Présidentielle 2017 (revue de presse)

vendredi 12 mai 2017.
 

- A) Un écart net mais un Président mal élu (Politis)
- B) Une dette envers le peuple (par Laurent Joffrin, Libération)
- C) Un vote divers mais sans adhésion pour Macron (Mediapart)
- D) « L’élection de Macron est fragile » Pierre Laurent, PCF

A) Un écart net mais un Président mal élu (Politis)

Certes, l’écart avec Marine Le Pen est important (65,5% contre 34,5%), mais il n’en reste pas moins vrai qu’Emmanuel Macron est un Président moins bien élu qu’il y paraît. Un taux d’abstention (25,3 %), et un nombre de votes blancs et nuls records (8 %), et surtout, fait exceptionnel, une participation en baisse au second tour par rapport au premier.

On peut imaginer que l’abstention atteindra des taux très élevés dans des départements populaires, comme la Seine-Saint-Denis, où Jean-Luc Mélenchon avait obtenu ses meilleurs scores. Cette carte de la France politique préfigure sans aucun doute la difficulté que rencontrera Emmanuel Macron pour appliquer un programme très antisocial.

Mais le mauvais score relatif de Marine Le Pen, dû probablement à un débat catastrophique, ne doit pas faire oublier que la candidate du Front national a obtenu plus de 11 millions de voix, soit deux fois plus que Jean-Marie Le Pen en 2002 (5,5 millions de suffrages). Ce qui donne la mesure de la colère, même exprimée de la façon la plus erratique et dangereuse, qui couve dans la société française.

La question est de savoir qui parviendra à organiser cette colère, et cela dès les législatives. Marine Le Pen, malgré son échec cinglant, a immédiatement pris position en lançant un appel au dépassement du Front national. La réponse de la gauche sera évidemment capitale.

Le rôle de la France Insoumise, sa capacité à rassembler la gauche, sera évidemment décisive pour que la résistance à la politique libérale promise par Emmanuel Macron n’aille pas renforcer l’extrême droite, lui assurant une nouvelle avancée dans cinq ans. Ce sera dès le mois de juin l’enjeu des législatives qui peuvent rebattre les cartes.

B) Une dette envers le peuple (par Laurent Joffrin, Libération)

Sur les plus de 65 % d’électeurs qui l’ont choisi, plus des deux tiers auraient sans doute préféré voter pour quelqu’un d’autre. Ces électeurs de raison ont une créance sur lui. Celle que Jacques Chirac, en son temps, n’avait pas honorée, en refusant de rassembler au-delà de ses partisans. C’est le républicanisme, autant que le macronisme, qui a porté Emmanuel Macron au pouvoir. Il a donc pour devoir impératif d’incarner les valeurs qui expliquent, plus que son programme, son insigne succès. Un succès assorti d’un gros bémol : selon toutes probabilités, les voix qui se sont portées sur Marine Le Pen, et celles qui ont choisi le bulletin blanc ou l’abstention, sont en majorité des voix populaires.

C’est le défi principal du nouveau président : combler peu à peu le fossé qui sépare France heureuse et France en colère, France d’en haut et France décrochée. Une République qu’une bonne partie du peuple abandonne n’est plus une République. Emmanuel Macron a toute légitimité pour mettre en œuvre, s’il gagne les législatives, le programme qu’il a présenté aux Français. Mais si ce programme ne favorise pas le peuple, s’il se contente de satisfaire les ambitions réformatrices de ceux d’en haut, seraient-ils bien intentionnés, sa présidence tournera mal. La République est confortée. Pour le rester, elle doit être juste. Laurent Joffrin

C) Un vote divers mais sans adhésion pour Macron (Mediapart)

Sur le plateau de La Croix-Rousse, à Lyon, Emmanuel Macron est un peu comme à la maison. Au bureau de vote 401 de la mairie du 4e arrondissement, le candidat d’En Marche ! est arrivé largement en tête au premier tour, devant Jean-Luc Mélenchon, avec 34 % des voix.

Dans les bureaux de vote de la mairie, les électeurs semblent se rejoindre sur un même bulletin : Macron. Mais pas pour les mêmes raisons. « J’avais voté pour Fillon au premier tour et j’étais partie pour voter blanc. Mais quand je me suis retrouvée dans l’isoloir, face aux deux bulletins, je me suis dit que ce n’était pas possible, qu’on pourrait avoir une surprise, comme en 2002. J’ai finalement voté Macron », avoue Domitille, 18 ans, devant les marches de la mairie. « J’avais voté pour Mélenchon au premier tour », confie de son côté Brenn, ingénieur de 37 ans. « J’ai hésité à voter blanc, car Macron c’est l’antithèse de ce que je pense sur l’Europe. Mais c’est Noam Chomsky qui m’a décidé, quand pendant l’entre-deux-tours, il a écrit que les plus faibles allaient moins souffrir avec Macron. »

Certains n’ont pu se résoudre à voter pour le « financier » tant honni. C’est le cas à Toulouse de Pierre, la cinquantaine, gersois. « Au premier tour j’ai voté Hamon, mon candidat dès les primaires, et j’ai fait une campagne active pour lui, raconte-t-il. Mais là, pour la première fois de ma vie, je ne vais pas aller voter. En 2002, j’avais trouvé le ressort d’y aller pour Chirac, cette fois c’est au-dessus de mes forces. J’en ai marre de cette parodie de démocratie : dès le premier tour, on se trouve dans une stratégie de vote utile et au second, il faut faire un front républicain. Je ne veux plus cautionner ça. » Un positionnement tout à fait personnel : « Le fait que Hamon ait appelé, dès sa défaite, à voter contre le FN me convient tout à fait. À vrai dire, je n’aurais pas compris qu’il fasse autrement, il est clairement dans son rôle de responsable politique. Mais en tant que citoyen, on n’est pas tenu à ça, alors je n’irai pas voter. Merde. » Pierre a quand même suivi l’évolution du taux de participation toute la journée : « S’ils étaient à 52/48, bien sûr j’irais voter », admet-il, un peu las.

Plus haut, sur le plateau de La Duchère, Mehdi, 31 ans, agent de maîtrise, et Farid, 24 ans, plâtrier, n’iront pas voter. « C’est du 50-50 chez les jeunes. Moi, Macron, je ne peux pas, c’est un banquier, il ne nous aidera pas, nous les pauvres », assure Mehdi. « Il a fait quoi pour les jeunes, Hollande ? Ma famille me dit d’aller voter. Mais ils ne font rien pour les jeunes. Un jeune de moins de 25 ans n’a même pas le droit au RSA », ajoute Farid. « C’est à cause de ce qu’a fait Hollande. On a tous voté pour lui. Le PS, c’était pourtant pour les gens comme nous. Moi, en 2012, c’était d’ailleurs la première fois que je votais. Mais quand tu vois qu’on se fait chasser parce qu’on a volé quelques centaines d’euros au Pôle emploi, et qu’eux, ils escroquent des millions d’euros sans aller en prison, on est dégoûtés. »

D) « L’élection de Macron est fragile » Pierre Laurent, PCF

Ce soir, la candidate du Front national n’est pas élue. C’est un soulagement ! Une large majorité d’électrices et d’électeurs n’a pas voulu porter à la tête de l’Etat ses idées de haine et de division, son projet raciste et xénophobe, sa politique violemment discriminatoire, libérale et guerrière.

Nous, communistes, sommes fiers d’avoir oeuvré avec clarté à cette défaite, car nous savons qu’elle continue à menacer la République et son unité.

Nous n’en voulons à aucun prix, ni aujourd’hui, ni demain.

Mais ce soir, notre coeur n’est pas à la fête. Notre pays vit des heures graves. Ce second tour est, à nouveau, une très sérieuse alerte pour toutes celles et ceux qui sont attachés à la démocratie et à l’égalité. Marine Le Pen, avec 35 % , obtient 14% de plus qu’au premier tour. C’est le résultat de la banalisation des idées d’extrême droite que nous sommes plus que jamais décidés à combattre. C’est aussi le résultat de décennies d’alternances politiques défavorables aux intérêts populaires, de trahisons et de renoncements des gouvernements successifs. Nous partageons ce soir la profonde colère des millions de personnes qui se sont senties piégées par ce second tour. Piège orchestré par les mécanismes de la Ve République usée et perverse. A l’avenir, nous ne voulons plus être obligés de voter par défaut pour battre l’extrême droite. Nous ne voulons plus la voir aussi haut. Pour cela, il faut construire la victoire d’un vrai changement de politique qui libère la France de la tutelle des marchés financiers, qui proclame « l’humain d’abord » et s’attaque à la domination de la finance en conquérant de nouveaux pouvoirs à tous les niveaux, qui ouvre le chemin d’une nouvelle société de bonheur, de solidarité, de justice, d’écologie, de paix et d’égalité.

Ces choix politiques de progrès, ce n’est pas Emmanuel Macron, candidat des milieux financiers, élu ce soir Président de la République qui les fera. Il veut tout marchandiser dans la société. Son élection est fragile. Les millions d’électeurs qui ont voté Macron ont d’abord voulu barrer la route de l’Elysée à Marine Le Pen. Déjà au premier tour, ils et elles étaient nombreux à voter pour lui par défaut pour éviter un duel entre Fillon et Le Pen. Son projet, très néo-libéral et porteur de graves régressions sociales et démocratiques, est minoritaire dans le pays. Ce qui reste à l’ordre du jour, c’est la construction d’une alternative de transformation sociale, écologique et démocratique à sa politique, et celle d’une nouvelle majorité de gauche pour la porter. Dès demain, et tout au long du quinquennat, les communistes seront mobilisés pour avancer dans cette voie avec toutes celles et ceux qui seront disponibles.

A la casse du Code du Travail qui affaiblirait les droits des travailleurs, nous opposerons une sécurité de l’emploi et de la formation pour éradiquer le chômage et la précarité, en créant de nouveaux pouvoirs dans les entreprises et sur les banques face aux marchés financiers. Au recul du droit à la retraite et à la privatisation de la Sécurité sociale facilitée par la suppression annoncée de cotisations sociales, nous opposerons un plan de défense et de développement de la Sécurité sociale. A la baisse de 60 milliards d’euros des dépenses publiques et à la suppression de 120 000 fonctionnaires, nous opposerons un plan de relance des services publics de proximité dans tous les domaines. Au recours aux ordonnances pour gouverner autoritairement, nous opposerons le respect de la démocratie. Nous serons de tous les combats contre les projets anti-sociaux de Macron, contre les projets ultra-réactionnaires de la droite et de l’extrême-droite.

C’est dans cet esprit que nous voulons conduire les élections législatives des 11 et 18 juin. Le PCF y engage dès ce soir toutes ses forces. Aucune majorité parlementaire n’est acquise pour personne. Notre peuple a une nouvelle chance pour décider de son présent et de son avenir.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message