Après le « non », encore des concessions grecques pour arracher un accord

lundi 13 juillet 2015.
 

Le gouvernement grec a fait un pas de plus en direction des créanciers, dans la nuit du 9 au 10 juillet, avec sa proposition de compromis déposée auprès des institutions européennes, en vue du Conseil européen du 12 juillet, décisif pour l’avenir du pays. Cette offre grecque reprend, après le « non » sans appel du référendum, l’essentiel des mesures, parfois douloureuses, consenties avant la rupture des négociations, le 27 juin, le FMI, la BCE et la Commission ayant renvoyé à Tsipras une copie raturée de rouge. Présentée au Mécanisme européen de stabilité, ce plan de réformes, lié à un programme de financement de 50 milliards d’euros sur trois ans, couvrirait les besoins liés aux lourdes échéances dues par Athènes entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2018. Il comprend un volet sur « l’ajustement » de la dette, ainsi qu’un plan de développement de 35 milliards d’euros correspondant au déblocage des fonds européens dont la Grèce est jusqu’ici privée pour des motifs politiques. Il inclut, enfin, une trajectoire budgétaire escarpée, avec l’objectif de dégager des excédents budgétaires primaires (hors service de la dette) de 1, 2, 3 et 3,5% du PIB en 2015, 2016, 217 et 2018, à réviser en fonction de la conjoncture économique.

Sur les plans fiscal et social, les mesures auxquelles Athènes se résout sont sévères et reprennent la plupart des exigences des créanciers. Au cœur du désaccord avec les créanciers, le taux de la TVA est fixé à 23%, restauration incluse mais Athènes maintient, malgré l’hostilité des « partenaires », un taux réduit à 13% pour les produits alimentaires de base, l’énergie, les hôtels et l’eau, à 6% pour les médicaments, les livres et les représentations théâtrales. La TVA réduite dont bénéficient les îles serait maintenue, mais seulement jusqu’à la fin de l’année 2016, les îles aux revenus élevés et les destinations touristiques les plus fréquentées étant, elle, immédiatement soumises au taux normal de TVA. Les agriculteurs, eux, verraient leurs avantages fiscaux progressivement supprimés, avec une réduction de la subvention au diesel. Athènes maintient sa volonté de porter l’impôt sur les sociétés de 26% à 28%, s’engage à revenir sur privilèges fiscaux des armateurs et à augmenter la TVA sur les produits de luxe et les bateaux de plaisance. Mais les mesures de justice fiscale portant sur la hausse des impôts des plus riches sont abandonnées. Ces mesures sont assorties d’un plan de lutte contre la corruption, d’une réforme de l’administration fiscale et d’un programme de lutte contre la fraude et l’évasion, assorti d’une demande de coopération aux Etats membres de l’UE dont les banques sont destinataires de fonds grecs douteux.

Autre sujet d’affrontement, les retraites font elles aussi l’objet de lourdes concessions, avec une réforme incluant la hausse des cotisations et la suppression progressive, d’ici 2020, de l’allocation de solidarité sociale aux retraités (EKAS), en commençant par les plus grosses pensions. Retraites complémentaires et départs anticipés font également l’objet de reculs, avec, pour horizon, l’âge de départ effectif fixé à 67 ans.

Le gouvernement Tsipras consent, enfin, à procéder aux privatisations demandées par les créanciers. Elles concernent les aéroports régionaux, le rail, les ports de Thessalonique et du Pirée, ainsi que les terrains côtiers de l’ancien aéroport d’Hellenicon, que l’ancien gouvernement était prêt à brader, dans des conditions troubles, à l’oligarque Spiro Latsis, la plus grande fortune de Grèce. Sur ce point, le rapport préliminaire du FMI qui juge insoutenable la dette grecque déplore l’attitude de Syriza, dont les conditionnalités sociales, écologiques et les exigences en termes d’investissement entravent, selon l’institution de Washington, la réalisation du plan de ventes d’actifs publics attendu d’Athènes. Tsipras table sur un accord durable

Cible d’un coup d’Etat financier auquel le « non » du 5 juillet n’a pas mis fin , Tsipras espère, avec ces nouvelles concessions, éviter l’étranglement financier, l’effondrement du système bancaire et conjurer le scénario du Grexit, qui entraînerait le pays en terra incognita. « Nous n’avons pas pour mandat de sortir le pays de la zone euro », a-t-il lancé, vendredi matin, aux députés de Syriza, en les exhortant à soutenir sa proposition aux institutions et aux Vingt-sept. Avec la perspective d’un plan sur trois ans, le Premier ministre grec espère aussi gagner du temps, sortir des accords de court-terme qui paralysent, depuis six mois, l’économie grecque, déjà exsangue, et mettre à profit les fonds structurels auxquels la Grèce peut prétendre pour engager, en partie, la politique de relance défendue par Syriza durant la campagne des élections législatives. Il table, surtout, sur un accord durable qui permettrait de desserrer enfin le nœud coulant d’une dette jugée insoutenable jusque dans les cénacles les plus libéraux, FMI et gouvernement allemand compris.

« Nous sommes devant des décisions difficiles, car nous voulons un compromis viable, qui ne trahisse pas notre mandat, explique le ministre de la Fonction publique, Giorgos Katrougalos. Nous avons toujours dit que nous étions prêts à accepter des mesures fiscales dures, à conditions qu’elles ne pèsent pas sur les plus pauvres, qu’elles soit assorties d’un accord sur la restructuration de la dette et d’un plan de développement économique ».

A Athènes, vendredi matin, la proposition de compromis suscitait déjà de houleux débats, certains, à gauche et jusque dans les rangs de Syriza, reprochant à Tsipras de vouloir transformer le « non » des urnes en « oui » à un troisième mémorandum. Au sein du groupe parlementaire Syriza, des députés exigent « une référence claire à l’allègement de la dette » pour appuyer cette proposition de compromis. Laquelle devait être examinée par la Vouli dans la soirée… En même temps que la manifestation prévue place Syntagma pour défendre le verdict populaire du 5 juillet.


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