Barroso recruté par Goldmann Sachs

samedi 23 juillet 2016.
 

- A) L’Europe de la finance recrute en panique ! (Jean-Luc Mélenchon)

- B) Barroso chez Goldman Sachs, un bras d’honneur à l’Europe (Libération)

- C) La France demande à Barroso de « renoncer » à travailler pour Goldman Sachs (Le Monde)

A) L’Europe de la finance recrute en panique ! (Jean-Luc Mélenchon)

Source : http://melenchon.fr/2016/07/15/leur...

Comme tout le monde j’ai eu un haut le cœur en apprenant que monsieur Barroso embauchait à Goldman Sachs. Rarement le système oligarchique européen se sera donné à voir avec autant d’impudence. On le reconnaît jusque dans les milieux les plus raisonnables. Le PS et ses ministres en font même une crise de gauchite aigue avec cris et fièvre. Notons que nul de ceux-là n’avaient mot à dire quand l’Europe a embauché l’actuel Président de la banque centrale européenne, monsieur Mario Draghi, qui était pourtant le représentant pour l’Europe de cette banque à l’époque où celle-ci conseillait le gouvernement grec pour maquiller ses comptes. J’ai lu que des naïfs espéraient que monsieur Barroso respecterait l’obligation de secret qui est la sienne après son passage à la présidence de la Commission européenne, parait-il. Naïveté ? Pure stupidité ? Ou cynisme total ? Monsieur Barroso a été embauché pour l’unique raison qu’il est l’ancien président de la Commission et en cela apte à conseiller la banque sur la base de sa connaissance du domaine, les secrets étant bien évidemment inclus.

En fait je crois que l’homme ne doit pas vraiment intéresser cette banque qui a les moyens de se payer les spécialistes dont elle a besoin. Ce qui doit les intéresser, c’est l’affichage de puissance que cela donne de pouvoir avoir dans son personnel l’ancien président de la Commission. Surtout quand plus d’un établissement bancaire se demande comment gérer le Brexit de la City. La Goldman Sachs a besoin de rouler les mécaniques. Les banques en Europe ne sont pas si vaillantes qu’il y parait. Les signes faisant craindre un crash bancaire européen se multiplient. Et ce n’est pas d’aujourd’hui. Leur capitalisation a baissé comme l’eau dans un évier. La Deutsche Bank estime que les banques européennes ont un besoin urgent de liquidités : 150 milliards d’euros pour boucher le trou. La Deutsche Bank en appelle même à l’Union européenne, alors que cette dernière se refuse par principe à toute intervention et renflouement. Pour une banque allemande c’est un comble.

Le comique de la situation, c’est que la crise bancaire résulte de l’étranglement de l’économie réelle dont les banques sont responsables à la fois du fait de leur crise de 2008, et des politiques d’austérité qu’elles réclament et qui contractent la demande. Dans ce registre, je note que les cris de la Deutsche Bank confirment ma thèse sur le caractère trompeur de la stabilité du prétendu modèle allemand. J’avais écrit dans mon livre « Le Hareng de Bismarck » que les banques allemandes en particulier étaient parmi les plus fragiles. L’actualité le confirme. Le cours de Deutsche Bank s’est effondré de 48% en un an. Bravo le modèle allemand ! On aurait tort d’en rire, même si les donneurs de leçon le méritent. Car la Deutsche Bank est la troisième banque européenne du point de vue de ses actifs. Elle est spécialement mal gérée. Au point que le FMI l’a identifiée comme une « menace majeure pour le système financier mondial ».

En lisant sur ce sujet j’ai trouvé au hasard d’un article un pronostic très pessimiste d’un banquier qui nous intéresse. Il s’agit de monsieur Lorenzo Bini Smaghi, et ancien administrateur de la Banque Centrale Européenne. Pour lui, le secteur bancaire européen « est gravement malade et doit s’attaquer à ses problèmes très rapidement, sinon on court à la catastrophe. Je ne suis pas un prophète de malheur, je suis juste réaliste », a prévenu le monsieur. Si ce réalisme m’a frappé, c’est que l’homme qui parle est aujourd’hui un cadre d’état-major de la Société Générale.

B) Barroso chez Goldman Sachs, un bras d’honneur à l’Europe (Libération)

L’ancien président de la Commission qui a gravement affaibli l’Europe communautaire et ses institutions se recycle dans une des banques d’affaires les plus controversées de son époque.

Source : http://www.liberation.fr/planete/20...

José Manuel Durao Barroso chez Goldman Sachs. La nouvelle est tombée vendredi : celui qui a été pendant dix ans, de 2004 à 2014, président de la Commission européenne, va rejoindre le siège londonien de la banque d’affaires - comme président « non exécutif » et conseiller - afin de l’aider à limiter les effets négatifs du « Brexit ». Une fin de carrière qui n’a rien d’étonnant quand on connaît l’homme, mais qui n’en reste pas moins choquante, GS étant l’une des banques les plus impliquées dans la crise des subprimes qui a débouché sur la crise financière de 2007, et dans la crise grecque, ayant aidé à dissimuler l’étendue de son déficit avant de spéculer, en 2009-2010, contre la dette grecque dont elle connaissait évidemment l’insoutenabilité… C’est, au pire moment, un symbole désastreux pour l’Union et une aubaine pour les europhobes, un président de Commission étant censé incarner, bien au-delà de son mandat, les valeurs européennes qui ne sont justement pas celles de la finance débridée qu’incarne Goldman Sachs : tous les anciens présidents de Commission, qui bénéficient d’une pension confortable censée les préserver de toute tentation, ont, jusque-là, su éviter un tel mélange des genres.

Atlantiste militant

Mais la morale et les convictions n’ont jamais étouffé cet ancien président des étudiants maoïste (MRPP) brutalement passé à droite (PSD) à 24 ans avant d’entamer une carrière politique fulgurante qui l’amènera à divers postes ministériels puis à la tête du Portugal en 2002, à peine âgé de 46 ans. C’est en juin 2004 qu’il est propulsé à Bruxelles grâce à son ami Tony Blair, le Premier ministre britannique de l’époque qui a soufflé son nom à ses partenaires après avoir posé son veto, soutenu mezzo voce, par les pays d’Europe de l’Est, à la candidature du Premier ministre belge Guy Verhofstadt soutenu par Berlin et Paris : certes libéral, il était trop fédéraliste pour Londres et surtout il s’était opposé à la guerre en Irak. Ce qui n’était pas le cas de Barroso : atlantiste militant, il a organisé le fameux « sommet des Açores » de 2003, avec les Etats-Unis, l’Espagne et la Grande-Bretagne, au cours duquel la guerre à l’Irak fut déclarée. Pire, il a ensuite joué un rôle trouble dans le transfert des prisonniers vers Guantanamo, laissant les avions de la CIA emprunter les aéroports et l’espace aérien portugais. Jamais il n’a regretté son soutien indéfectible à Georges W. Bush.

Barroso n’oublie pas ses dettes et paye Blair en retour, notamment en s’opposant à toute régulation du système financier au plus grand bonheur de la City. Il s’illustre aussi pendant la campagne référendaire française en défendant jusqu’au bout la première mouture de la directive Bolkestein libéralisant la prestation de service, ce qui a alimenté la campagne des opposants au traité constitutionnel européen, un texte dont les Britanniques ne voulaient pas. Pourtant, alors que la crise financière ravage le monde et que l’Europe tangue dangereusement, il est reconduit à son poste en juin 2009 par l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement, l’Espagne et le Portugal, dirigés à l’époque par des socialistes, le soutenant par « solidarité ibérique ». Pis : le Parlement européen, qui aurait pu s’opposer à cette reconduction, le soutiendra à une large majorité (socialistes compris, sauf, en particulier, la délégation française), et ce, en dépit d’une campagne menée par Daniel Cohn-Bendit, le coprésident du groupe vert, et… Guy Verhofstadt, le président du groupe libéral.

Errements dans la crise

Sous son règne, aussi long que celui de Jacques Delors, la Commission a été ravalée au rang de simple secrétariat du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, Barroso assumant d’être « au service des Etats » et non de l’intérêt général européen censé transcender les intérêts nationaux. Ce refus de faire jouer à la Commission le rôle qui est le sien explique en grande partie les errements européens dans la gestion de la crise de la zone euro. Seul élément positif de ce second mandat, Barroso se montre plus régulateur, mais là aussi parce que les Etats, vaccinés par la crise financière, veulent davantage contrôler les marchés. Sur le fond, en réalité, il ne change pas : toujours aussi atlantiste et libre-échangiste, c’est lui qui a personnellement réussi à convaincre les Etats de se lancer dans la négociation du TTIP ou TAFTA, l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis, un projet de plus en plus contesté et qui alimente l’euroscepticisme continental.

C’est donc un homme qui a gravement affaibli l’Europe communautaire et ses institutions qui se recycle dans une des banques d’affaires les plus controversées de son époque. Certes, d’autres dirigeants communautaires sont passés par Goldman Sachs, dont Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, mais c’était avant d’occuper des fonctions européennes. Cette fin de parcours éclabousse toute l’Union, le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement au premier chef, mais aussi le Parlement européen. Tous ceux qui l’ont combattu ne peuvent que tristement constater qu’ils ont eu raison. Mais les dégâts sont faits : désormais, comment ne pas soupçonner les présidents de Commission et les commissaires de ménager tels ou tels intérêts pour s’assurer un avenir financièrement confortable ? À la Commission et aux Etats membres d’adopter rapidement des règles pour interdire un tel mélange des genres. De fait, si Barroso adresse un gigantesque bras d’honneur aux Européens en passant au service de Goldman Sachs dont l’argent est la seule morale et l’avenir de l’Union la dernière préoccupation, il n’a violé aucune règle. Et c’est là qu’est le problème.

Jean Quatremer

C) La France demande à Barroso de « renoncer » à travailler pour Goldman Sachs (Le Monde)

Source : http://www.lemonde.fr/economie/arti...

Cette nomination ne passe toujours pas. Le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Harlem Désir, a demandé « solennellement », mercredi 13 juillet devant les députés français, à l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso de « renoncer » à travailler pour la banque Goldman Sachs, et à Bruxelles de changer ses règles applicables aux anciens commissaires.

L’ancien premier ministre du Portugal (2002-2004), qui a présidé la Commission de 2004 à 2014, a été engagé par la banque d’affaires américaine pour la conseiller dans le contexte du départ annoncé du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Cette embauche « est particulièrement scandaleuse, compte tenu notamment du rôle joué par cette banque dans la crise financière de 2008 mais aussi du trucage des comptes publics de la Grèce », a estimé le responsable socialiste. Avant d’ajouter :

« Moralement, politiquement, déontologiquement, c’est une faute de la part de M. Barroso, c’est le pire service qu’un ancien président d’une institution européenne pouvait rendre au projet européen, à un moment de l’histoire où il a, au contraire, besoin d’être soutenu, porté et renforcé. »

Changer le « code de conduite »

Le secrétaire d’Etat a également demandé à Bruxelles de changer le « code de conduite », selon lequel les commissaires doivent, dans les dix-huit mois suivant la fin de leur mandat, demander une autorisation à leur ancien employeur avant de pouvoir rejoindre un groupe privé, mais qui ne prévoit rien au-delà. « Il faut étendre la durée d’interdiction à être embauché par une entreprise privée, élargir les incompatibilités, renforcer les contrôles », a commenté Harlem Désir.

« Il pourrait y avoir un organe indépendant au sein duquel serait représenté le Parlement dans toute sa diversité et des juristes internationaux pour évaluer les conflits d’intérêt et interdire ce genre d’embauche », a-t-il suggéré.

En France, plusieurs voix de gauche, jusqu’au sein du gouvernement, ont depuis samedi vivement critiqué cette embauche. Le secrétaire d’Etat français au commerce extérieur, le socialiste Matthias Fekl, a qualifié, dans un tweet, le Portugais de « représentant indécent d’une vieille Europe que notre génération va changer ».


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