Italie : 25 avril 1945 La libération

dimanche 27 avril 2025.
 

25 avril 1945 : Il y a 80 ans, l’Italie se débarrassait du fascisme : aujourd’hui, l’extrême droite gâche la fête

Le 25 avril est un peu la 2e fête nationale italienne : on y commémore la victoire sur le fascisme, en 1945, après une guerre où se mêlent lutte contre les Allemands et guerre civile contre l’ultra-fasciste République de Salò fondée par Mussolini en 1943. L’Italie fête cette année le 80e anniversaire de cette Libération […]

Le 25 avril est un peu la 2e fête nationale italienne : on y commémore la victoire sur le fascisme, en 1945, après une guerre où se mêlent lutte contre les Allemands et guerre civile contre l’ultra-fasciste République de Salò fondée par Mussolini en 1943. L’Italie fête cette année le 80e anniversaire de cette Libération italienne, fête gâchée par le gouvernement dirigé par l’extrême droite, sous prétexte de deuil papal. Ce matin, la lecture d’un article de Il Manifesto a inspiré à l’un de nos rédacteurs une réflexion sur cette amputation de la Fête de la Libération en Italie. Notre article.

La double lutte des partisans italiens contre les ultra-fascistes dirigés par Mussolini et l’armée allemande (1943-1945)

En 1943, Mussolini fonde la République de Salò, sans jeu de mots, du nom de la petite ville du bord du lac de Garde, en Italie du nord, où son gouvernement s’est établi. Le Duce avait été évincé de la tête du gouvernement italien quelques mois plus tôt, le 25 juillet 1943, par les responsables de son propre parti, le Parti National Fasciste, et arrêté, face à l’avancée des armées alliées vers Rome.

Placé en détention dans le massif du Gran Sasso, le plus haut sommet d’Italie centrale, dans les Abruzzes, il en a été délivré le 12 septembre, lors d’un raid rocambolesque ordonné par Hitler et mené par un commando SS. Il fonde alors la « République sociale italienne » le 23 septembre 1943, État en réalité contrôlé par la Wehrmacht, l’armée allemande. Un gouvernement ultra-fasciste se met en place.

Il lutte, avec l’aide des nazis (on parle alors des nazi-fascistes), contre les partisans, c’est-à-dire les résistants italiens, essentiellement les communistes, les socialistes et les démocrates-chrétiens, durant une guerre civile terrible.

Près de 100 000 partigiani à la fin de 1944, peut-être 200 000 à la fin de la guerre au printemps 1945, participent à cette lutte armée particulièrement violente. Le gouvernement de Mussolini laisse se dérouler les représailles allemandes contre les civils, comme le massacre des fosses ardéatines, près de Rome : 335 morts le 24 mars 1944, ou à Marzabotto, près de Bologne : 770 morts entre le 29 septembre et le 5 octobre 1944. Près de 44 000 partisans seraient tombés sous les balles des « nazi-fascistes » entre 1943 et 1945.

La République de Salò a aussi adopté une politique très antisémite et a activement participé à la Shoah : en quelques mois, plus de 8 500 Juifs des zones contrôlées par la République de Salò sont arrêtés, la plupart par la police du régime fasciste, et déportés à Auschwitz où ils ont été assassinés.

Pour finir, la ligne de défense allemande en Italie centrale, dite « ligne gothique », après avoir longtemps contenu les Alliés, cède enfin en décembre 1944. La défaite des nazi-fascistes se profile alors. Le 25 avril 1945, Mussolini, aux abois, tente de fuir avec une colonne de la Wehrmacht, piteusement déguisé en soldat allemand. Arrêté au bord du lac de Côme le 27 avril 1945, il est fusillé par les partisans le lendemain et son corps exposé et humilié sur une place de Milan.

Le 2 juin 1946, les Italiens (et, pour la première fois, les Italiennes) se prononcent en faveur d’un régime républicain, la monarchie s’étant, avec Victor-Emmanuel III, compromise avec le fascisme : le 2 juin, Fête de la République, devient alors jour de fête nationale italienne. Le 25 avril, Fête de la Libération, reste toutefois important dans le cœur des Italiens et a été aussi déclaré comme jour de fête nationale.

25 avril 2025 : Une fête mutilée

Or cette année, pour le 25 avril, le gouvernement italien, par la voix de Nello Musumeci, « ministre pour la Protection civile et les Politiques maritimes », le Retailleau italien, a appelé à « la sobriété que la circonstance impose à chacun », sans interdire formellement les manifestations.

Il s’agit, sous prétexte de deuil national à la suite de la mort du pape François, de limiter voire, dans certaines villes, d’annuler les cérémonies officielles de commémoration du 25 avril. Un prétexte pour ne pas fêter la fin du fascisme : quelle aubaine pour la droite et l’extrême droite au pouvoir en Italie !

Ainsi, dans la petite ville de Domodossola, au pied des Alpes lombardes, le maire Lucio Pizzi (catalogué au centre-droit) a annulé le cortège officiel avec musique et limitera la cérémonie à un simple discours. Or, la vallée d’Ossola est un peu à l’Italie ce que le Vercors est à la France : un haut lieu de la résistance des partigiani (combattants antifascistes) qui avaient, en septembre et octobre 1944, libéré la région des Allemands et des fascistes et fondé la « République d’Ossola », mais qui est tombée le 23 octobre 1944, à l’image de « notre » République martyr du Vercors.

Pour aller plus loin : En Italie, grandeur de l’historien communiste Luciano Canfora face au pouvoir néofasciste de Giorgia Meloni

Se sont illustrés dans cette République d’Ossola Gisela Floreanini, qui en a été ministre (la première femme ministre en Italie !) ou le communiste Umberto Terracini, futur président de l’Assemblée constituante italienne. Aujourd’hui, la région de Lombardie, dont Milan est la capitale, a « oublié » d’organiser les cérémonies officielles !

Sans surprise, de nombreux autres maires de droite et d’extrême droite ont annulé ou fortement limité les festivités : à Trieste (Frioul-Vénétie julienne), Ancône (Marches), Foligno (Ombrie), Orbetello (Toscane), etc. Plus étonnant (quoique…), des municipalités de centre-gauche ont aussi gâché la fête, annulant les concerts prévus, comme à Cesena (Émilie-Romagne) ou Legnano près de Milan. Sous prétexte du décès du pape François, c’est la République combattante et populaire qui est visée.

Encore deux exemples préoccupants et significatifs : dans la petite ville de Cinisello di Lombardia, le maire « centre-droit » annule et interdit toute célébration. Le secrétaire local de la CGIL (premier syndicat italien) appelle à manifester tout de même : « désobéir est nécessaire » a-t-il déclaré ! À Romano di Lombardia, le président du conseil communal Paolo Patelli a même interdit de chanter “Bella Ciao”, le chant des partisans italiens !

La boucle est bouclée : le nœud coulant du fascisme se resserre peu à peu sur l’Italie qui s’en était débarrassée il y a 80 ans. C’était un 25 avril.

Un matin je me suis levé

O bella ciao, bella ciao…

Un matin je me suis levé

Et j’ai trouvé l’envahisseur

Par Sébastien Poyard

Italie : 25 avril 1945 La libération

http://bellaciao.org/fr/article.php...

Le 25 avril 1945, les partisans libèrent Milan de l’occupation des nazis et des fascistes. Même la population civile s’insurge et de vastes zones de l’Italie du Nord - et un grand nombre de villes - seront libérées avant l’arrivée des troupes anglo-américaines qui, une fois surmonté le dernier obstacle de la Ligne Gothique en Toscane, harcèlent les troupes allemandes qui battent en retraite dans la plaine du Pô.

Pendant ce temps, en Europe, l’Armée Rouge soviétique déferle en territoire allemand et parvient aux portes de Berlin tandis que les Anglo-américains, après leur débarquement en Normandie, avancent à travers la Belgique ; Hitler, devant la défaite, se suicide dans son bunker.

Plus de cinq ans, donc, après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, la guerre mondiale touche à son épilogue (le Japon, par contre, ne se rendra qu’en septembre, après le largage de deux bombes atomiques par les Américains).

En Italie, le dernier hiver de la guerre est terrible. Les Alliés sont bloqués sur la Ligne Gothique qui coupe la péninsule d’Est en Ouest à la hauteur de la Toscane tandis que les atrocités des nazis à l’encontre de la population civile se multiplient. Ce n’est qu’au début du printemps que le général Alexander lance l’offensive finale : le 21 avril, les Anglo-américains entrent à Bologne, s’ouvrant définitivement la route vers la plaine du Pô. Au même moment, les bandes de partisans attaquent les villes encore occupées, où la population civile se soulève contre les nazis et les fascistes. Le 25 avril, les centres les plus importants seront déjà libérés, quelques jours avant l’arrivée des troupes alliées.

Le dernier acte du fascisme, c’ est la tentative de fuite d’abord, l’exécution ensuite de Benito Mussolini. Au début de l’insurrection de Milan, le dictateur se trouve encore en ville et, face à la précipitation des évènements, il tente de se mettre d’accord avec le Comité de Libération Nationale, pour une reddition honorable. Mais les dirigeants du CLN-AI sont inébranlables et exigent une reddition sans condition. Mussolini décide alors de s’enfuir en Suisse, déguisé en soldat allemand et sous l’escorte des SS (projetant de se réfugier ensuite en Espagne, toujours gouvernée par le général Franco). Mais, arrivé aux abords de la frontière et à cause des difficultés à la franchir, le groupe se joint à un détachement allemand qui se retire. A Dongo, le dictateur est reconnu et fait prisonnier par un groupe de partisans.

La reconstitution détaillée des dernières heures de vie du "Duce" après sa capture et les circonstances de son exécution sont aujourd’hui encore au cœur d’un débat serré entre historiens et de nombreux détails n’ont toujours pas été élucidés. Selon la version officielle, il est immédiatement fusillé sur ordre du CLN-AI, en même temps que sa maîtresse Claretta Petacci qui l’a suivi dans sa fuite. Le 29 avril, leurs corps sont exposés, ainsi que ceux d’autres dignitaires du fascisme, Piazzale Loretto à Milan, pendus la tête en bas à l’auvent d’une station service (à l’ endroit même où avaient été entassés, quelque temps auparavant, les cadavres de 15 partisans).

Durant les jours qui suivent, plusieurs exécutions sommaires ont lieu et de nombreuses vengeances s’exercent contre des "repubblichini" (soldats de la republique sociale italienne) et des collaborateurs, tenus pour auteurs ou complices des violences commises sous l’occupation.

C’est ainsi, par ce tragique épilogue, que se conclue une période caractérisée par vingt ans de dictature fasciste, cinq années de guerre et surtout par les deux dernières années où les Italiens sont acteurs et victimes de cette guerre dans la guerre que le jugement historiographique le plus récent (Claudio Pavone) définit comme une véritable guerre civile.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message