Guerres de François Hollande : une dérive militariste

jeudi 18 décembre 2014.
 

Battant tous les records François Hollande a engagé la France dans trois nouvelles guerres, au Mali où l’armée française est engagée depuis janvier 2013, en Centrafrique, depuis décembre 2013, et en Irak depuis cet été. La légalité de ces interventions au regard d’un « droit international », réduit ici à servir de caution a posteriori, n’enlève rien au fait que le président est pris dans une dérive militariste. Le choix de la guerre est banalisé. La prise en compte de la dimension politique des conflits est piétinée. L’armée française entre en guerre sans savoir quand ni comment elle en sortira.

Cette méthode témoigne d’un « présentisme » amnésique et contraire à toute projection dans le futur. Cette façon de faire la « guerre en urgence » est renforcée par une 5ème République qui autorise le Président à la décréter sans débat. Pire, jamais n’avait autant compté pour le chef des Armées, dans ses choix, l’espoir d’obtenir, sur fond d’ « union nationale », quelques hausses dans des courbes de popularité abyssales. Il y a là un signe des plus graves d’une crise de régime.

Idéologie occidentalo-atlantiste

Cette dérive témoigne d’une liquidation de la politique étrangère instaurée dans les années 1960. Celle-ci avait comme dogme une souveraineté nationale marquée par le refus d’enfermer la France dans une alliance basée sur une appartenance à une supposée « civilisation occidentale ». Lorsqu’il décida en 1966 de quitter le commandement intégré de l’Otan, tout en nouant des relations de respect avec des pays comme l’URSS et la Chine, peu importait au général de Gaulle d’être accusé de trahir l’ « Occident ». Il partait du réel et constatait que les conflits d’intérêts traversaient aussi cette partie du monde.

A l’opposé, les deux derniers Livres Blancs prétendent qu’existe « entre les États-Unis, le Canada et l’Europe une profonde communauté de valeurs et d’intérêts ». Hors de cette « famille » irénique, tout n’est que « menaces » et autres « risques », notions floues qui autoriseraient, si les contraintes matérielles n’existaient pas, à faire la guerre partout et tout le temps. Ces postulats figent une division du monde sur des bases ethno-religieuses, « culturelles », ou en fonction d’indignations sélectives appelant à défendre les « droits de l’homme » dans les pays ayant l’outrecuidance de ne pas accepter les règles du « monde occidental ». Ils rendent aveugles aux transformations réelles du monde, donc interdisent toute pensée stratégique.

Cela n’inquiète visiblement pas François Hollande. Dans la continuité de Nicolas Sarkozy il a repris les principaux concepts moulinés par les néoconservateurs étasuniens en mal d’ennemi à la fin de la Guerre Froide. La « guerre au terrorisme » est devenue sa marotte. Il s’agit pourtant d’une absurdité qui se heurtera toujours aux mêmes impasses : enlisement progressif suivi d’un départ laissant une situation chaotique qui renforcera ce qu’on prétendait combattre. La lutte efficace, mais aussi plus discrète, contre le terrorisme repose sur un renseignement appuyé par des opérations de police, et des solutions politiques visant à en supprimer les causes.

L’aliénation de François Hollande se lit aussi dans un moralisme à géométrie variable brandissant les « droits de l’homme » non plus comme des principes universels dont la concrétisation implique une réappropriation citoyenne par des peuples en lutte, mais comme des « valeurs occidentales » pouvant être imposées telle une religion. Reprenant les arguments de l’opposition de droite à Obama, Hollande a ainsi essayé d’impulser en 2013 une intervention en Syrie basée sur ces logiques, avant de renoncer faute d’appui. Peu rancunier, il a depuis répondu aux injonctions de ce dernier en suspendant jusqu’à nouvel ordre, sur fond de crise ukrainienne, la livraison des bâtiments commandés par la Russie. En la plaçant ainsi à l’avant-garde d’une « alliance » en voie d’être dépassée par l’histoire, il n’aura fait qu’abaisser la crédibilité de la France.

A guerres d’urgences, budgets d’urgence

Comme si un tel bilan ne suffisait pas, ce bellicisme aggrave les conséquences de l’austérité. La multiplication des interventions va de pair avec une réduction constante des moyens. Additionnées aux engagements en cours, les guerres de François Hollande ont porté à 8300 le nombre de soldats engagés sur des théâtres d’opérations extérieures. Dans le même temps, alors que 54 000 postes ont été supprimés dans le cadre de la loi de programmation militaire 2008-2014, celle pour 2014-2019 prévoit 24 000 nouvelles suppressions. Les éléments de langage du ministre de la Défense déclarant, au moment de son adoption, que cette LPM allait créer une « armée plus compacte, plus performante, plus efficace », ne résistent pas aux faits. Les guerres de Hollande exacerbent le décalage entre les objectifs dictés aux forces armées et les moyens alloués.

Les témoignages se multiplient de soldats exaspérés de disposer d’un matériel usé jusqu’à la corde. Or, si les militaires ont pour devoir de servir et d’obéir, il est inacceptable que leurs risques de mourir au combat soient augmentés par ces choix. Quant aux 1,4 milliards d’euros de surcoûts issus de ces opérations extérieures pour la période 2013-2014, l’Elysée souhaite les combler en créant des sociétés de leasing qui rachèteront à l’armée du matériel lourd « à vocation logistique » pour le lui relouer par la suite. Une usine à gaz censée boucler le budget 2015, mais qui entraînera inévitablement d’énormes surcoûts de location et de gestion à long terme. La destruction de l’outil militaire est en marche.

Remettre la République dans le sens de l’histoire

Dans le cadre de l’édification d’une 6ème République qui devra mettre fin à ce naufrage, il pourrait par exemple être proposé d’inscrire dans la constitution que, sauf cas exceptionnels à définir, seul le peuple pourra décider de la paix ou de la guerre. La République ne peut se satisfaire qu’un homme seul décide de choses aussi graves.

Pour que la France (re)devienne une puissance de paix, il pourrait être proposé de graver qu’elle ne se définit pas par son appartenance à l’« Occident ». La devise « Liberté, Egalité, Fraternité » implique une vocation universaliste, donc internationaliste. La France ne devrait pas pouvoir intervenir militairement hors de ses frontières en dehors d’opérations encadrées par une ONU réformée. De même, la République a vocation à coopérer avec les puissances souhaitant une issue pacifique à la fuite en avant belliciste de l’empire étasunien en crise.

Enfin, l’outil militaire devra être dévoué à ces fins, et les principes républicains en la matière réaffirmés. A commencer par celui du monopole de l’Etat sur les armes de guerre. Pour que l’armée soit au cœur de la République, les militaires ne devront plus être des citoyens de seconde zone et devront pouvoir bénéficier d’une représentation syndicale.

Ce ne sont là que quelques pistes : gageons que quand le peuple souverain sera à nouveau saisi de ces enjeux, les propositions se multiplieront qui feront de l’aventurisme du dernier président de la 5ème République un simple mauvais rêve.

Djordje Kuzmanovic et Théophile Malo


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