L’Union européenne et la Grèce : Suave impéritie des stratèges

lundi 22 juin 2015.
 

J’avais annoncé que l’Eurogroupe se prendrait au piège d’une catastrophe pour lui-même en croyant que la menace de faire sortir la Grèce de la zone euro puisse ne nuire qu’à la Grèce.

Nous y sommes.

Le banquier central, le gouvernement allemand et le FMI serrent méthodiquement la gorge à la Grèce. En vain, selon moi.

Ici, les médias pavlov hurlent à la mort. En Allemagne, c’est l’hystérie. Le social-débris Sigmar Gabriel hurle depuis le balcon du PS allemand à l’endroit de Tsipras : « ca suffit ». Tu l’as dit bouffi ! « Le Monde » me rend Tsipras, qualifié de « mélenchoniste radical » après l’avoir peint quelques semaines comme un François Hollande rougi par un coup de soleil.

Comédie ! La bombe grecque a été installée et allumée par ceux-là mêmes qui comptaient la jeter sur la colère des peuples. Le naufrage grec est une création des passagers du navire et les costumes sont de Donald Tusk ! Suave impéritie des stratèges.

J’ai apprécié de voir, en fin de parcours, Arnaud Leparmentier du journal « Le Monde » prendre la mesure du piège grec, énoncer clairement les dégâts pour tous de ce qui se passe en cas d’expulsion d’un pays hors de la zone euro ! Evidemment, il ne conclut pas du tout dans le même sens que moi.

Mais ce qui me fascine, c’est que les commentateurs les plus pointus ne se demandent pas pourquoi leurs alertes et conseils ne sont jamais pris au sérieux par ceux-là même qu’ils pensent défendre ou soutenir. Leparmentier annonce depuis des mois l’impasse de l’Union européenne, le rôle asphyxiant de la politique allemande et ainsi de suite. Mais il ne se passe rien. Pourquoi ?

Il voit bien lui-même que les décideurs européens font exactement ce qu’il faut pour tout détruire avec leurs méthodes de travail. Les plus aveuglés qui sont-ils ? Ce que monsieur Leparmentier ne comprend pas c’est que si lui veut faire l’Europe, les autres veulent faire des affaires. Dans ce jeu, les premières victimes sont ceux qui se dupent eux-mêmes. Leparmentier le sait bien, qui ironise avec amertume sur les dirigeants qui s’étaient appropriés Tsipras pour se parer eux-mêmes de l’éclat de sa victoire. On se souvient que du jour au lendemain l’homme qu’on présentait la veille comme « le Mélenchon grec » était devenu le parfait ami et voisin de table de chacun des importants sans aucun rapport avec l’odieux diable rouge français. Un galonné de la nomenclature du PS souligna même que « Tsipras est bien plus prêt du pragmatisme de Hollande que d’un excessif comme Mélenchon ». Le PS passa de l’ostracisme à la labélisation. Ah ! Ah ! Qui cela a-t-il trompé ? Ceux qui l’ont dit et cru. C’est tout. Cruel retour au réel. Dans son éditorial, monsieur Leparmentier me rend Tsipras : « un mélenchoniste radical ne devient pas en quelques mois un social-démocrate réformateur digne de confiance ». C’est dire si la situation est grave ! Elle l’est. Leparmentier le résume mieux que je ne l’ai expliqué dans mon précédent post. Lisez :

« Hébétés, nous marchons droit vers le désastre. C’est l’Europe qui est cette fois menacée, car le blocage des négociations entre le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, et ses créanciers est aussi grave que spectaculaire. Une faillite d’Athènes, destructrice pour les Grecs, mais aussi pour l’Europe, est désormais dans toutes les têtes. Prenant la mesure de la gravité de la situation, peut-être serait-il nécessaire que les dirigeants grecs cessent leur jeu de poker perdant pour sortir de l’impasse dans laquelle ils se sont fourvoyés. Avant qu’il ne soit trop tard.

Après ce plagiat taquin d’une récente tribune enflammée publiée par Le Journal du dimanche, interrogeons-nous : comment en est-on arrivé là ? On se rappelle le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, décelant fin janvier dans la victoire de Syriza "un raz-de-marée contre l’austérité", qui allait renforcer le camp de ceux qui voulaient "réorienter la politique européenne". En réalité, l’impasse actuelle n’est guère une grande surprise pour qui savait ouvrir les yeux sur le Premier ministre grec et son parti Syriza. Il y eut maldonne sur tout, ou presque.

Premièrement, un mélenchoniste radical ne devient pas en quelques mois un social-démocrate réformateur digne de confiance. Le mandat que lui ont confié les électeurs abusés par des promesses intenables est depuis le début incompatible avec les exigences des Européens et du Fonds monétaire international (FMI). (…)

Le blocage est total. Et si aucune solution n’est trouvée, l’enchaînement risque d’être fatal, de faillite en panique des épargnants, jusqu’au "Grexit". Une catastrophe. Pour la Grèce, d’abord. Le pays verrait sa devise dévaluée de plus de moitié et le coût de ses importations s’envoler. Le résultat est connu : pénurie de médicaments, d’énergie, de produits high-tech, et une terrible récession comparable à celle de l’Argentine.

Pour les Européens ensuite. Les responsables politiques assurent que la crise serait limitée à la Grèce. En réalité, ils n’en savent rien. Nul ne peut jurer qu’un "Grexit" n’entraînera pas une attaque sur l’Italie, l’Espagne, et, de fil en aiguille, un démantèlement de la zone euro.

Dans ce contexte, la Grèce doit trouver un accord avec les Européens. »

À ce point du récit, voici comment le journal « modéré » « Le Monde » envisage l’accord qu’il appelle de ses vœux entre « l’Europe » et la Grece. Rien moins qu’un putsch déclenché de l’extérieur ! Car monsieur Leparmentier dit que cet accord doit être « Signé par Alexis Tsipras ou un autre, peu importe. Il existe des précédents peu reluisants. C’était en novembre 2011, au G20 de Cannes, au plus fort de la crise de l’euro : le Premier ministre grec, Georges Papandréou, et l’Italien Silvio Berlusconi avaient comparu au "tribunal de l’euro" devant Sarkozy, Merkel et… Obama. Bien sûr, ils ne furent pas renversés par un putsch comme de malheureux démocrates sud-américains victimes de la CIA. Mais, de retour dans leur pays, ils ont comme par miracle perdu leur majorité. Papandréou fut remplacé par le banquier central Loukas Papademos, et Berlusconi, par l’ex-commissaire européen Mario Monti. Imaginons donc un scénario de crise : 30 juin, constat de défaut de la Grèce ; 1er juillet, panique bancaire et instauration d’un contrôle des changes par Tsipras, contraint et forcé ; 2 juillet, mise en minorité du gouvernement Tsipras par les irréductibles de Syriza ; 3 juillet, constitution d’un gouvernement d’union nationale, avec ou sans Tsipras ; 4 juillet, retour des négociateurs à Bruxelles-Canossa. Odieusement antidémocratique ? Les Grecs jouent au poker. Pourquoi pas nous ? » Chers lecteurs, vous n’oublierez pas n’est-ce pas ! Ces lignes vous avaient échappées. Vous ne le saviez pas. Mais maintenant vous le savez. Vous savez de quoi ils sont capables, ceux-là. Ne me dites plus jamais que je devrais « savoir composer » avec eux !


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