Les créanciers disent à Tsipras : pas touche aux riches !

mardi 30 juin 2015.
 

Puisque le peuple grec vote contre l’austérité, il faut dissoudre le peuple grec. Les institutions européennes n’ont rien compris à l’ironie de Brecht, évidemment, elles ont décidé de le prendre au pied de la lettre. Et de cadenasser toutes les issues hors de la logique des saignées budgétaires, des baisses des droits sociaux, des salaires et des retraites, telles que les Grecs les connaissent depuis l’instauration du régime de terreur des mémorandums à partir de 2010. Nouvelle illustration, hier, à Bruxelles à l’occasion d’un énième Eurogroupe, rassemblant les ministres des Finances de la zone euro, et d’un Conseil européen avec tous les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne. Alors que, sous la conduite d’Alexis Tsipras, le gouvernement grec avait tracé, non sans douleur, une perspective de sortie de crise en dressant un plan permettant d’atteindre la « trajectoire budgétaire » exigée par les créanciers, la Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne manifeste de Berlin, décidé de repasser à l’attaque en exigeant d’un côté de nouveaux sacrifi ces pour les couches moyennes et populaires en Grèce et, dans le même geste, des cadeaux pour les plus riches ! Incroyable précipité de cette Europe telle qu’elle ne tourne vraiment plus rond…

Des traits qui raturent. Du rouge qui corrige. Dans le document envoyé par la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne (BCE), en réponse aux propositions de réformes présentées par l’exécutif grec en début de semaine, il y a, avant même les mots, la forme et la couleur. Tout un programme qui dit la consigne impérieuse, la politique à sens unique, l’autorité du maître. Soucieux, derrière les couleuvres qu’on tente de lui faire avaler, d’afficher une perspective de justice sociale par un transfert du fardeau de l’austérité des classes populaires vers les plus riches, le gouvernement Tsipras entend mettre en place une taxe exceptionnelle de 12 % 
sur les bénéfices au-delà 
de 500 000 euros des entreprises ?

C’est non. Il veut porter de 26 à 29 % le taux de l’impôt sur les sociétés ? Biffé en rouge : la troïka n’accepte pas plus de 28 %.

À côté des augmentations de cotisations pour la protection sociale – ça, c’est oui, puisque ce sont les salariés qui paieront –, Athènes veut simplement restaurer les cotisations des employeurs sur les retraites complémentaires à leurs niveaux de 2014 ? Niet  ! Une taxation des machines à sous et des jeux d’argent  ? Jamais de la vie  ! Tsipras propose des déductions fiscales pour les Grecs résidents permanents dans les îles avec de faibles revenus  ? Qu’ils aillent se faire voir dans les Cyclades, c’est hors de question, là encore  ! Les ministres entendent consulter les organisations syndicales avant de revoir certains régimes spéciaux de retraite  ? Totalement exclu pour les saigneurs de la Grèce. L’exécutif veut limiter à 13 % la TVA sur les produits d’alimentation de base  ? Le FMI, la BCE et la Commission n’accepteront de dérogations que sur les produits alimentaires «  non transformés  », donc, pour le lait, l’huile ou les fromages, par exemple, ça sera 23 % de TVA  ! Et ainsi de suite  : du côté grec, des propositions qui, même dans le cadre très étroit de la crise budgétaire, tendent à exercer encore la souveraineté populaire sur les grandes orientations politiques  ; de l’autre côté, chez les partisans de l’ordre néolibéral, une seule réponse  : non, non et non  !

Une fois de plus, derrière les sourires et la «  photo de famille  » réalisée en ouverture, hier après-midi, du Conseil européen à Bruxelles, l’Union européenne montre, avec le concours zélé du FMI, le visage de l’autoritarisme. Insupportable démocratie quand elle ne va pas dans le sens des intérêts que les dominants veulent protéger. Dans la nuit de lundi à mardi, une fois connu le détail des contre-propositions grecques pour arracher le déblocage de 7,2 milliards d’euros encore dus par la troïka et pour pouvoir ainsi régler une échéance cruciale le 30 juin, les regards se sont tournés vers la coalition de gauche, au pouvoir en Grèce  : alors que les créanciers saluaient une «  avancée significative  » du gouvernement Tsipras, Syriza n’allait-il pas exploser en vol devant un programme contenant, au-delà des mesures déjà évoquées, des concessions douloureuses, par exemple, sur la poursuite des privatisations  ?

Un front du diktat s’est reconstitué pour repartir à l’attaque

Pendant ce temps, une autre coalition s’est mise en mouvement en Grèce et dans toute l’Europe. Alors que, parmi les chefs d’État et de gouvernement, certains comme François Hollande reconnaissent, au moins en façade, la légitimité du gouvernement grec à définir lui-même la manière d’«  atteindre la trajectoire budgétaire  » (lire l’Humanité du 24 juin), un front du diktat s’est reconstitué pour repartir à l’attaque. Tentant de contraindre le gouvernement grec de poursuivre purement et simplement le programme austéritaire et, dans le même temps, de remettre en selle une coalition politique grecque prête à appliquer docilement le programme (lire ci-contre)… S’appuyant sur les témoignages des patrons et les inquiétudes des oligarques grecs, relayés avec complaisance par la presse financière internationale, les représentants du FMI, mais aussi Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances allemand, et bien d’autres ont entonné le refrain des mesures «  anticompétitives  » ou «  récessives  ». «  La Grèce ne peut construire son programme seulement sur des hausses d’impôts et des taxes, ce n’est vraiment pas bon pour la croissance, se répand un porte-parole du FMI. Elle doit également faire des coupes dans les dépenses.  » Chantages et pressions à tous les étages. À Bruxelles, c’est le temps des «  ultimatums  »  : pour les Grecs, hier, le plan des créanciers était «  à prendre ou à laisser  » avant midi. Mais le gouvernement Tsipras n’est pas tombé dans le panneau. Une nouvelle réunion de l’Eurogroupe, avec les ministres des Finances de la zone euro, les représentants du FMI et de la BCE, n’a pas permis d’avancer. Au beau milieu d’un Conseil européen, les usuriers de la Grèce continuent à l’arme lourde, mais Alexis Tsipras joue une carte plus tranquille. «  Je suis confiant dans le fait que nous parviendrons à un compromis qui aidera la zone euro et la Grèce à surmonter la crise, indique-t-il, tout sourires. L’histoire européenne est pleine de désaccords, de négociations et ensuite de compromis.  » Au même moment, à Athènes, l’indignation est à son comble. «  Personne ne peut supporter les propositions de la troïka, dénonce-t-on à la tête de Syriza. Nouvelles mesures d’austérité et logique technocratique folle, ces propositions sont purement idéologiques. Elle ne visent pas la conclusion d’un accord raisonnable, elles servent des intérêts particuliers. Comment comprendre le rejet des propositions grecques sur l’imposition des hauts revenus et du grand capital  ? On veut imposer un accord humiliant pour le gouvernement grec et le premier ministre.  »


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