Crimes pédophiles et autres agressions sexuelles : le système de défense de l’église catholique (par Paul Ariès)

jeudi 24 mars 2016.
 

L’église de France est à son tour prise dans des affaires de pédophilie et d’agression sexuelle. J’explique dans La face cachée du pape François (Max Milo, 2016) comment la Vatican a élaboré son système de défense pour fuir ses propres responsabilités et accuser l’esprit de « Mai 68 » d’être le vrai coupable.

Est-ce pourtant anecdotique si un des prêtres lyonnais soupçonné d’agression sexuelle est aussi celui qui animait des messes pour la mémoire de Louis XVI ? Est-ce aussi un hasard si Mgr Barbarin, déjà célèbre pour avoir déclaré au sujet des crimes pédophiles que « la majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits » est proche idéologiquement de l’Ordre occulte des Chevaliers de Colomb ? Ces champions de la « Manif pour tous » devraient balayer devant leurs portes avant d’accuser les partisans de l’égalité des droits d’être immoraux ! L’italien Massimo Introvigne, délégué général de l’Alleanza Cattolica, diplômé de l’Université pontificale grégorienne, enseignant au Regina Apostolorum Atheneum appartenant aux légionnaires du Christ, bien connu en France pour être le meilleur défenseur des sectes comme la scientologie, s’est fait aussi l’avocat de l’église dans ces affaires de pédophilie à travers la parution d’un ouvrage et d’un texte intitulé « L’ONU déclare la guerre à l’Église » dans lequel il s’en prend au Comité pour les droits de l’Enfance. Ce spécialiste autoproclamé, est célèbre pour avoir défendu Marcial Maciel, gourou des légionnaires du Christ, avant que son mouvement et le Vatican ne soient bien obligés de reconnaître la gravité et l’ampleur des crimes commis.

Tout en compatissant naturellement avec les victimes de ces crimes, Massimo Introvigne déploie le système de défense devenu celui de Rome. Il explique que les accusations contre l’église relèvent d’un cas de « panique morale », c’est-à-dire d’une « hyper-construction sociale » (sic). Le problème, lorsqu’il existe, ne serait pas celui du célibat des prêtres mais de l’homosexualité.

L’église aurait souffert d’une trop grande tolérance à l’égard de l’homosexualité dans ses séminaires, notamment dans les années 1970. La faute incomberait donc aux idées de libération sexuelle et à « mai 68 ». Rome a entendu Introvigne puisque désormais les candidats prêtres qui présentent des tendances homosexuelles enracinées ne peuvent accéder à l’ordination . Nous avons donc là une nouvelle preuve que cette église qui parle de l’existence d’un lobby Gay en son sein est bien une église ultraréactionnaire.

Ultraréactionnaire d’abord parce qu’elle établit un lien entre homosexualité et crime pédophile, ultraréactionnaire aussi parce qu’en faisant de la pédophilie non pas une conséquence de son propre fonctionnement (le célibat, entre autres) mais de la libération sexuelle, elle reporte la responsabilité du crime pédophile sur le reste de la société. L’église oublie chemin faisant que le principal reproche n’est pas d’avoir hébergé malgré elle des prêtres pédophiles mais de les avoir protégés, d’avoir fait pression sur les familles des victimes. Parler d’un lobby Gay au sein de la Curie, à propos des affaires de pédophilie, c’est faire des crimes commis dans l’église une affaire qui ne concerne pas l’église, c’est poser l’église en victime et même en solution.

Les accusateurs de l’église ne chercheraient d’ailleurs pas tant à protéger les enfants qu’à défendre la pilule RU 486 (abortive), l’euthanasie, la reconnaissance des unions homosexuelles : « Ces lobbies plus ou moins maçonniques soulignent la puissance sinistre de la technocratie évoquée par Benoît XVI dans l’encyclique Caritas in veritate, et la dénonciation de Jean-Paul II lui-même dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix 1985 , à propos de « desseins cachés » - à côté d’autres « ouvertement propagés » - "visant à assujettir tous les peuples à des régimes dans lesquels Dieu ne compte pas. En vérité, il s’agit d’une heure de ténèbres, qui nous rappelle la prophétie d’un grand penseur catholique du XIXe siècle, Emiliano Avogadro della Motta (1798-1865), selon lequel, aux ruines causées par les idéologies laïques, succéderait une authentique « demonolâtrie » qui se manifesterait notamment dans l’attaque à la famille et au véritable concept du mariage ». »

François poursuit la même orientation lorsqu’il déclare en juillet 2013 qu’existe bien un lobby gay au sein du Vatican. Rome et François sont en train de (re)construire une machine de guerre anti-homosexuelle, à la fois pour laver l’église des accusations de protection des pédophiles, mais aussi comme contre-feu contre tous les scandales financiers et politiques à répétition, tout en empochant le bénéfice d’apparaître plus « moral » que les autres, davantage intègre que tous ceux qui pactisent avec l’esprit de mai 68.

Paul Ariès, rédacteur en chef du mensuel les Zindigné(e)s auteur de La face cachée du pape François (Max Milo, mars 2016)


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