Caroline Fiat : Une aide-soignante à l’Assemblée

mardi 1er août 2017.
 

Tout le monde s’accorde pour affirmer que la démocratie a besoin d’aide et que la République doit être soignée. Caroline Fiat, députée Ensemble ! et FI, entend s’y atteler.

Pour la toute première fois, une aide-soignante a été élue députée. Caroline Fiat peut en être fière, et apprécier le symbole à sa juste valeur : la représentation nationale n’est pas réservée à quelques-uns, à des médecins par exemple, pour citer d’autres membres du milieu hospitalier déjà surreprésentés au Palais Bourbon. Oui, Caroline Fiat peut savourer cette victoire populaire. « Ça devrait être normal. Je suis un peu une bête de foire, les journalistes me sautent dessus parce que je suis la première aide-soignante à entrer ici. Sauf que, en 2017, ça devrait être naturel… » confiait-elle mardi, lors de son arrivée au Parlement.

Il y a des combats qui prennent du temps. Chaque victoire s’arrache, y compris quand elle paraît tardive. Les femmes, en France, n’ont fait leur entrée dans l’Hémicycle qu’en 1945. Il y a eu d’emblée parmi elles des ouvrières, et même deux infirmières : la communiste Denise Bastide et la socialiste Irène Laure. Passées de 33 élues à leur ­arrivée à 224 cette année, un record, les députées ont cependant souvent le même profil sociologique, à l’image de l’Assemblée : juriste, journaliste, avocate, maître de conférences, cardiologue, chef d’entreprise, etc. Le Front national qu’elle a battu reste sa hantise

Et dans ce vase clos et vieillissant qu’est trop souvent l’Assemblée nationale, le machisme ordinaire est fièrement défendu par des goujats de la pire espèce, quand bien même Jacques Myard, député de Maisons-Laffitte battu cette année, ne viendra plus porter leur voix… « Les autres, qu’ils essaient ! » défie déjà Caroline Fiat. Mais s’ils font un malaise, elle leur portera secours : « Quand quelqu’un a un souci, j’interviens, même s’il est du Front national. Dans ces cas, je suis aide-soignante avant tout », plaide-t-elle. Le FN, pourtant, c’est sa hantise. « La campagne des législatives a été géniale pour le premier tour. Humaine, pleine de vie et d’humour, avec des déplacements en caravane. Pour le second face au FN, ça a été différent… À force de dire pour plaisanter qu’il faut que j’aille voir un psy, je vais finir par y aller. J’ai une vraie phobie du FN. Dimanche dernier, avant les résultats, je n’arrêtais pas de me dire que, en cas de défaite, c’était le FN qui gagnait. Ce n’est pas rien. »

Membre d’Ensemble ! et de la France ­insoumise, Caroline Fiat s’est qualifiée au second tour à la faveur d’un duel fratricide entre deux candidates macronistes, et n’a ensuite fait qu’une bouchée du frontiste Cédric Marsolle. D’abord, lors des débats qui les ont opposés. « Je l’ai démonté. Il a parlé de “délinquance islamique”, et je lui ai dit que lorsque l’on est convoqué comme Marine Le Pen par la police, la moindre des choses, c’est d’y aller. Et puis plus tard, quand la pression est retombée, je n’ai pas peur de le dire, les larmes sont venues. On ne règle rien avec la haine et la violence. Soi-disant, le FN ne serait ni raciste ni ­xénophobe, mais son fonds de commerce, c’est de dire que les Arabes nous volent notre pain. C’est insupportable. » Et puis Caroline Fiat s’est imposée avec 61,36 % des voix au second tour, dans la 6e circonscription de Meurthe-et-Moselle.

Mardi, pour son premier jour à l’Assemblée, la députée promettait de se battre pour les politiques de santé publique. « Quatorze aides-soignantes se sont suicidées sur les douze derniers mois, et tout le monde s’en fout. Je ne sais pas comment écrire une loi, mais je sais déjà ce qu’il faut mettre dedans. Il nous faut plus de moyens, plus de personnel et plus de matériel. Il faut arrêter de faire des économies de bouts de chandelles quand on parle d’humain. Le patient est devenu un client, c’est une catastrophe. On va jusqu’où comme ça ? On débranche quand ça coûte trop cher ? » Celle qui s’est battue au quotidien contre la « maltraitance institutionnelle » dans les maisons de retraite, et dit avoir toujours travaillé comme elle l’entendait, « au risque de recevoir des courriers recommandés », a hâte d’en découdre dans l’Hémicycle. «  Aller vers les gens en permanence, comme un médecin de campagne  »

Et pourtant, devenir députée, ce n’était pas prévu. « Je ne l’ai jamais voulu, je ne me suis jamais dit : je veux faire ça et j’y arriverai. Ce n’était pas dans mon plan de vie. Après avoir été militante au PCF de mes 16 à 27 ans, je suis partie en 2003. J’ai fait une pause. Mais j’ai continué à aller à la Fête de l’Huma tous les ans ! Puis je suis revenue, j’ai adhéré à Ensemble ! et fait à fond la campagne de la France insoumise, convaincue par le projet. Je m’étais proposée comme suppléante pour les législatives, comme je sais qu’on a toujours besoin d’en trouver une… Les copains ont insisté pour que je sois titulaire, et me voilà ! Tout est allé très vite ! »

Née en 1977, elle a grandi entre Verdun et Sivry-la-Perche. Sous un plafond peint du Palais Bourbon, elle promet qu’elle ne ­deviendra pas une « professionnelle de la politique », et qu’elle ne sera pas « déconnectée ». « On va sans doute continuer avec la caravane sur le terrain, pour aller vers les gens en permanence, un peu comme un médecin de campagne. J’étais contente que l’on vote pour moi, je ne vais pas me cacher maintenant. » Quant à la question, pour rire, de savoir comment elle va s’occuper de ses quatre enfants (22 ans, 17 ans, 5 ans et 2 ans), Caroline Fiat répond : « Et pourquoi il n’y aurait pas une crèche publique et ­gratuite à l’Assemblée ? » Même que les parlementaires masculins eux aussi auraient le droit d’y amener leurs gosses.

Aurélien Soucheyre Journaliste, L’Humanité


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