Jésus et les pharisiens, Fillon et la morale chrétienne

vendredi 24 février 2017.
 

L’Évangile selon Louis

On ne sait exactement si les reproches qu’adresse avec véhémence Jésus aux pharisiens sont fondés, querelles de chapelle ou trafic d’influence entre les diverses tendances qui agitaient le judaïsme du premier siècle selon l’idée que les uns et les autres se faisaient de la Loi, de sa lettre ou de son commentaire, mais ce qui est certain c’est que l’image qu’ils traînent via les Évangiles depuis deux mille ans les renvoie impitoyablement et sans repasser par la case départ tout droit au «  terminus des prétentieux  ».

Le pharisien, c’est celui qu’on suspecte d’en faire trop, d’en rajouter dans l’observance rigoureuse des rituels au point de semer le doute sur la réalité de sa ferveur. Avec lui la religion se réduirait à un ensemble de règles que l’on se doit de rigoureusement respecter. La loi, toute la loi et rien que la loi. Et quand son enfant tombe dans un puits le jour du shabbat on descend le chercher en transgressant l’interdit de toute forme de travail ou on le laisse se noyer  ? Vieux débat entre la règle et la vertu. Mais on a compris que pour le pharisien l’habit fait le moine (façon de parler) et le rituel la foi. Résultat, on se le présente comme une sorte de Louis de Funès surjouant un recueillement profond tout en donnant des petits coups de pied à son voisin ou prêchant la pauvreté en piochant dans la corbeille de la quête. En clair, le pharisien, c’est le parangon du faux-derche, ce qui, en variation corrigée des données saisonnières, correspond trait pour trait au hobereau de Sablé dans la Sarthe en voyage à La Réunion s’avançant vers la Sainte Table pour recevoir le corps du Christ après qu’il s’est fait littéralement sermonner par le prêtre visant son appétence pour l’argent. Et l’argent, dans les Évangiles, dès lors qu’on lorgne le Paradis, c’est rédhibitoire. Trop gras, on ne passe pas. Guillaume le Maréchal, élu «  le meilleur chevalier de son temps  » (le XIIe siècle), la mort approchant, prit soin de se dépouiller de tous ses biens afin de ne pas risquer de rater le chas de l’aiguille qui ouvre sur la félicité éternelle. Ce qui par correspondance obligerait le hobereau de Sablé à défiler en robe de bure, pieds nus et la corde au cou.

On n’y est pas. Mais ce qui se joue pour lui n’est pas là. C’est la persistance rétinienne d’une France qui remplissait ses églises sur laquelle se superpose l’image à la fois réelle et fantasmatique des musulmans s’entassant dans les salles de prière ou, faute de place, déployant leurs tapis dans la rue. En termes de propagande, ça se lit comme Sharon s’avançant sur l’esplanade des Mosquées. On y revient.

Jean Rouaud Ecrivain


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