Pour réussir la mutation de l’industrie, il faut la soustraire aux marchés financiers et aux logiques actionnariales

jeudi 14 juillet 2016.
 

Technip, ce géant français des activités parapétrolières, après sa fusion avec la firme américaine FMC, a installé son siège social à Londres. Schneider a de même transféré son état-major à Hong Kong. Carlos Ghosn veut quant à lui déplacer le centre de gravité de Renault au Japon. Les « champions nationaux », ces grands groupes industriels qui structuraient l’économie nationale, larguent les amarres. L’industrie française est sous pression. L’année écoulée a vu la prise de contrôle par des firmes étrangères de Lafarge, d’Alcatel-Lucent et de l’essentiel d’Alstom. Demain, cela risque d’être le cas d’Areva, voire pourquoi pas, à terme, d’EDF et des principaux fleurons de l’industrie nationale. D’où quelques interrogations légitimes. N’est-on pas désormais en train de vivre une « vassalisation » de notre système productif par la finance anglo-saxonne  ? Qu’en est-il des possibilités de développement autonome  ? Qui imposera ses choix stratégiques  ? Où seront localisés les emplois  ?

Les médias cultivent l’opposition entre une « vieille industrie » condamnée au déclin et son remplacement par les nouvelles activités technologiques et de services qui malheureusement ne créeraient que peu d’emplois. Par ailleurs se développe l’idée selon laquelle l’impératif écologique exigerait une forte réduction de l’activité industrielle. Le modèle social associé à cette perspective a de quoi inquiéter. Alors qu’une minorité de travailleurs serait associée aux projets de pointe, une majorité de la population serait privée de toute participation à la nouvelle activité productive, cantonnée à des emplois subalternes et précaires et renvoyée pour subsister à un système de redistribution qui est déjà à bout de souffle. Une telle société clivée est-elle viable  ? À l’évidence, non  !

L’alternative réside dans une mutation radicale du modèle économique. Chaque secteur a la nécessité de se réinventer en intégrant des transformations technologiques et sociétales profondes. Cette ambition a besoin de composer intelligemment avec des préoccupations environnementales. L’industrie doit tenir compte des exigences d’une économie réduisant les rejets de CO2 et les déchets de toute nature. Elle doit se préoccuper des territoires dans lesquels elle exerce ses activités et dont elle tire richesse et compétences. Elle doit articuler désormais industrie proprement dite et services aux entreprises, le tout représentant près de 40 % du PIB national. Une transformation d’ampleur qui sera incompatible avec les exigences financières qui pèsent sur le système productif.

Il s’agit de savoir comment la France va passer des activités et des emplois industriels d’hier et d’aujourd’hui, souvent menacés, aux activités et emplois de demain, aussi nombreux, plus qualifiés, pérennes, sur des bases technologiques nouvelles. C’est la justification d’une nouvelle politique indispensable organisant, sur de nouvelles bases, la réponse productive aux besoins humains. Pour réussir cette mutation, l’enjeu immédiat est de soustraire l’industrie à la domination des marchés financiers et des logiques actionnariales, qui sont les vrais coupables de cet affaiblissement industriel, sacrifiant l’emploi et cassant les compétences. La nature du défi et l’ampleur de la reconstruction justifient, aux côtés de l’action des salariés, l’intervention déterminée de la puissance publique.

Jean-Christophe Le Duigou


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