Les gros mensonges du Front national sur l’immigration

mardi 4 juillet 2017.
 

Pour Marine Le Pen, c’est l’origine de tous les maux de la France. Mais la vision de l’immigration qu’elle distille à longueur de discours s’arrange avec la réalité. Voici quelques-uns de ces mensonges décryptés.

Une submersion de pédiluve

Pour le FN, les expressions «  submersion migratoire  » ou «  colonisation de peuplement  » se sont substituées à l’expression venue des mouvances néonazies de «  grand remplacement  » pour exprimer l’idée que l’«  on n’est plus chez nous  ». Mais si les mots changent, la réalité reste la même  : un gros mensonge. Posons les choses clairement  : la France compte aujourd’hui près de 11 % d’immigrés. «  Oui, mais la vague grossit  !  » répond le FN. Là aussi, mensonge  ! En moyenne 200 000 personnes entrent en France chaque année. Soit 0,3 % de la population totale, bien en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE (0,6 %), mais surtout de loin la plus faible proportion d’Europe. Certes, le nombre d’entrées tendrait à augmenter un (petit) peu  : 235 000 en 2013 contre 193 000 en 2006. Mais, dans le même temps, le nombre de sorties du territoire augmente plus vite. Ainsi, en 2006, 29 000 immigrés ont quitté la France  ; en 2013, 95 000 d’entre eux sont partis, pour une baisse de près de 15 % du solde migratoire. Dernier point, utile pour désamorcer un grand «  non-dit  »  : près de la moitié des immigrés que la France reçoit est originaire de l’Union européenne. Seulement trois sur dix proviennent d’un pays d’Afrique.

Un coût réel minime

Si l’immigration a un coût, il est loin des 70 milliards évoqués par Marine Le Pen. Les études les plus sévères le situent entre 4 et 10 milliards d’euros. D’autres estiment que l’immigration rapporte aux comptes publics. Logique car, comme tout un chacun, les immigrés consomment et cotisent (en TVA, impôts sur le revenu, CSG…). Certes, les populations immigrées perçoivent proportionnellement plus d’aides au logement, de RSA, d’allocations familiales ou d’allocations chômage. Mais il ne s’agit pas là d’une «  surconsommation  » d’aides  : cela correspond à la réalité de populations proportionnellement plus «  pauvres  » que les natifs, et d’un accès au marché de l’emploi rendu beaucoup plus difficile du fait des discriminations. Surtout, il faut noter que les populations immigrées coûtent beaucoup moins cher que les «  autochtones  » sur les deux postes les plus onéreux de la Sécurité sociale  : l’assurance-maladie et les retraites.

Le mythe des logements réservés

«  Sandra dort dans sa voiture, avec son fils, depuis trois mois. Hélas pour elle, Sandra n’est pas migrante  », dit une affiche des Jeunes avec Marine, qui précise aussi  : «  Dans notre pays, les logements sociaux sont saturés par l’immigration incontrôlée  ». Rassurons «  Sandra  »  : tout ceci est encore une fois totalement bidon  ! Les personnes en situation irrégulière, ou en cours de régularisation, n’ont tout bonnement pas accès aux logements sociaux. Les réfugiés, eux, ne peuvent s’y retrouver que dans les zones où des logements sont laissés vacants. Les arrivants en situation régulière, en revanche, y ont effectivement accès, dans les mêmes conditions que les autres. À l’inverse, il est vrai que plus d’une personne sans domicile fixe sur deux est de nationalité étrangère, tout comme il est vrai que l’accès au logement social se révèle parfois extrêmement difficile. Mais cela n’a rien à voir avec l’immigration  : beaucoup d’élus rechignent à construire des logements sociaux en nombre suffisant. Comme à Fréjus, où le maire FN, David Rachline, directeur de campagne de Marine Le Pen, préfère payer près de 500 000 euros d’amende chaque année plutôt que de construire suffisamment de HLM.

Adrien Rouchaleou, L’Humanité

B) Cette France que Marine Le Pen veut détruire

Les mesures xénophobes prônées par la candidate FN auraient un impact direct sur le quotidien de milliers de personnes vivant en France. Chez les principaux concernés, la peur et l’indignation dominent.

La France dont rêve Marine Le Pen n’est pas la France. Au travers des mesures xénophobes qui sont au cœur de son programme, la candidate frontiste nous propose un pays amputé de toute une partie de sa population.

Nous les côtoyons quotidiennement dans la salle d’attente de notre médecin de famille ou sur les bancs de nos universités. Ce sont aussi les parents des camarades de classe de nos enfants, ou nos collègues de travail. Parce qu’ils sont étrangers, l’héritière de Jean-Marie Le Pen souhaite leur pourrir la vie. Et voudrait les bannir de cette France, la nôtre, celle que jusqu’à aujourd’hui encore nous partageons avec ces hommes et ces femmes.

Réfugiés, mineurs isolés, travailleurs sans papiers, parents étrangers d’enfants français… leur quotidien en France deviendrait totalement incertain si le programme du Front national était appliqué. L’Humanité a cherché à savoir comment, à quelques jours du second tour, les principaux concernés appréhendaient l’éventualité d’une accession au pouvoir de la candidate du repli sur soi et de la haine. Pour eux, la France représente un espoir. De toute évidence, ce n’est pas la France de Marine Le Pen.

Le programme du Front national menace les étrangers vivant en France et les bases républicaines du vivre-ensemble. Réfugiés, sans-papiers, enfants scolarisés, mineurs isolés… Le vote Le Pen les met tous en danger.

Mohammad, réfugié afghan, n’aurait jamais pu échapper aux Talibans

Il est arrivé en France en 2009, pour fuir les talibans qui le menaçaient en Afghanistan. En 2012, après avoir séjourné dans un des camps du Calaisis, il obtient le statut de réfugié. Aujourd’hui, dans le Gard, quand il ne s’adonne pas à sa passion pour l’écriture poétique, Mohammad travaille pour ISM interprétariat, une association qui cherche à faciliter «  l’accès des étrangers à leurs droits et à participer à la lutte contre le racisme et les discriminations  ». Si Marine Le Pen était au pouvoir, ce jeune poète de 28 ans n’aurait jamais pu quitter son pays. Le programme porté par la candidate du Front national prévoit en effet que l’asile ne soit accordé qu’à la suite de demandes déposées dans les ambassades et consulats français, dans les pays d’origine ou les pays limitrophes. «  J’ai dû faire ma valise en deux jours, dès que les talibans sont venus chez moi, se souvient Mohammad. Impossible de faire des démarches à l’ambassade et d’attendre des mois. Je serais mort bien avant d’avoir reçu une réponse. Il fallait partir vite. Chaque seconde était dangereuse. Je pouvais être tué à tout moment.  »

Patrick, médecin, ne pourrait plus soigner les étrangers exclus de l’Aide Médicale d’état

Cardiologue au sein du centre de santé de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, Patrick est aussi bénévole chez Médecins du monde. «  La proposition défendue par Madame Le Pen visant à supprimer l’aide médicale d’État pour les étrangers est une aberration sanitaire et économique, tempête-t-il. Des milliers de personnes souffrant de maladie chronique seraient contraintes de renoncer à se soigner. Et lorsqu’elles reviendront me voir, leur pathologie se sera aggravée.  » Le docteur dénonce une proposition discriminatoire visant à éloigner des soins des personnes déjà rendues plus vulnérables par leur statut administratif. «  Certains patients étrangers en situation irrégulière se cachent pour venir me voir ou évitent de prendre le métro par peur des contrôles  », explique Patrick. Marine Le Pen, elle, affirme que la suppression de l’AME pour les étrangers permettrait de faire des économies. «  C’est un mensonge, rétorque le médecin militant. D’autant que le budget de l’AME représente à peine 0,48 % de celui de toute l’assurance-maladie.  » Et d’ajouter  : «  L’AME devrait être intégrée au régime général de la Sécurité sociale pour garantir son universalité.  »

Ouria, son mari et leurs trois enfants scolarisés ne seraient pas régularisés

Depuis cinq ans, ce couple d’Algériens s’est installé à Paris. De leur amour, deux petites filles sont nées, en France. Toutes les deux sont scolarisées, tout comme leur grand frère qui a fui avec leurs parents. «  Depuis que j’ai appris que Marine Le Pen était qualifiée pour le second tour, je ne dors plus, explique Ouria. C’est un cauchemar.  » Cette maman de 36 ans, inscrite en maîtrise de lettres modernes à l’université Paris-IV, a de bonnes raisons de s’inquiéter. Si la candidate xénophobe est revenue sur son projet de rendre payante l’école pour les enfants étrangers, elle a fait inscrire dans l’accord électoral qu’elle vient de passer avec Nicolas Dupont-Aignan qu’«  en revanche, la scolarisation des enfants ne doit plus être un obstacle aux renvois des familles entrées clandestinement dans notre pays  ».

Ouria, son mari et leurs enfants pourraient donc être expulsés à tout moment. Toute la famille croise les doigts pour que Marine Le Pen perde ces élections et que la circulaire signée en novembre 2012, par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, ne soit pas abrogée. Le texte prévoit, en effet, que les parents en situation irrégulière d’enfants scolarisés depuis plus de cinq ans puissent obtenir des titres de séjour.Ouria remplira ces conditions au mois d’octobre prochain. «  Ça n’aurait aucun sens de rentrer en Algérie, ajoute-t-elle. C’est ici que mes enfants grandissent, vont à l’école et ont leurs amis. Leur pays, c’est la France.  » Si Marine Le Pen est battue, les deux filles d’Ouria pourront, à l’âge de 13 ans, demander la nationalité française. C’est ce que prévoit la loi actuelle basée sur le principe du droit du sol. Un principe que la candidate d’extrême droite souhaite également abroger.

Kadiadou, exilée guinéenne, serait expulsée et contrainte à un mariage forcé

Élève sans papiers au lycée Voltaire, à Paris, Kadiadou (le prénom a été modifié) est protégée par le Réseau Éducation sans frontières. Prise en charge jusqu’ici par l’aide sociale à l’enfance, la jeune fille vient d’avoir 18 ans. Elle fait partie de ceux pour qui Marine Le Pen affréterait les premiers charters si elle était élue. «  J’ai peur, lâche l’adolescente. Vraiment. Dans la rue, dans ma classe, au fond de moi, j’ai peur.  » Kadiadou a fui la Guinée à l’âge de 15 ans. Son père voulait la marier à un cousin de vingt-cinq ans son aîné. Elle veut à tout prix échapper à un avenir qu’elle n’a pas choisi. Elle a risqué sa vie pour ça, en traversant la Méditerranée dans un de ces «  bateaux de migrants  » dont Marine Le Pen dit qu’«  il faut les arraisonner (…) et les ramener à leur port de départ.  ».

«  Je ne comprends pas, s’inquiète Kadiadou. Depuis mon arrivée en France, je n’ai jamais été directement confrontée à des propos racistes. Comment se fait-il qu’autant de gens votent pour elle  ? Il ne faut pas qu’elle soit élue  !  »

Emmanuel, patron de PME, ne pourrait plus choisir un employé pour ses compétences

Pendant des années, il a été dirigeant de petites entreprises. D’abord d’une boutique d’électroménager, puis d’un centre d’appel pour médecins. Emmanuel a récemment décidé de changer de vie  : il prépare un concours pour intégrer la fonction publique. Son expérience entrepreneuriale lui permet cependant de porter un jugement sans appel sur une autre des mesures xénophobes portées par Marine Le Pen  : «  la taxe additionnelle sur l’embauche des salariés étrangers  », censée «  assurer effectivement la priorité nationale à l’emploi des Français  ». «  Dans ma vie, j’ai employé plus d’une dizaine de personnes sans jamais me soucier de la couleur de leur peau, assène Emmanuel. Seules les compétences des personnes comptent pour un employeur.  » Cet ancien patron assure qu’une telle mesure bloquerait l’économie et augmenterait le prix du travail pour des employés de compétence égale. «  C’est une taxe raciste, reprend-il. Si un étranger travaille régulièrement en France, qu’il ait des papiers ou non, il n’y a aucune raison de le rejeter.  » Et d’ajouter  : «  Je suis au contraire pour l’instauration d’une sorte de droit du sol par le travail.  »

Emilien Urbach, L’Humanité


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