FIFA : L’argent crève le ballon rond

jeudi 11 juin 2015.
 

De par le monde, par millions, les individus se passionnent pour le sport et singulièrement pour le football. Source de joie et de plaisir, il donne bien trop souvent le sentiment d’une descente dans les bas-fonds des égouts et des caniveaux où l’odeur de l’argent empeste, ronge, salit, corrompt. Le sport, objet de pratiques humaines et sociales, est devenu spectacle puis business dominé par l’argent-roi. Pendant que beaucoup de celles et de ceux qui apprécient un match de foot au stade ou devant la télévision en manquent, ceux qui fournissent le spectacle en regorgent. On ne peut que rire aux éclats, à entendre que la fédération internationale de football est une association à… but non lucratif. Aujourd’hui, une enquête lancée aux Etats–Unis confirme et dénonce « un système de corruption vieux de vingt-quatre ans ». Que personne ne se dise donc vraiment surpris ! Signe des temps, tout se passe comme si l’habitude était prise de voir valser ces milliards sans que nous sachions réellement d’où ils viennent, à quoi ils servent et qui ils servent. Loin de toute éthique ou de toute morale, des démoniaques de l’argent facile se passent et se repassent pots de vin, commissions occultes, rétro commissions, achat de voix et parfois de match, valises de cash, blanchiment d’argent, ouvertures de compte bancaires dans les paradis fiscaux et dopage désormais reconnu. La liste est longue des méfaits de la pieuvre faisant basculer le football et d’autres sports dans le marécage de l’opaque corruption. C’est la loi du capitalisme ! Rien à voir avec le sport comme facteur de réalisation ou de dépassement de soi ! Rien à voir avec la beauté d’une compétition ! Mais tout à voir avec le mensonge, les trucages et un monde en décomposition. Et le clou du spectacle est que le général en chef de l’organisation de cette multinationale du foot est réélu dans son beau fauteuil comme un « intouchable »

Les montants ahurissants des transferts de joueurs, les sommes astronomiques des droits de retransmission télévisés et l’importance prise par le sponsoring et le markéting ont achevé de cliver le sport, et singulièrement le football, en deux mondes distincts. D’un côté la pratique amateur qui tire la langue sous l’effet de l’étranglement financier des collectivités locales, de l’autre le sport business qui draine, au sommet, des quantités phénoménales d’argent. Les discours larmoyants de M. Blatter nous assurant que tout cela forme une même famille ne sont qu’une piètre mystification !

Il y a comme un symbole du drame de notre époque à voir une passion populaire, belle et noble en soi, à ce point phagocytée par l’argent qui montre encore une fois son pouvoir de nuisance lorsqu’il n’est pas contrôlé. Lorsque son utilisation, ici comme ailleurs, échappe et tourne le dos à la démocratie. Les dégâts humains qu’il génère sont colossaux, au Qatar ou ailleurs, lorsque des milliers d’êtres humains sont appelés à travailler comme des esclaves, voire à mourir comme des bêtes de somme, dans les pharaoniques chantiers de stade.

Evidemment je ne suis pas naïf ! Que l’enquête ait été subitement diligentée par la justice américaine, à quelques heures du vote pour reconduire le chef de la FIFA, ou que cette affaire menace l’organisation de la prochaine coupe du monde en Russie, tandis que cette dernière apparait défendre le maintien du dit chef, tient évidemment de la politique, de la construction de rapports de forces géopolitiques qui sous-tendent désormais le sport mondial. Cela n’enlève rien à notre dénonciation de l’emprise des multinationales et des grandes télévisions sur le sport-business.

L’éviction de l’inamovible Mr Blatter eut été cependant, dans l’attente des décisions de justice, une mesure de salubrité publique à prendre d’urgence. Intronisé par le précédent président de la FIFA* le brésilien Joao Havelange, légende de la corruption qui a érigé les pots de vin et la combine avec les dictatures d’extrême droite sud-américaines en méthode de management, l’actuel président de la FIFA en a pris l’essentiel des recettes : flatter les pays pauvres en jouant l’opposition Nord-Sud pour mieux s’assurer les voix lors des congrès, à coups de cadeaux et de flagornerie, dans un vrai climat d’omerta.

Il y a quelque chose d’inquiétant et de profondément révélateur des brouillages de la mondialisation capitaliste à voir le patron de la FIFA érigé en figure héroïque du Tiers monde par certaines fédérations. Si ces pays doivent pouvoir jouir des retombés économiques des grandes manifestations sportives et en assurer l’organisation, ils ne peuvent accepter l’enrichissement frauduleux de quelques pontes dont l’altruisme et la générosité envers leurs peuples n’a toujours pas été démontrée.

Le problème est foncièrement politique ! L’indépendance derrière laquelle s’abritent les grandes fédérations sportives, leur permet, en réalité, de cacher aux yeux des Etats et de l’opinion publique des méthodes douteuses, et de légitimer la gestion opaque des milliards d’euros qui tombent dans leurs escarcelles avant et après l’organisation des grandes compétitions.

Devant tant de malversations, il est nécessaire, à l’image de ce qu’il a été réalisé dans le cyclisme à la suite des affaires de dopage, que les instances internationales s’en mêlent. L’importance politique, géopolitique et économique des grandes manifestations sportives justifie pleinement un contrôle sévère par l’Organisation des Nations Unies, à travers l’UNESCO*, de leur attribution et de leur déroulement. Comment accepter que la FIFA ne s’acquitte d’aucun impôt dans les pays où elle organise ces juteux évènements ? Qu’on leur applique une vraie fiscalité, pour assécher les rentes scandaleuses et redistribuer la manne auprès des populations et des clubs amateurs !

Le sport de haut niveau jouit d’une trop grande impunité en laissant libre-court au capitalisme le plus débridé et donne un exemple désastreux à la jeunesse du monde fascinée par le beau jeu et ses vedettes. Ce doit être un enjeu des citoyens du monde car on peut penser que comme pour le précédent président du comité international olympique, ce sont les multinationales elle-même qui décideront de faire le ménage craignant que leur image puisse être souillée. Il y a quelques jours, les firmes Coca-cola et Visa Mastercard faisaient part de …« leurs inquiétudes » face aux débuts de révélations en cours. Leur problème est de disposer d’hommes sûrs qui permettent que se perpétue le « business » comme on dit chez ces gens-là. Les vrais responsable du sport mondial ne peuvent pas être les vingt deux transnationales qui, ensemble lors de la dernière coupe du monde du football au Brésil, ont versé plus d’un milliard cinq cent millions de dollars pour que leur nom apparaisse dans les stades et sur nos écrans durant des semaines. C’est aux citoyens et aux responsables sportifs d’adresser un carton rouge aux parrains du foot pour que l’argent cesse de crever le ballon rond.

* FIFA : fédération internationale de football association

* UNESCO : Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture


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