Merkel entraîne l’Europe vers le suicide collectif : quelques vérités qui dérangent

mardi 3 mars 2015.
 

Depuis le début de la crise, le gouvernement Merkel accuse la Grèce d’irresponsabilité. Ce mensonge politique, répété à longueur de temps par les organes de presse Allemands, cache les sérieuses responsabilités de l’Allemagne dans la crise actuelle. Egalement relayé par nombre d’éditorialistes français et Européens, il manipule l’opinion publique. Nous rétablissons ici quelques vérités qui dérangent.

La politique économique allemande des années 2000 a causé la crise de la zone euro

On entend que l’Allemagne « vertueuse » a su réduire ses déficits à temps tandis que d’autres pays dépensaient sans compter. Cette analyse est entièrement fausse. Les dépenses publiques des Etats du sud de l’Europe n’expliquent pas la crise. L’Italie, l’Espagne, l’Irlande ou le Portugal étaient en parfaite santé budgétaire avant la crise, avec des excédents en Espagne et une résorption du déficit ailleurs.

La crise européenne provient du déséquilibre des balances commerciales. L’union monétaire s’est accompagnée d’une entrée massive de capitaux dans les pays du sud de l’Europe, capitaux provenant des hauts patrimoines, en particulier allemands et français. Ces flux ont créé des bulles immobilières qui ont poussé l’inflation à la hausse en Grèce, en Espagne ou au Portugal. C’est cette mauvaise allocation des flux de capitaux privés qui a causé une inflation forte chez les partenaires commerciaux de l’Allemagne. L’Allemagne a aggravé ce déséquilibre en menant une politique nationale déflationniste contre le reste de ses voisins.

Conséquence entre 2000 et 2007 : l’inflation moyenne Allemande est de 1% contre 3% à 4% pour les pays du sud de l’Europe. Ces différences d’inflation expliquent l’accumulation de surplus Allemand et de déficits commerciaux dans les autres pays européens. Il s’agit là d’un lien purement mécanique : le surplus commercial d’un pays implique toujours le deficit d’un autre pays. Or ce surplus allemand n’avait rien de vertueux : il a alimenté la bulle immobilière et financière. L’éclatement de la bulle en 2008 a provoqué le retrait massif des capitaux mal-investis et causé la crise de liquidité des pays du sud de l’Europe.

Le département du Trésor américain a ainsi publié un rapport en 2013 affirmant que la politique de surplus Allemands avait mis en danger l’équilibre de l’Europe et de l’économie mondiale. La bonne réponse consisterait plutôt à blâmer l’Allemagne pour sa faible inflation des années 2000 et exiger du gouvernement Merkel qu’il mène une forte politique de relance.

Depuis 2010, l’Allemagne exige pourtant l’extension du modèle ayant mené au désastre

Depuis 2010, l’Allemagne exige de ses voisins l’adoption de sa stratégie anti-coopérative des années 2000 : gagner en « compétitivité-prix » en abaissant les salaires et le niveau général des prix partout en Europe. Avec l’euro, il n’est plus possible de dévaluer. Une façon de résorber les déséquilibres passe donc par la désinflation du sud de l’Europe, c’est à dire l’austérité budgétaire. Sans parler des dégâts sociaux causés par cette stratégie en Allemagne, une telle politique est aujourd’hui irréalisable en Europe.

D’une part, si l’Allemagne a pu mener cette stratégie dans les années 2000, c’est grâce au climat de forte croissance et d’un niveau d’inflation moyen de 2% en Europe. Aujourd’hui, l’inflation en zone euro est plus proche de 1%. Cette stratégie pousse donc les pays européens à observer des taux d’inflation non pas simplement modestes mais négatifs. Or la désinflation généralisée creuse la récession et augmente mécaniquement le poids de la dette. D’autre part, une telle politique n’est par définition pas généralisable : au « gain » compétitif d’un pays correspond nécessairement une « perte » pour un autre. L’Europe converge ainsi vers le bas (austérité concertée) au lieu de converger vers le haut (relance concertée).

Cette politique « à l’Allemande » est suicidaire pour la zone euro : au lieu de régler les problèmes (croissance, dette), elle les aggrave. L’échec incontestable de la Troïka en Grèce en est la parfaite illustration. La bonne solution serait de mener des politiques de relance coordonnées en Europe et de changer les status de la BCE. Si cela s’avère impossible, il faudrait autoriser à nouveau la dévaluation monétaire au sein de l’Union Européenne, à travers un SME renouvelé (cf. les propositions monétaires de la Commission économie du PG).

L’Allemagne et ses banques ont bénéficié de la crise entre 2010-2014

Les plus de 400 milliards d’aide financière accordée par l’UE aux Etats du sud de l’Europe (en déficit) n’ont pas coûté un centime au contribuable français et allemand. Bien au contraire. Premièrement, cette politique leur a permis d’emprunter à des taux quasi négatifs, contrairement à leurs « partenaires » placés sous perfusion financière. Ainsi une étude du groupe d’assurance Allemand Allianz réalisée en 2013 a calculé le gain pour l’Allemagne en terme de baisse de ses taux d’emprunt : 10 milliards d’euros entre 2010 et 2012, plus de 67 milliards estimés sur plus longue période.

Deuxièmement, l’aide européenne n’est pas un don mais un prêt. Ainsi, 16% de l’aide versée aux grecs a servi au paiement des intérêts de la dette, versés notamment à l’Allemagne, qui en a donc directement bénéficié. La contribution de l’Allemagne au plan de sauvetage Grec de 2010 (15 milliards d’euros) lui a rapporté en un an 380 millions d’euros. Sans doute plus d’un milliard d’euro en 4 ans.

Troisièmement, l’aide européenne en direction des pays en déficit commercial (les plus touchés) a d’abord servi à sauver l’Europe. Ainsi, 73% de l’aide versée aux grecs a pris la forme d’opérations financières inter-bancaires ayant eu pour seul objectif d’éviter le non remboursement de prêts pourris délivrés par des banques européennes irresponsables. Ce sauvetage est donc d’abord celui du système financier européen dans son ensemble ! La Grèce aura finalement servi de fusible aux banques allemandes et française.

Depuis 2014, l’Allemagne joue avec le feu en minimisant l’effet d’un Grexit sur la zone euro

Un rapport secret évoquant la défense d’une sortie de la Grèce de la zone euro (Grexit) par le gouvernement Allemand a récemment été révélé par l’agence de presse Reuters. L’Allemagne juge plausible une sortie de la Grèce de la zone euro et se prépare en ce sens. Elle a ainsi obtenu de la BCE que son nouveau programme de Quantitative Easing se fasse via l’intermédiaire des banques centrales nationales. Autrement dit, en cas de rupture, les rachats d’actifs grecs par la BCE seront automatiquement enregistrés sur la balance financière Grecque, sans « contaminer » le bilan de la BCE.

Or rien ne permet d’affirmer que les effets de contagion et réactions en chaîne d’un Grexit seraient facilement gérables. C’est ce genre d’optimisme qui a conduit le gouvernement américain à laisser Lehman Brothers faire défaut en 2008, avec les conséquences désastreuses que l’on connait depuis… Les quelques études sérieuses ayant tenté l’exercice d’évaluation insistent sur l’incertitude de ce type de calcul et le coût probablement très élevé d’une telle hypothèse.

En réalité, Merkel se soucie moins du coût économique que du coût politique d’un changement de choix économiques. Défendre la relance contre l’austérité et la restructuration de la dette contre son remboursement reviendrait en effet à révéler le mensonge : « chers compatriotes, vous avez souffert pour rien ». Ce coût politique est également jugé trop élevé par la sociale-démocratie européenne qui n’a eut de cesse de relayer ce mensonge originel. Ils préfèrent donc berner le peuple plutôt que de sombrer en laissant leur mythe moralisateur s’effondrer au grand jour. A travers son jusque-boutisme coupable, l’Allemagne de Merkel joue avec le feu et met l’Europe en danger.

Sandro Poli, co-président de la commission économie du PG


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