Syriza, Podemos... la bourrasque venue du Sud de l’Europe

mardi 17 février 2015.
 

Epouvantails de Bruxelles ou Berlin, les partis de gauche radicale grecs et espagnols, qui ont cessé d’évoquer l’abandon de l’euro ou le non-remboursement de la dette, sont aux portes du pouvoir.

Un spectre hante l’Europe… A entendre les mises en garde de nombre de capitales de l’Union européenne face à l’émergence des mouvements de la gauche radicale en Grèce et en Espagne, la célèbre première phrase du Manifeste communiste semble retrouver son actualité. Syriza caracole en tête des sondages pour les législatives anticipées du 25 janvier (lire ci-contre). Podemos serait aussi, dans les intentions de vote, la première force politique espagnole pour le scrutin de novembre (lire page 4). D’où une inquiétude croissante à Bruxelles et surtout à Berlin où, selon Der Spiegel, la chancellerie « juge quasiment inévitable une sortie de la Grèce de la zone euro » si le nouveau gouvernement « abandonne la ligne de rigueur budgétaire ». D’autres de souligner une possible contagion. « Le risque, cette fois, n’est pas économique mais politique », note un éditorial de La Repubblica, le quotidien de centre gauche italien qui soutient la politique réformiste de Matteo Renzi.

« Oppression ». Face aux populismes d’extrême droite anti-immigrés et anti-euro du nord du continent, qui prospèrent sur le refus de la solidarité, une révolte colorée d’un rouge vif mâtiné de vert se lève au sud. Elle refuse des politiques d’austérité imposées qui, en Grèce, ont mis un jeune sur deux au chômage, réduit de 26% en cinq ans le PIB du pays, mais pas la dette. « La démocratie ne s’impose pas par le chantage », rappelle volontiers Aléxis Tsípras, le leader de Syriza. Et Pablo Iglesias, son homologue de Podemos, de pourfendre « l’oppression exercée par l’Europe et le FMI ».

Le réformisme de Tony Blair - suivi par le Parti socialiste espagnol, les démocrates italiens, le SPD de Gerhard Schröder et maintenant François Hollande - a en partie adapté les fondamentaux de la gauche à la nouvelle donne d’un monde globalisé. Mais ce projet fondé sur le sociétal ou l’émancipation individuelle plutôt que collective passe mal dans les pays mis en coupe réglée par la troïka (Commission, FMI et BCE). D’où le succès de ces mouvements au verbe radical.

« Il y a un grand écart entre leur rhétorique et leur programme », note néanmoins Marc Lazar (lire page 6), de Sciences-Po Paris, qui souligne qu’au-delà de formes politiques novatrices, leurs programmes reprennent pour l’essentiel les recettes keynésiennes de la social-démocratie des années 60-70. Podemos, désormais, se réfère plus au réformiste suédois Olof Palme qu’au révolutionnaire Hugo Chávez. Quant à Syriza, s’il arrive en tête au prochain scrutin, il n’aura pas les moyens de gouverner seul.

A l’approche du pouvoir, les deux formations ont d’ailleurs revu leurs ambitions à la baisse. Plus question, par exemple, de sortir de l’euro pour Syriza. « A une époque, il y avait un courant qui était en faveur du retour à la drachme. Cette question est désormais tranchée : nous resterons dans la zone euro », confiait ainsi il y a quelques jours à Libération le député George Stathakis, probable ministre des Finances d’un gouvernement Syriza. Pas question non plus de suspendre unilatéralement les remboursements. L’objectif désormais : renégocier la charge d’une dette devenue insoutenable (177% du PIB), et dont les remboursements empêchent l’économie grecque de redécoller. Après les discussions avec les créanciers privés en 2012, qui avaient conduit à une décote de plus de 70% des titres, la gauche radicale aimerait, cette fois-ci, faire plier les détenteurs publics (Etats membres, BCE…).

Un pari difficile s’il conduit à devoir faire accepter une perte sèche aux contribuables des pays prêteurs. Et notamment en Allemagne, où ni la chancelière ni l’opinion publique ne sont prêtes à « payer » pour les Grecs. Mais, de fait, il s’agit d’une revendication proche de ce que réclament d’ores et déjà les actuelles autorités du pays.

Pause. En Espagne aussi, Podemos en rabat sur la question de la dette, même si l’endettement espagnol (proche de celui de la France avec près de 100% du PIB) représente un problème moins aigu qu’en Grèce. La position de la formation ibérique d’extrême gauche n’est plus le non-remboursement, mais la mutualisation des dettes nationales (et donc espagnole) au niveau européen, via des mécanismes du type eurobond. Un système permettant de garantir des taux d’emprunt peu élevés pour des pays qui ne parviennent plus à se financer seuls sur les marchés, ou à des coûts très élevés. Position, là encore, partagée par de nombreux économistes en Europe.

Pour le reste, Syriza continue cependant de prôner une pause dans l’austérité et une hausse du Smic, mais concentre également son discours sur la réforme de l’Etat, la lutte contre la bureaucratie, en encore la création d’un cadastre, autant de points qui pourraient séduire la nouvelle Commission européenne. Quant à Podemos, exit la retraite à 60 ans (la revendication est passée à 65 ans) ou le revenu garanti pour tous. Ses responsables revendiquent désormais une réforme fiscale, et les 35 heures…

Marc SEMO et Luc PEILLON


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