Honte à la police belge laissant les néo-nazis perturber l’hommage aux victimes des attentats

jeudi 31 mars 2016.
 

Le soleil alternait avec les nuages, ce dimanche 27 mars, à Bruxelles. Place de la Bourse, devenue un lieu de recueillement et un mausolée en hommage aux 31 victimes et 350 blessés des attentats du 22 mars dans la capitale belge, près de 500 personnes étaient venues prier, chanter, déposer des bougies presque comme chaque jour. Une marche vers la gare du Nord avait été prévue, mais annulée par les autorités fédérales, pour des raisons de sécurité. L’ambiance était multiculturelle, bon enfant, presque familiale.

Tout a dérapé à 14 h 45. Il y a d’abord eu ce bruit de plus en plus proche d’un hélicoptère de la police qui survolait le boulevard Anspach, la grande artère qui relie la Bourse à la place de Brouckère. Et puis, on les a entendus arriver précédés d’une voiture de police, gyrophare allumé. En rangs serrés, tout de noir vêtus, parfois encagoulés, bouteilles de bière à la main : des centaines de supporteurs de clubs de football belges.

« Pour moi, ce sont aussi des terroristes »

Aux cris de « Fuck IS (Islamic State) », ils ont avancé vers la place sans être contenus par la police. Plusieurs font alors le salut fasciste et hurlent : « On est chez nous, on est chez nous ! » A ces cris, quelques-uns quittent leurs rangs, dont trois supporteurs du Standard de Liège. « Je ne voulais pas de ça, explique l’un d’entre eux. Au contraire. On s’était dit que tous les supporteurs des clubs de foot de Belgique devaient défiler ensemble pour montrer l’union nationale. On s’est donné rendez-vous à la gare de Vilvorde, on a pris le train jusqu’à la gare du Nord. Et on a commencé à marcher vers la Bourse. Mais moi, je suis de gauche, je me sens trahi… Le noir, c’était pour le deuil, pas pour autre chose… »

A l’arrivée des hooligans qui allument des fumigènes, la foule réunie pour se recueillir commence à huer. Puis des « No Pasaran » ou « Nous sommes tous des enfants d’immigrés ; première, deuxième, troisième génération » commencent à se faire entendre. Les forces de police observent, mais n’interviennent pas. « Pour moi, ce sont aussi des terroristes », s’exclame une vieille dame venue avec une amie pour prier. Un homme d’une quarantaine d’années éclate en sanglots : « Non, ce n’est pas possible, dites-moi que ce n’est pas vrai qu’ils sont là… »

Au bout d’un quart d’heure, les ultras, dont beaucoup ont le crâne rasé, prennent possession des marches de la Bourse. La police laisse faire. A leurs pieds, les fleurs, les bougies, les mots déposés appelant à la paix et à la fraternité. Ils pavoisent devant les caméras. Certains font des doigts d’honneur. D’autres balancent leurs canettes vides. « Ce sont des images de honte pour nous, les Bruxellois. Et quand je pense qu’elles vont faire le tour du monde », dit un jeune étudiant, les larmes aux yeux. « Ils la voulaient cette photo, les fachos, eh bien, ils ont réussi », lance sa petite amie.

« Quelles consignes ont été données ? »

A 15 h 5, des policiers anti-émeutes se positionnent autour de la place. Une vingtaine monte sur les marches pour y déloger les hooligans. Deux camions munis de canons à eau avancent doucement vers les fauteurs de trouble. « A la douche », « à la douche », crie la foule qui reprend espoir. « Barrez-vous », « Barrez-vous », hurle-t-elle en chœur.

A 15 h 20, les forces de police, boucliers en avant et matraques levées donnent la charge. Devant un fast-food, les ultras se rassemblent pour un dernier baroud d’honneur, hurlant leur haine en direction des associations antiracistes qui ont repris possession des marches de la Bourse. A 15 h 40, les hooligans sont refoulés par les policiers vers la place de Brouckère, là d’où ils étaient venus.

La police a évacué des hooligans à l’aide de canons à eau, place de la Bourse. Petit à petit, la place redevient silencieuse. Puis un cri s’élève « Bruxelles multiculturelle », scandé en chœur par des gens de plus en plus nombreux, qui affluent vers le lieu de recueillement. Mais très vite, c’est l’indignation qui gagne. « C’est un scandale. Nous avons été interdits de manifestation et ces salauds sont arrivés sans encombre depuis la gare du Nord, avec une voiture de police qui leur ouvrait la voie… », lance une jeune femme qui en tremble encore. « Mais quelles ont été les consignes données ?, s’insurge un vieux monsieur qui discute avec un cameraman. Le chef de la police de Bruxelles va devoir s’expliquer car on ne comprend plus rien… »

Un peu plus loin, une jeune fille se tourne vers sa copine et dit : « C’est fini, on a gagné. Ils sont partis. » « Non, on n’a pas gagné, c’est un gâchis… », lui répond-elle, les larmes aux yeux.

« Des crapules aux visées de nazis »

Selon la police, des projectiles incendiaires ont été lancés et du mobilier urbain dégradé. Une dizaine de manifestants ont été interpellés.

Après cet incident, le maire de Bruxelles, Yvan Mayeur, a appelé à une « réaction du gouvernement fédéral » :

« Je suis scandalisé de constater que de telles crapules aux visées de nazis viennent provoquer les habitants sur les lieux de leur hommage. C’est une honte pour le pays. Nous avons été prévenus hier par la sûreté de leur venue possible [place de la Bourse] et je constate que rien n’a été fait pour les empêcher de s’y rendre. »

Le premier ministre, Charles Michel, a condamné ces débordements :

« Nous faisons ce qui est nécessaire avec la police pour renvoyer ces manifestants chez eux. Dans le même temps, nous demandons à chacun de garder son sang-froid et de rester calme afin que la police puisse poursuivre son travail. »

Marie-Béatrice Baudet (Bruxelles, envoyée spéciale)

Journaliste au Monde


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