Intervention de Jean-François Pellissier (FG) sur l’organisation des J.O. 2024 à Paris

vendredi 15 mai 2015.
 

Intervention faite le 7 mai 2015 au Conseil régional d’Île de France au nom du groupe Front de Gauche, Parti de Gauche & Alternatifs.

Chers collègues, Monsieur Lapasset, Monsieur le Président

Cette délibération pose à nos yeux de nombreux problèmes. Non que nous soyons opposés aux Jeux olympiques et paralympiques dans l’absolu ; au contraire, ils devraient être l’occasion d’une grande fête populaire du sport à l’échelle de l’humanité, d’un vrai moment de fraternité entre les peuples. Ce n’est pas cela que vous nous proposez.

Tout d’abord, une question de méthode : vous dites vouloir organiser la participation et la concertation citoyenne, or les Franciliens n’ont jamais été consultés sur cette décision de candidature. Quelle conception réductrice de la démocratie ! Vous décidez seuls, et ensuite seulement l’avis des citoyens vous intéresse ! Cela aurait été une occasion au contraire de lancer préalablement une véritable démarche de consultation de la population, et même pourquoi pas un référendum local, une occasion manquée !

Pour notre part, nous refusons de prendre part à cette sorte d’“union sacrée” scellée sur ce sujet entre le PS et l’UMP !

Les jeux olympiques dans leur forme actuelle, sont une aberration économique et écologique. Tous les JO ont coûté bien plus cher que les estimations initiales. 3 fois le montant initial pour les JO de Londres de 2012, 10 fois pour ceux de la Grèce de 2004, et au Brésil, les Championnats du Monde et les JO à venir font l’objet d’une contestation populaire de plus en plus massive.

Le financement de ces dépassements est toujours assuré par la collectivité, engendrant un surplus d’austérité et de nouvelles mesures drastiques de restriction budgétaire, de casse des services publics, de destruction des droits sociaux et de déni d’exigences écologiques. C’est donc à long terme aux peuples de payer la facture des coûts cachés.

Ce type de manifestations n’a pratiquement pas de retombées en termes d’emploi et de de revenu. Et une fois n’est pas coutume, notre groupe partage ce que dit la revue Finances et développement, éditée par le FMI selon laquelle “bien qu’un petit nombre d’emplois soient créés à l’occasion des Jeux, il ne semble pas y avoir d’effet visible sur les revenus, ce qui semble indiquer que les travailleurs n’en profitent pas.” Ce même article décrit les coûts d’entretien exorbitants d’équipements sportifs peu réutilisés, la sous-évaluation systématique des budgets des JO, et souligne que de nombreuses études, comme par exemple celles publiées par la Ville de Londres suite aux JO de 2012, ont une forte tendance, au nom d’une pensée économique basée sur la croissance, à surévaluer les effets positifs supposés des Jeux sur une économie et un emploi durable. Au final, les JO ne créent que très peu d’emplois, et surtout pas dans les secteurs qui permettent de prendre en compte les besoins sociaux de la population et les impératifs écologiques.

Les vrais bénéficiaires de tels Jeux, ce sont les multinationales qui en profitent pour signer des contrats juteux avec l’État, via des partenariats public-privé sur les infrastructures et avec invasion publicitaire croissante ! D’ailleurs les parlementaires ont d’ores et déjà prévu d’exonérer d’impôts les organisateurs des JO !

Les installations sportives dédiées aux JO ne correspondent pas aux besoins de la population, ce sont très souvent de grands projets inutiles et imposés. Pour encourager la pratique du sport, au lieu du gigantisme des installations qui ne resserviront pas durablement, il faut soutenir la construction d’équipements de proximité, notamment dans les quartiers les plus mal dotés. Nous rappelons que le budget du sport est actuellement attaqué par les politiques d’austérité gouvernementales et nombre de Fédérations sportives ont des moyens en baisse et insuffisants : plutôt qu’un événement “one shot” comme les JO, qui ne finance absolument pas la pratique quotidienne du sport et son développement, il vaudrait bien mieux investir dans les moyens matériels et humains pour revivifier de manière pérenne l’encadrement et la pratique sportive. Les JO dans leur forme actuelle sont par ailleurs un encouragement à la marchandisation du sport, et risquent fort de faire oublier l’essentiel, à savoir les liens forts entre sport amateur et pratique d’un sport à haut niveau.

Pour ce qui est des transports, la priorité pour les investissements sera donnée aux lignes reliant en moins de 30 minutes les sites olympiques au village Olympique, alors que l’urgence sociale exigerait de prioriser le développement de la desserte fine et la désaturation des lignes les plus fréquentées.

Pour les transports comme pour les équipements sportifs ou encore le logement, vous affirmez que les JO seront l’occasion d’investir dans des infrastructures utiles. Mais si le besoin existe pour ces infrastructures, si leur financement est possible, de surcroît par des fonds publics, pourquoi attendre les Jeux pour le faire ? Alors que l’austérité frappe les Français et les Franciliens quotidiennement, c’est tout simplement indécent.

Les précédentes éditions des JO ont aussi été marquées par l’explosion du budget sécurité : dans le contexte actuel, ce phénomène va être renforcé. Les JO seront l’occasion d’une présence policière accrue, d’un contrôle généralisé des populations. Et rappelons qu’à Londres, les JO ont été l’occasion d’un recours important à une police privée, sous prétexte d’économies budgétaires. Une telle dérive n’est pas acceptable !

Enfin, ces Jeux s’inscrivent dans la logique de développement de la métropole du « Grand Paris », avec la mise en place de processus de décisions de plus en plus éloignés des citoyens, ce que nous avons toujours dénoncé. Votre refus d’engager une concertation sur l’opportunité ou non de cette candidature en est d’ailleurs bien la preuve ! De la même manière, la promotion de cette candidature parisienne aux JO découle d’une logique de mise en concurrence des territoires les uns avec les autres et de compétitivité à tout prix, alors qu’il vaudrait bien mieux travailler à créer de la solidarité entre eux.

Ce projet ne correspond pas aux objectifs d’un développement régional équilibré et solidaire, on ne peut être d’accord avec un modèle qui épouse la logique libérale et de mise en concurrence de chacun contre tous imposée par le CIO. C’est pourquoi nous voterons contre cette délibération.

Jean-François Pellissier au nom du groupe Front de Gauche, Parti de Gauche & Alternatifs.


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