Réchauffement climatique : le Groenland en flammes cet été 2017

lundi 4 septembre 2017.
 

La toundra brûle sans interruption à l’extrémité nord-occidentale du Groenland depuis fin juillet. Bien qu’il n’y ait pas de pertes humaines à déplorer, ce constat est préoccupant. Il met en lumière les causes et les conséquences de la hausse des températures.

Le même phénomène est en cours au Nord du Canada (Colombie britannique) avec un brasier gigantesque de 467000 hectares.

Quelles sont les interactions à l’œuvre entre l’incendie qui sévit depuis plusieurs semaines au Groenland et le changement climatique  ? Alors qu’un brasier ravage, depuis le 31 juillet, le Nord-Ouest du territoire autonome danois, les scientifiques s’interrogent toujours sur ses causes et ses conséquences. Certes, le phénomène n’est pas exceptionnel – même si le déclenchement d’un feu dans une zone arctique peut surprendre. Mais sa durée et surtout son étendue questionnent sur ce que cela raconte des bouleversements climatiques. «  Si ce n’est pas la première fois que des satellites observent des feux au Groenland, une analyse de Stef Lhermitte de l’université des technologies des Pays-Bas signale que ce phénomène est le plus fort observé depuis que les enregistrements ont débuté, en 2000  », explique la Nasa dans un communiqué. La police de la province touchée témoigne, elle, que «  le feu produit une fumée haute de plus de 2 kilomètres. Il se répand sur plusieurs centaines de kilomètres dans toutes les directions  ».

Avec 24,8 °C, un record de chaleur a été enregistré le 10 août au Groenland

La progression de l’incendie s’explique par la nature du sous-sol de l’île  : deux couches gelées, l’une en surface, qui fond en partie l’été, et l’autre plus profonde, le pergélisol (permafrost en anglais), qui, en temps normal, ne dégèle jamais. Entre ces deux étages, on trouve de la tourbe, combustible naturel. La pérennité du permafrost empêche habituellement l’infiltration des précipitations, lesquelles s’emmagasinent dans la tourbe. Or, avec le réchauffement climatique, il tend à fondre, et le sol absorbe mieux l’eau accumulée durant l’hiver. Dépourvue de cette eau, le combustible est plus susceptible de prendre feu.

«  Extrêmes  », selon l’Institut météorologique danois (BMI), les températures de ce mois de juillet n’ont pas arrangé les choses. Un surprenant record de chaleur a même été enregistré  : le 10 août, John Cappelen, climatologue du BMI, faisait état sur Twitter d’une température de 24,8 °C. La sécheresse induite par cette chaleur inhabituelle n’a fait qu’aggraver la situation. La municipalité de Qaasuitsup, province où l’incendie s’est déclaré, a d’ailleurs mis en place une interdiction de fumer, affirmant que «  beaucoup d’endroits sont très secs et que la moindre étincelle ou négligence liée au tabagisme peut allumer un incendie  ».

«  Il n’y a, selon moi, aucun doute que le climat est devenu plus sec depuis que je suis arrivé dans la région (au Groenland), en 1994  », certifie le météorologue danois Henning Gisselo. Les scientifiques restent toutefois mesurés quant à l’existence d’un lien direct entre la sécheresse de cet été et le réchauffement climatique.

En combustion, la tourbe émet une grande quantité de CO2

Sans exclure que ce lien puisse se confirmer, Gerhard Krinner, directeur de recherches au Centre national de recherches météorologiques, qui dépend du CNRS, rappelle qu’il peut tout bonnement s’agir d’une année plus chaude que les autres, comme cela arrive parfois. Mais ses doutes restent subtils. «  Il n’est pas incohérent que les feux de toundra deviennent à l’avenir plus fréquents au Groenland, si la hausse des températures et la fonte du permafrost se poursuivent.  » Reste à déterminer les effets d’un tel feu. Un incendie de cette ampleur, non loin de la calotte glacière, engendre des émissions de particules sombres. En retombant, elles recouvrent les surfaces gelées et empêchent la réverbération, ce qui accélère leur fonte. «  Les incendies émettent une forme de suie appelée carbone noir, constate en ce sens la Nasa. Il est probable que les vents transporteront une partie de cette matière à l’est, jusqu’à la couche de glace. Or, la neige et la glace sombres ont tendance à fondre plus rapidement que lorsqu’elles sont propres.  »

Seule nouvelle rassurante  : cette fonte de la calotte glaciaire ne créera pas de nouvelles zones au fort potentiel inflammable. «  Les espaces nouvellement privés de glace ne sont pas sujets aux incendies, car dépourvus de tourbe  », conclut Gerhard Krinner. D’autres conséquences sont plus inquiétantes. Très riche en carbone, la tourbe émet une grande quantité de CO2 dans l’atmosphère lorsqu’elle entre en combustion. Déjà très présent dans l’air, ce gaz à effet de serre contribue activement au réchauffement climatique.

Flore Bianchi, L’Humanité


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