Martine Billard nous informe de son parti pris pour la forme parti.

mercredi 20 novembre 2019.
 

Il serait dangereux de jeter le bébé avec l’eau du bain

Source Internet : cliquez ici pour accéder au blog dont l’article est issu et reproduit ci-dessous (et à quelques commentaires non reproduits ici).

Je commenterai ensuite cet intéressant article.

"De nos jours défendre la nécessité d’avoir des partis politiques est presque suicidaire tant le discours général veut que les partis soient dépassés et représentent des obstacles à la démocratie. Disons-le tout net si quelqu’un était capable de me proposer une autre forme d’organisation efficace et plus démocratique, je dirais oui tout de suite. Mais j’ai longtemps cherché, fréquenté tous les collectifs, appels, revues, réseaux divers pour arriver à la conclusion que certes les partis étaient énervants par de nombreux aspects mais que personne n’avait trouvé comment les remplacer de manière durable.

En réalité la méfiance exprimée aujourd’hui dans les enquêtes ne concernent pas que les partis mais l’ensemble des « institutions ». Ainsi selon une étude du Cevipof, 76% des Français ne font pas confiance aux partis politiques juste devant 72% qui ne font pas confiance aux médias, chiffre qui monte d’ailleurs à 84 % pour les proches du Front de Gauche quant aux médias. Il faut dire que vu comment ils nous traitent, ce rejet n’est pas étonnant.

Cette rupture des citoyens envers les dirigeants s’exprime notamment par le fait que 44% d’entre eux pensent que les politiques s’intéressent « peu » à leurs préoccupations et un tiers (34%) « pas du tout » alors qu’en1977 la majorité (53%) avait un avis positif. Le décrochage s’est fait en 1983, soit sous Mitterrand lors du tournant de la rigueur.

Cette distance s’exerce aussi à l’égard des syndicats puisque 68% des français expriment leur méfiance à leur égard aujourd’hui alors qu’en 2010, au moment de la mobilisation contre la loi sur les retraites de Sarkozy, 55% leur faisaient confiance. Or, à part les libéraux qui en profitent pour conclure qu’il faut supprimer les syndicats, personne d’autre ne développe cette analyse.

En fait des expériences ont existé dans les années 80, notamment en Italie avec le développement de ce qui s’appelaient les Cobas (comités de base) par des salariés qui trouvaient que les syndicats ne les défendaient pas assez. Mais ces structures ont fini par coexister avec les syndicats. Dans les années 70 en France des comités de lutte ont aussi existé pour desserrer le contrôle que faisait peser le PCF à l’époque sur la CGT. Mais avec le reflux des luttes, ces structures ont disparu et aujourd’hui tous ceux qui continuent à se battre pour la défense des intérêts des salariés se rendent bien compte que la meilleure manière de le faire c’est de renforcer la syndicalisation.

En Amérique Latine, il y a certes eu des révolutions citoyennes sans parti politique important existant au préalable mais dans des conditions de mobilisation de masse et de crise du système politique qui n’ont rien à voir avec la situation actuelle de la France.

Alors pourquoi faudrait-il tirer de la défiance par rapport aux partis, la nécessité de les supprimer ? Aujourd’hui une majorité de français qui font de la politique le ferait en dehors des partis ? Mais ce n’est pas nouveau. Dans les années 70 il y avait beaucoup plus de militants hors partis qu’à l’intérieur. Qui a oublié le Secours Rouge par exemple ? Les énormes mobilisations contre le coup d’état au Chili ? Les comités de lutte de tout genre, aux lycées, en fac, dans les quartiers... ATTAC, à ses débuts, a mobilisé beaucoup de militants hors parti (plus de 40 000 adhérents au total), tout comme la formidable mobilisation contre le TCE en 2005 et les CUAL avant qu’ils ne se fracassent sur l’élection présidentielle de 2007. Les moments de lutte intense rassemblent bien au delà des partis.

Mais heureusement qu’il y a des partis dans les moments de reflux pour garder des lieux de formation de nouvelles générations et des capacités d’initiatives sans compter l’aptitude à se présenter massivement aux élections. Certains vont dire, oui mais en Espagne, il y a Podemos. Certes mais Podemos est bien un parti et très organisé et avec une direction nationale bien que l’Espagne soit un parti fédéral.

La question n’est donc pas à mon avis d’en terminer avec la forme parti. La capacité à répondre aux tâches politiques du moment repose sur la compréhension de la situation et des réponses à y porter ainsi qu’à la volonté de ne pas construire sa petite boutique en pensant qu’on a la vérité révélée.

Aujourd’hui concrètement en France, des pas importants ont été fait pour en finir avec l’émiettement politique en créant le Front de Gauche et en cherchant constamment à l’élargir. Avec les municipales une nouvelle période s’est ouverte avec les premiers rassemblements avec EELV. Elle s’est poursuivie lors des départementales donnant de très bons résultats dans de nombreux endroits. Il n’y a aucun cas de recul de ces rassemblements par rapport à des résultats antérieurs. Alors certes nous aimerions aller beaucoup plus vite, surtout que le FN continue sa progression ; ne pas faire deux pas en avant pour parfois en faire un en arrière ensuite. En tous les cas la leçon à tirer de ces départementales c’est qu’il faut continuer et approfondir l’union dans l’indépendance du PS, sur laquelle peut s’appuyer l’engagement citoyen, au jour le jour et pas seulement lors des élections.

Cela veut dire aussi aller dans les mêmes dispositions d’esprit pour les régionales. Pas à pas, mais ferme sur la direction, sans jamais se décourager, et en essayant d’aller plus vite mais sans s’impatienter et tout rompre dans les passages difficiles, c’est ainsi que nous reconstruirons de l’espoir et de l’envie de s’impliquer car nous démontrerons que nos partis sont utiles. Et c’est aussi ainsi que nous préparerons les cadres pour dépasser chacun de nos partis dans une nouvelle organisation qui portera les combats démocratiques, sociaux et écologiques.

Alors bien évidemment qu’il y a beaucoup à améliorer dans nos fonctionnements, qu’on peut apprendre des méthodes les plus démocratiques de Podemos, qu’il faut être capable d’utiliser les nouvelles possibilités offertes par internet mais sans les idéaliser non plus. Car au final, les outils internet peuvent et doivent aider à la préparation, mais le plus démocratique c’est quand même le débat en face à face, en prenant le temps et en cherchant ensemble la construction d’une réponse commune quitte à la valider ensuite en utilisant le vote par internet.

De même, l’action politique à l’échelle d’un pays ne peut pas être que l’addition d’actions locales ou partielles. Le rapport de force ne peut pas se construire que localement. Il arrive un moment où il faut une convergence nationale et il en existe d’autres où l’impulsion va partir nationalement. Tout dépend du sujet et de l’objet de la mobilisation. Il est donc vain d’opposer local et national, direction et base. Tout est dans l’articulation et la façon de faire. Il serait donc dangereux de jeter le bébé avec l’eau du bain."

Fin de l’article.

Mon commentaire de l’article.

Je commence le commentaire sur la question de la confiance des français envers les médias. Concernant l’étude du CEVIPOF mentionnée par Martine Billard, il me semble nécessaire de faire les remarques suivantes, compte tenu de l’enjeu politique considérable qui se cache derrière les chiffres.

a) Il s’agit ici, dans le cadre d’un baromètre de confiance globale des Français vis-à-vis des autres, des institutions politiques, de différentes organisations d’une appréciation ponctuelle sur un halo de données médiatiques aux contours difficilement discernables.

La dernière évaluation du barreau de confiance du CEVIPOF de Janvier –février 2015 (6me vague bis), dans le tableau Niveau de confiance dans certaines organisations, indique que 69% des Français ne font plutôt pas confiance ou pas confiance du tout aux médias. Source : CEVIPOF Cliquez icipour accéder au document complet

Voici un extrait d’une autre étude CEVIPOF beaucoup plus précise sur les différents types de médias utilisés par les Français "La télévision est nettement le média dans lequel les électeurs français dans leur ensemble ont le plus confiance. 65 % des personnes interrogées déclarent que c’est le moyen d’information auquel elles font le plus confiance en premier ou en second pour s’informer sur la politique. La presse écrite et la radio viennent ensuite (38% et 39% des personnes interrogées)" Source : CEVIPOF ici.

Je n’accablerai pa le lecteur d’un torrent de chiffres concernant la fréquence d’exposition de la population française aux différents médias dont les journaux télévisés de 13 heures et du 20 heures en fonction de l’âge, de la région, du niveau scolaire etc. et de la catégorie des chaînes regardées. Mais il faut savoir qu’une telle exposition quasi journalière concerne une très large majorité de la population française.

L’indice de confiance envers les médias doit être vu d’une manière dynamique et en fonction des principaux médias. Voici l’étude beaucoup plus pointue et complète faite par TNS–SOFRES entre 1987 et 2014 sur la crédibilité politique des médias. Cliquez icipour y accéder. En se reportant à la page 10 de cette étude, le lecteur aura une vision dynamique sur le long terme portant sur les trois principaux médias. On constate alors que l’indice de crédibilité politique est de l’ordre de 60% pour la télévision (considéré comme le plus crédible), 55% pour la presse, 50% pour la radio.

b) Ce n’est pas parce que, lors d’un sondage , un sondé fait preuve d’une certaine méfiance vis-à-vis des médias (sans que l’on précise d’ailleurs sur quel type d’émission ou d’article il est interrogé) qu’il ne les utilise pas pour se construire des représentations sociales et notamment une opinion politique.

On ne fera pas croire que les stratégies de diversion, de dépolitisation, de marginalisation des représentants de l’Autre gauche, le formatage multi-supports et multicibles des esprits par l’armée des agents de diffusion de l’idéologie libérale omniprésents sur tous les terrains et sur tous les plateaux a peu d’incidence sur les choix politiques de nos concitoyens. Dire cela, ne signifie en aucun cas que nos concitoyens soient incapables de réfléchir par eux même,mais souligne le fait que la matière à penser que l’on met à leur disposition est lacunaire, fortement dirigée idéologiquement. La formation économique et politique acquise par une pratique syndicale ou un héritage éducatif familial, par des partis de gauches qui ont abandonné ou négligé leur mission de formation ne fait plus le poids face à ce fantastique bombardement idéologique permanent utilisant des moyens technologiques sophistiqués et attractifs. Quant à ceux qui ont le temps ou la motivation de lire des ouvrages de philosophie ou d’économie politique, de consulter sur Internet des articles de cette nature, ils constituent une petite minorité de la population.

L’action des médias est certes limitée, et d’aucuns se rassureront, avec le vote négatif des Français en 2005 concernant le TCE, mais elle reste néanmoins extrêmement efficace Nous ne développerons pas ici les modes d’action complexes et diversifiés utilisés par les médias, ce qui dépasserait le cadre de ce commentaire.

Abordons maintenant le fond de l’article.

A– Conserver les partis en améliorant leur structure, leur fonctionnement en repensant leur finalité.

Je partage le point de vue de Martine Billard : il faut conserver la structure de parti qui permet une certaine robustesse, une certaine pérennité des organisations politiques. L’expérience a montré, non seulement France mais aussi à l’étranger, que les formes organisationnelles nées de l’auto organisation spontanée, comme les coordinations, ont sans doute leur utilité, leur efficacité mais ne sont pas pérennes et disparaissent souvent presque aussi vite qu’elles sont apparues

Néanmoins, le mode de fonctionnement actuel des partis ne correspond plus aux aspirations des citoyens. et notamment aux aspirations des classes populaires. Martine Billard en est très probablement conscient e

De mon point de vu , voici les erreurs à corriger :

–La mission essentielle d’un parti politique ne devrait pas être la conquête de sièges dans les différentes assemblées (électoralisme pouvant déboucher sur le clientélisme, la politique gagne-pain), mais être la formation de ses adhérents et des citoyens en vue de pouvoir transformer radicalement la société en mettant l’humain au centre . Tout à fait d’accord avec le premier commentaire relatif à l’article concernant l’éducation populaire. (Cliquez ici pour accéder au blog de Martine billard et aux commentaires)

La plupart des partis sont dorénavant devenus des écuries électorales utilisant des techniques marketing. Le PCF n’a pas échappé à ce travers aux élections municipales de 2014 en contractant des alliances avec le PS au premier tour. Il est heureux que cette situation ait évolué aux élections départementales où de tels accords se sont faits rares, permettant ainsi une meilleure cohérence politique et d’aller de l’avant

– Certes les partis ont comme mission de présenter des candidats qui seront conduits à élaborer des lois et à gérer des collectivités territoriales, mais réduire leur activité pour l’essentiel à cette fonction transforme les partis en organismes gestionnaires d’idéologie purement utilitariste. Là encore, l’éducation populaire et la formation économique et politique du citoyen devraient être beaucoup plus importante. Les élus ne prennent pas appui sur leur implantation locale pour développer des techniques modernes de communication et de formation permettant de diffuser leurs idées. Il suffit par exemple de constater le caractère souvent embryonnaire des sites Internet des partis du FDG. (Ce n’est évidemment pas le cas du site du PG Midi-Pyrénées par la mise en ligne journalière d’articles et de documents très variés. C’est le seul site dont le fond d’écran est compatible avec une hygiène visuelle scientifiquement définie. Sa sobriété de présentation est à la hauteur de sa profondeur. Il reste le site de gauche le plus riche existant sur le Web et probablement aussi le plus ouvert par son absence de dogmatisme.)

– Une synthèse reste à réaliser pour pouvoir concilier une démarche horizontale inter–organisationnelle et une démarche verticale, qui demeure pour l’instant dominante. Le mouvement pour la sixième république est de ce point de vue intéressant. Jean-Luc Mélenchon a parfaitement compris cet enjeu.

– Tout à fait d’accord avec l’article qui montre la nécessité de ne pas opposer ou de dissocier les actions locales et les actions nationales. Il faut en effet coordonner, autant que possible, l’approche locale et l’approche globale. La Partie est dialectiquement liée au Tout et réciproquement .

– Les partis composant le FDG ont tout intérêt à développer des techniques d’organisation collaboratives éliminant les tendances à la défiance et la compétition. La proposition de Jean-Luc Mélenchon de constituer une assemblée représentative du Front de Gauche aux différents échelons de son organisation, va tout à fait dans ce sens. Voir articleici

Il ne faut donc pas abandonner la structure parti mais démocratiser encore plus son fonctionnement, reconsidérer ses missions, diversifier ses modes de fonctionnement.

En outre, un travail de réflexion devrait être développé pour imaginer des méta structures permettant d’articuler le fonctionnement de plusieurs partis, c’est-à-dire de pouvoir les faire fonctionner ensemble symbiotiquement, c’est-à-dire d’une manière coopérative et non compétitive.

B– Ne pas oublier les rapports de classe pour comprendre la nature profonde des partis.

Mais l’argumentaire de Martine Billard souffre, oserais-je dire amicalement, d’une lacune importante : l’absence de la prise en compte des rapports de classe. On ne peut, me semble-t-il, indistinctement mettre sur le même plan des partis qui ont une fonction de gestion du pôle de la propriété de la classe dominante et finalement une fonction d’oppression et les partis, comme ceux du FDG qui sont du côté des classes populaires et résistent à toutes les formes d’oppression de cette classe dominante.

Il nous faut notamment bien distinguer gauche élitaire et gauche populaire pour reprendre la terminologie du philosophe marxien et marxiste Jacques Bidet. Cette gauche populaire, sur le plan politique, ne se réduit pas au FDG : Elle contient aussi les partis d’extrême gauche, Nouvelle Donne, le M’PEP, les socialistes affligés, les écologistes anti austérité qui ne sacrifient pas leurs idéaux à une politique gagne-pain de carrière personnelle.

Le défi futur est alors de pouvoir articuler ces différents partis dans une structure organisationnelle souple dont la durée de vie ne se réduise pas à une manifestation ou à de simples actions défensives.

Je ne développerai pas ici en détail cette question de la gauche élitaire et de la gauche populaire que j’ai abordé dans un article du site PG Midi-Pyrénées. Partis politiques et classes sociales. Gauche élitaire et gauche populaire Article complet sur ce site en cliquant ici.

La fragmentation culturelle et politique de cette gauche populaires est, dans une certaine mesure, le reflet de la fragmentation culturelle et politique des classes populaires contemporaines. Le deuxième défi est de construire en cette première moitié du vingt et unième siècle, une unité culturelle et politique de la gauche populaire d’une part, et des classes populaires d’autre part .

Cela nécessite un nouveau travail théorique et de nouvelles pratiques sociales et politique tant au niveau local qu’à un niveau global

Je signale la parution récente d’un ouvrage en relation avec cette problématique : Sociologie des classes populaires contemporaines, ouvrage universitaire édité chez Armand Colin. Présentation du livreici. (Signalons que ce livre est édité en deux formats différents, le format de poche étant évidemment le moins cher.)

Hervé Debonrivage


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