Démographie, alimentation, société de consommation. Comment construire un monde durable  ?

mercredi 8 août 2018.
 

par Pascal Lachaud, directeur du Groupement de l’alimentation et l’agriculture biologique des Hautes-Pyrénées

Rappel des faits. Avec les modes de production marchandisés, les enjeux écologiques et de développement humain surgissent sur la scène politique, économique et sociale.

Il serait vain, illusoire et déplacé de plagier ici les tenants de l’ordre moral, économique et financier, à savoir les multinationales et notamment celles de l’agroalimentaire qui nous prouvent à longueur de scandales alimentaires qu’elles savent bien gérer une seule chose : le portefeuille de leurs actionnaires ! Effectivement les seules conquêtes qu’elles peuvent afficher depuis un demi-siècle sont celles de la luxure et de l’excentricité dans lesquels elles se vautrent. L’Etat n’ayant de mots aussi durs à leur égard que d’inaction effective, car qui pourrait être ainsi juge et partie, définir en cogestion avec les dominants et le mouvement patronal ad hoc dont la FNSEA et ses ramifications et laisser feindre une quelconque préoccupation des citoyens ? Aucun doute le vers et bien dans le fruit et il convient non pas de détruire le vers mais bien de changer le fruit. Des médecins malgré lui se penchent au chevet non pas des citoyens qui regorgent de maux tels que les problématiques de santé les plus diverses dues aux joies de la consommation de pesticides et autres (cids) sans aucune retenue. Des pollutions des nappes phréatiques et des rivières, diantre, diluons l’eau des montagnes avec celles des plaines ainsi les taux de nitrates pourront espérer baisser. Le climat se réchauffe, mais non vous n’avez pas écouté le professeur folamour Trumpy qui déclare qu’il gèle aux USA. Vous pouvez alors proposer de l’agriculture de proximité avec du bétail nourrit au soja Brésilien dans les Pyrénées !! Ceci exonère complètement la traçabilité pour servir demain du poulet à la dioxine made in Occitanie. Indéfendable, leur cause est divinement diabolique pour qu’elle n’agrée plus que ceux qui sont payés pour remplir leurs amphithéâtres de l’absurde.

Il faut redessiner des paysages alimentaires. Nous sommes bien au XXIe siècle et souhaitons continuer à deviner ce qui peut nous faire frémir au fond d’une marmite, respirer un aïoli à plein poumon, humer l’iode d’une bourriche, se délecter d’un pâté de champignons et dévorer un poireau jaune du Poitou. En fait définir nous-même en posant des mots sur des sens ce que nous voulons comme alimentation de plaisir et d’utopie, de partage et d’émotion. Nous n’avons nullement besoin de nous faire dédicacer quoi que ce soit par les grands toqués ni de déjeuner dans des palais à 300 euros le repas parce que nous savons et revendiquons une alimentation réalisée à partir d’une cuisine de paysages, de terres et d’humus. En fait avant d’écrire il faut apprendre à lire alors que pour manger, il n’y a lieu d’aucun apprentissage formel. C’est bien là que le bas blesse puisque sans éducation à l’alimentation et aux goûts, point de seuil de perception et encore moins de seuil de reconnaissance. Comment courir quand je ne sais pas marcher ? L’histoire de l’alimentation n’est pas liée qu’à la recherche de la sécurité sanitaire dans laquelle on voudrait inexorablement nous plonger mais bien dans la transmission des gouts, odeurs, savoirs faire, culture des mets et des mots, des vins et des fruits des cuissons et assaisonnements qui nous viennent des pères de nos mères et ainsi de suite. La rhétorique de Minvièle, « Ainsi va la vie là » n’a de sens que parce qu’il la slam en Gascon donc avec un accent du sud-ouest.

Que vaut le foie gras mi-cuit consommé à Abou Dhabi ? Rien de plus que le Bisap du Diep parfumant une tisane. Reconnaitre l’histoire des aliments liée profondément à l’histoire des hommes et aux lieux est un premier signifiant dans l’approche culturelle nécessaire à reconquérir. C’est bien pour cela que les multinationales de l’agroalimentaire et les Eric Seu de l’information ont effacés l’histoire de l’alimentation pour occulter les palais, annihiler les sens et le plaisir de manger ensemble. Cela marche bien visiblement puisque le marché du Fast-food représente 75 milliards d’euros dans notre pays. L’heure n’est plus à la résistance mais à la construction de Maisons interculturelles et intergénérationnelles de l’alimentation et des mangeurs (MIIAM). Bâtissons des MIIAM comme nos anciens on construits des écoles….. Épluchons, taillons, cuisons, mijotons, dégustons, des produits frais, bons, Bio, de saison de proximité et échangeons nos goûts, nos couleurs les odeurs et parfums et tours de main. La vocation de ces lieux demeurerait la reconquête de l’autonomie d’action et de décision, l’exigence de la meilleure qualité pour tous !!

Aucune force politique et syndicale n’est en mesure de définir une démarche de cohérence entre des discours théoriques versés au sceau de la bienséance et de la préoccupation légitime et les actes collectifs de renoncements. « Devenir praticien du sens et des sens exige de rompre avec le modèle culturel imposé ». Proposer la sociale en 2018 est un acte hautement révolutionnaire si et seulement si cela commence par le banquet des jours heureux et non par celui de Sodexho ou de Casino. La sécurité sociale de l’alimentation ne se décrète pas au bord d’un programme électoral comme la stupidité de clamer de manière péremptoire les cantines 100% Bio sans en décliner le contenu, l’échéancier et les conditions d’accès socialement atteignables pour tous. Cela implique bien sur la redéfinition du contenu des assiettes source de plaisir et le contenu des métiers de la restauration collective sociale. Pour faire vraiment dans le nécessaire et l’indispensable, c’est aussi définir la démocratie alimentaire sociale (1) afin que chaque citoyen puisse consommer sur son lieu de travail, dans son village ou son quartier un repas sain, vivifiant, équilibré gouteux à la place des trucs juste bons à ingérer !

Que l’on ne nous abêtisse pas avec la gouvernance qui est un principe ecclésiastique de confiscation du pouvoir des classes laborieuses mais que l’on dessine bien sur la feuille blanche le droit fondamental pour un peuple de gérer son destin alimentaire en le déconnectant du marché. « L’alimentation n’est pas une marchandise » est resté dans les tiroirs de Bruxelles et des compromissions. Il convient donc effectivement d’user du Droit social à s’alimenter sainement pour utiliser le fruit des spoliations qui dorment dans les coffres forts des Coopératives, des multinationales de l’agroalimentaires, des Exploitations de plusieurs centaines d’hectares et des banques (Crédit agricole ) en tête. Pacifier les rapports autour et dans l’assiette ne sera qu’à ce prix. Il n’est qu’à voir la haine des tenants de l’ordre pour récupérer les terres cultivés par les résistants de Notre-Dame-des-Landes.

L’article 1 du code rural a été modifié et intègre bien la responsabilité environnementale mais en aucun cas la responsabilité sociale car la propriété individuelle demeure le crédo qui nourrit l’accumulation, l’égoïsme et la misère. Reprendre possession de la terre en la prêtant à ceux qui la travaillent pour qu’ils produisent des aliments forts gouteux en respectant les ressources naturelles, la biodiversité sauvage et cultivée, les arbres et les haies. Redéfinir la fonction paysagère de l’alimentation passe en sus d’un changement de paradigme culturel par une autre répartition des richesses et des moyens de production. Cela n’a de sens que si la force de travail est rémunérée à la hauteur des services paysagers et culturels des producteurs paysans et de ceux qui travaillent à la satisfaction de notre alimentation.

Travailler collectivement sur les savoirs faire paysans et ouvriers implique de dépasser le verbiage usé de la ruralité qui n’est plus que celui du folklore et du dénuement. A l’aune d’une énième réforme de la PAC, il convient de penser comme Saint-Exupéry à un dessin de rêve qui peut devenir réalité pour une Politique de l’alimentation et des biens communs.


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