Capitalisme et crise de civilisation

dimanche 11 février 2018.
 

Alors que le climat des affaires est au plus haut dans le monde et présente des dynamiques de plus en plus favorables, plus de 15 000 scientifiques de 187 pays lancent le deuxième avertissement solennel visant à changer radicalement notre mode de vie pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de notre biodiversité. La spéculation acharnée, la financiarisation à outrance, les partenariats privé-public qui conduisent nombre de collectivités publiques à la faillite, l’extermination des espèces animales, le déferlement de cyclones dévastateurs, etc., ne sont pas la cause, mais les symptômes d’une crise de civilisation.

L’irrationalisme des sujets de notre modernité est le reflet de l’irrationalisme du capitalisme, habité par une pulsion de mort dissimulée sous la richesse à crédit, quand les inégalités ne cessent de se creuser.

Forme tout à fait provisoire de l’humanité, le capitalisme dominé par les multinationales – les États aujourd’hui n’étant jamais que les supplétifs des multinationales – n’est jamais que le symptôme d’une rupture anthropologique qui produira des conséquences irréversibles dans la réalité concrète, ce qu’Adorno appelle une anthropologie régressive.

Un symptôme est comme un trou dans la pensée. C’est une souffrance qui attend d’être lue pour être interprétée. Les politiciens s’en font l’écho avec des mots, mais pas dans leurs actes.

Le problème tient au fait que les images mentales d’un capitalisme salvateur deviennent des êtres réels induisant des comportements hypnotiques. Les populations et leurs dirigeants partagent bien souvent les mêmes formes langagières, les mêmes images mentales, victimes d’impératifs inconscients, «  il faut créer des emplois  », quand les robots soignants envahissent les hôpitaux…

Les nouveaux maîtres procédant par affirmations non étayées ou contraires aux données disponibles, nous sommes en présence d’un château de sable totalement déconnecté des enjeux réels et mortels pour la société de demain, si nous ne sommes pas capables d’en prendre conscience pour modifier ces images.

Le capital n’est pas un groupe humain, ce n’est ni «  les 1 %  », ni «  les 99 %  », c’est un rapport social, ce qui signifie en clair que le travailleur exploité qui a enfin pu acheter une voiture à tempérament revendique son droit à polluer avec la même frénésie qu’un patron du CAC 40.

Freud avait une expression pour désigner ce phénomène, il appelait cela le «  principe de plaisir  ». Le réel, c’est autre chose, car avec lui, c’est l’échec des illusions qui revient toujours à la même place, ce qui, avec les saillies capitalistes, nous pend au nez comme un sifflet à deux sous.

Dominique-Jacques Roth

Psychanalyste et auteur


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