Classe dirigeante mondiale : milliardaires et comment ils y sont parvenus

mercredi 28 mars 2007.
 

Alors même que le nombre de milliardaires a augmenté de 793 en 2006 à 946 cette année, des soulèvements de masse en Chine et en Inde se sont banalisés. En Inde, qui a le nombre le plus élevé de milliardaires en Asie (36), cumulant une richesse totale de 191 milliards $, le premier ministre Singh a déclaré que la seule plus grande menace à la « sécurité de l’Inde » c’était les armées de guérilleros conduites par des maoïstes et les mouvements de masse dans les zones les plus pauvres du pays. En Chine, avec 20 milliardaires ayant un cumul de richesse de 29,4 milliards $, les nouveaux dirigeants, confrontés à près d’une centaine de milliers d’émeutes et de protestations, ont augmenté de 100% le nombre de milices spéciales armées anti-émeutes, ainsi que les dépenses, consacrant 10 milliards de $ pour les pauvres des zones rurales dans l’espoir de diminuer les monstrueuses inégalités de classe et afin de déjouer un soulèvement de masse.

La richesse totale de cette classe dirigeante mondiale a augmenté de 35 % d’année en année, atteignant les 3,5 mille milliards de $ ; tandis que le niveau des revenus les plus bas des 55% de la population mondiale de 6 milliards d’habitants a baissé ou stagné. Dit d’une autre façon, 1/1 000 000 000 de la population mondiale possède plus que 3 milliards de personnes. Plus de la moitié des milliardaires actuels appartiennent seulement à trois pays : les US (415) l’Allemagne (55) et la Russie (53). L’augmentation de 35 % de la richesse vient principalement de la spéculation sur les marchés des actions, l’immobilier, et le commerce des matières premières, plutôt que sur les innovations techniques, les investissements dans des industries créatrices d’emplois ou de services sociaux.

Parmi les groupes de milliardaires les plus récents, les plus jeunes et qui s’élargissent le plus, l’oligarchie russe se démarque par ses débuts les plus rapaces. Plus des 2/3 (67 %) des actuels oligarches milliardaires russes ont commencé à amasser leur fortune en début ou au milieu de leurs vingtièmes années. Pendant l’infâme décennie des années 90, sous le règne quasi dictatorial de Boris Yeltsin et des conseillers économiques dirigés par les US, Anatoly Chubais et Yegor Gaidar, la totalité de l’économie russe a été mise en vente pour un « prix politique » qui était bien en dessous de sa véritable valeur. Sans exception, les transferts de propriétés ont été réalisés en utilisant des tactiques gangstéristes d’assassinats, de vols massifs, et de prise de possession de ressources d’état, de manipulation illégale de stocks et de rachats d’entreprises. Les futurs milliardaires ont dépouillé l’état russe de plus d’un mille milliard de dollars en usines, transports, pétrole, gaz, fer, charbon, et d’autres ressources avant possédées par l’état.

Pratiquement toutes les sources initiales de richesse des milliardaires n’ont rien à voir avec la construction, l’innovation ou le développement de nouvelles entreprises efficaces. La richesse n’a pas été transférée à des hauts commissaires du parti communiste (transferts latéraux) mais des mafias armées privées s’en sont emparée dirigées par des diplômés justes sortis de l’université qui ont capitalisé rapidement, intimidant ou assassinant des hauts fonctionnaires de l’état et bénéficiant de la politique stupide « de libre marché » de Boris Yeltsin, inspiré par ses conseillés occidentaux.

Le magazine Forbes publie une liste annuelle des individus et familles les plus riches du monde. Ce qui est le plus amusant concernant les notes biographiques d’accompagnement du célèbre magazine Forbes, c’est la référence constante pour les oligarches russes à leur source de richesse comme s’étant « fait tout seul » comme si voler les biens de l’état crées et défendus pendant plus de 70 ans par la sueur et le sang du peuple russe était le résultat des talents d’entrepreneurs de voyous dans leurs vingtièmes années. Des 8 oligarches milliardaires russes au sommet, tous ont commencé en s’opposant par les armes à leurs rivaux, en ouvrant des « banques sur le papier » et en s’emparant de la production d’aluminium, de pétrole, de gaz, de nickel et de fer et dans l’exportation de la bauxite, du fer et d’autres minerais. Chaque secteur de l’ancienne économie communiste a été pillé par les nouveaux milliardaires : la construction, les télécommunications, les industries chimiques, l’immobilier d’état, l’agriculture, la vodka, la terre, les médias, les industries automobiles, les compagnies aériennes etc...

A de rares exceptions près, suite aux privatisations de Yeltsin, tous les oligarches sont arrivés au top ou presque, en assassinant carrément ou en intimidant tous ceux qui s’y opposaient au sein de l’ancien appareil soviétique ainsi que les compétiteurs appartenant à des gangs de prédateurs rivaux.

Les mesures clés des politiques qui ont facilité le pillage initial et les mains basses par les futurs milliardaires, ce sont les vastes privatisations immédiates de presque toutes les entreprises publiques par l’équipe Gaidar/Chubais. Ce « Traitement de Choc » a été encouragé par une équipe de conseillers économiques d’Harvard et spécialement par le président US Clinton pour réaliser la transformation capitaliste irréversible. La privatisation a abouti aux guerres des gangs capitalistes et à la désarticulation de l’économie russe. Conséquence, un déclin de 80 % du niveau de vie, une dévaluation du rouble, et la vente au rabais de ressources inestimables de pétrole, de gaz, et d’autres ressources stratégiques, à la classe montante des prédateurs milliardaires et des multinationales du pétrole et du gaz US -Européennes. Plus d’un milliard de $ par an a été blanchi par la mafia d’ oligarches dans les principales banques de New York, Londres, de la Suisse, d’Israël, et d’ailleurs, des fonds qui seraient ensuite recyclés dans l’achat de biens immobiliers d’u coût élevé aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en Espagne, en France, de même que sous forme d’investissements dans des équipes de football britanniques, des banques israéliennes et dans des entreprises conjointes dans les minerais.

Les gagnants des guerres des gangs pendant le règne de Yeltsin ont continué en étendant leurs opérations à toute une variété de nouveaux secteurs économiques, d’investissements dans l’expansion d’activités existantes (spécialement l’immobilier et les industries de consommation), et à l’étranger. Sous le président Poutine, les oligarches gangsters ont consolidé ou étendu leur fortune et sont passés du statut de multimillionnaires à celui de milliardaires, et multimilliardaires et ainsi de suite. De jeunes voyous arrogants et escrocs locaux, ils sont devenus des partenaires « respectables » des multinationales américaines et européennes, selon leurs agents de relations publiques occidentaux. Les nouveaux oligarches russes étaient « arrivés » sur la scène financière mondiale, selon la presse financière.

Cependant, comme l’a fait remarqué récemment le président Poutine, les nouveaux milliardaires sont en situation d’échec en matière d’investissement, d’innovation et de création d’entreprises compétitives, malgré des conditions optimales. En dehors de l’exportation de matières premières brutes, bénéficiant de prix élevés internationalement, peu d’oligarches propriétaires d’usines sont gagnants en matière de commerce extérieur car peu entre en compétions sur les marchés internationaux. La raison c’est que les oligarches ont « diversifié » leur richesse dans la spéculation boursière (Suleiman Kerimov $14.4 milliards), (Mikhail Prokhorov $13.5 milliards), secteur bancaire (Fridman $12.6 mille milliards et le rachat de mines et d’usines de retraitement de minerais.

Les medias occidentaux ont concentré leur attention sur les querelles entre une poignée d’oligarches de la période Yeltsin et du président Vladimir Poutine, et sur l’augmentation du nombre de milliardaires sous sa gouvernance. Cependant, la preuve biographique démontre qu’il n’y a pas de rupture entre la percée des milliardaires sous Yeltsin et leur consolidation et expansion sous Poutine. Le déclin dans les assassinats mutuels et l’orientation vers une compétition régulée par l’état est tout autant un produit de la consolidation des grandes fortunes qu’il n’est celui des « nouvelles règles du jeu » imposées par le président Poutine. Au milieu du XIXème siècle, Honoré Balzac, surveillant la montée de la bourgeoisie respectable en France a fait remarqué son origine douteuse : « derrière chaque grande fortune il y a un grand crime. » Les escroqueries qui ont marqué l’ascension pendant des décennies de la bourgeoisie du XIX ème siècle en France sont rien en comparaison du pillage massif et des massacres qui ont crée les milliardaires russes du XIX ème siècle.

Amérique Latine

Si le sang et les fusils ont été les instruments de l’ascension des oligarches milliardaires russes dans d’autres régions, le Marché, ou plutôt mieux, le consensus orchestré de Washington des US-FMI-Banque Mondiale - (US - Fond Monetaire International - Banque Mondiale) a été la force motrice derrière l’ascension des milliardaires d’Amérique Latine. Les deux pays qui ont la plus grande concentration de richesse et le plus grand nombre de milliardaires en Amérique Latine ce sont le Mexique et le Brésil (77%), ce sont les deux pays qui ont privatisé les grands monopoles publics d’état les plus lucratifs, et les plus efficaces. Sur un total de 157,2 milliards possédés par 38 milliardaires latino américains, 30 sont brésiliens ou mexicains avec 120,3 milliards de $. La richesse des 38 familles et individus dépasse celle des 250 millions de latino américains ; 0,000001 % de la population dépasse en richesse celle des 50% les plus pauvres. Au Mexique, le revenu de 0,000001 de la population dépasse le revenu combiné de 40 millions de mexicains. L’ascension des milliardaires américains coïncide avec la chute réelle des salaires minimums, la perte de pouvoir des organisations de travailleurs et de paysans et des négociations collectives. L’implantation de taxes régressives, source de problèmes pour les travailleurs et les paysans, et les exemptions de taxes et subventions pour les exportateurs des secteurs agro minerais ont contribué à fabriquer les milliardaires. Le résultat cela a été une mobilité vers le bas pour les employés et les travailleurs, le déplacement d’une main d’œuvre urbaine vers le secteur informel, la banqueroute massive des petits agriculteurs, paysans et de la main d’œuvre rurale, et la migration des campagnes vers les taudis urbains et l’émigration à l’étranger.

La principale cause de pauvreté en Amérique Latine ce sont les conditions même qui favorisent le développement des milliardaires. Dans le cas du Mexique, la privatisation du secteur des télécommunications aux prix le plus bas, a résulté dans la multiplication par 4 de la richesse de Carlos Slim Helu, le troisième homme le plus riche au monde (juste après Bill Gates et Warren Buffet) avec une fortune nette valant 49 milliards de $. Deux milliardaires mexicains, Alfredo Harp Helu et Roberto Hernandez Ramirez ont bénéficié de la privatisation des banques et de la dé- nationalisation qui en a découlé, vendant Banamex à Citicorp.

La privatisation, la dérégulation financière et la dénationalisation ont été des principes clés opérant pour le compte des politiques étrangères US appliquées en Amérique Latine par le FMI et la BM. Ces principes dictent les conditions fondamentales d’obtention de prêts et de renégociation de la dette en Amérique Latine.

Les milliardaires actuels, sont venus du vieux et du nouveau secteur de l’argent. Certains ont commencé à faire fortune en s’assurant des contrats gouvernementaux pendant le modèle précédent de développement conduit par l’état (années 1930 jusqu’aux années 70), et d’autres ont hérité de fortunes. La moitié des milliardaires mexicains ont hérité de leur fortune en multi millions de dollars au cours de leur ascension. L’autre moitié a bénéficié de relations politiques et par conséquent de grosses affaires en achetant des entreprises publiques à bas prix et en les revendant à des multinationales US en faisant un gros profit. La grande masse des immigrants mexicains qui ont traversé la frontière pour entrer aux US ont fui les dures conditions, qui permettent aux traditionnels et nouveaux riches millionnaires du Mexique de se joindre au club mondial des milliardaires.

Le Brésil a le plus grand nombre de milliardaires (20) parmi tous les pays d’Amérique Latine, avec une fortune nette de 46,2 milliards de $ ce qui vaut plus que ce que possède les 80 millions de pauvres brésiliens des zones rurales et urbaines. Approximativement 40 % des milliardaires brésiliens ont commencé avec des grandes fortunes et les ont simplement augmentées par le biais d’acquisition et de regroupements. Les soi disant milliardaires qui se « font tout seul » ont bénéficié de la privatisation du secteur financier lucratif (la famille Safra avec 8,9 milliards de $) et des complexes industriels du fer et de la fonte.

Comment devenir un milliardaire

1.Pendant la période du modèle de développement « étatiste » précédente, les actuels milliardaires ont fait, avec succès, « du lobbying » pour obtenir des contrats gouvernementaux, des exemptions d’impôts, et ont offert des pots de vin pour obtenir des contrats gouvernementaux, des exemptions d’impôts, des subventions et la protection contre les compétiteurs étrangers. Les subventions d’état ont servi de ponton ou de point d’envolée du statut des milliardaires pour la phase néo libérale suivante.

2.La période néo libérale a fourni la plus grande opportunité pour s’emparer des biens lucratifs publics bien en dessous de leur valeur marchande et de leur capacité à rapporter. Les privatisations, bien que décrites comme « transactions de marché » ont été en réalité des ventes politiques selon 4 critères : sur le prix, dans le choix des acheteurs, en pots de vin pour les vendeurs, et dans l’accomplissement d’un agenda idéologique. L’accumulation de la richesse a résulté dans la vente de banques, de minerais, de ressources énergétiques, de télécommunications, de centrales électriques, des transports, et par la prise en charge par l’état de dettes privées. Ceci a été le point d’envol dans le passage de statut de celui de millionnaire à celui de milliardaire ? Cela s’est passé en Amérique Latine, par le biais de la corruption, et en Russie via les assassinats et les guerres des gangs.

De : James Petras


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