, à vive allure... » Un entrain qui est vite réfréné par un barrage flltrant qui contrôle les titres de transport dans le passage souterrain. « Parmi de nombreux voyageurs, on me demande mon billet sans les civilités d’usage ; je soumets ma carte d’abonnement, qui m’est rendue et je cours vers le quai - il est alors 7h50. Lorsque j’entends crier : “Revenez ; revenez, c’est octobre et pas novembre...” » Certainement déjà agacé, Birame S. dit alors agiter sa carte au bout de son bras, en répondant que « Non ! » il s’agit bien de sa carte de novembre et que de plus il est « sur un abonnement annuel salarié depuis des années. » Et c’est comme ça que tout commence. Il finira jeté hors du train avec ses affaires, les lunettes cassées et extrêmement. choqué.

Pour l’heure, il embarque. « “ Ma poursuivante” me rejoint dans le wagon, m’intime l’ordre de descendre... »

Ce coup-ci, c’en est trop. Il veut connaître le motif. « II m’est répondu que je n’ai pas de titre de transport valide et que dans tous les cas je dois “dégager” en me tutoyant. Ma carte d’abonnement, toujours en main, j’invite le contrôleur à la vérifier... » L’engrenage est en place : le contrôleur prévient ses collègues restés à quai, « à voix suffisamment forte pour être entendu des passagers, que le train ne partira pas tant que je n’en serai pas descendu et qu’il fait appel aux forces de police si besoin ».

Civisme, quand tu me tiens

Résultat : les voyageurs – toujours plus prompts à houspiller le resquilleur potentiel qu’à se porter solidaire d’un citoyen en prise avec un représentant de I’autorité – le prennent alors à partie. « Deux d’entre eux essaient de me convaincre de descendre du train, évoquant la nécessité de prendre le train à l’heure pour être au travail. Je leur réponds aussi que je suis dans la même situation... » « Eh garçon on va arrêter maintenant de discuter ; tu descends ! », l’apostrophe un voyageur en costume. « Pardon, ne me parlez sur ce ton, et surtout arrêtez monsieur de me tutoyer », répond Birame. « Descends maintenant ! Ou je te descends du train par tous tes moyens », lui rétorque aimablement le bonhomme qui se targue d’avoir fait dix ans de forces spéciales. Le ton monte, la rumeur et la bêtise font le reste. On parle alors d’un voyageur sans titre de transport qui aurait forcé le passage.

Une carte tricolore lui est présentée... Puis tout s’emballe. « Je ne sais combien de bras, de mains m’empoignent, de visages m’entourent, je crie au scandale , dans un indescriptible désordre et de brouhaha, je suis sorti et jeté du wagon manu militari. »

Il essaiera en vain de changer de wagon mais les agents de sécurité lui bloquent à présent le passage. Sûr de son bon droit il continue de souligner l’évidence, et qu’il est bien titulaire d’un titre de transport, valide. On lui réplique alors qu’on sait bien comment il se l’est procuré : « Avec l’argent de nos impôts. » Les insultes venant appuyer les propos racistes. Insultes auxquelles, excédé, il finira par répondre. Résultat : arrestation, fouille au corps, audition. Il sort du commissariat. Il est 10h30.

Du côté du service communication de la SNCF, c’est une tout autre version qui nous est donnée spontanément lors de notre appel. Il suffit d’ailleurs d’évoquer l’événement du 4 novembre en gare de Toulon pour obtenir une réponse.

L’entreprise publique évoque pour sa part un passage en force de l’usager lors du contrôle des billets dans le souterrain ainsi que le refus de présenter plus tard son titre de transport au contrôleur Ce dernier aurait déposé plainte pour outrage suite à l’échange de bons mots qui aurait fait suite. En revanche, la SNCF confirme l’intervention d’un tiers en ces termes : « Un client excédé serait intervenu pour le faire descendre du train. » Le client en question serait l’énergumène présenté au-dessus. Voilà donc un fait corroboré par les deux parties.

Le dossier est dans les mains de la justice. A suivre.

par Thierry Turpin, La Marseillaise du 14 novembre 2014


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