Extrême droite, racisme et pédophilie (Afrique du Sud)

samedi 8 septembre 2018.
 

Afrique du Sud. L’auteur d’une enquête sur un réseau pédophile sous l’apartheid retrouvé mort

La presse sud-africaine est en émoi après la disparition d’un ex-policier, coauteur d’une enquête, qui venait d’être publiée, sur un réseau pédophile mis en place par de hauts dignitaires du régime de l’apartheid. Dans les années 1980, des garçons auraient été emmenés sur une île pour servir d’esclaves sexuels.

La mort de Mark Minnie, 58 ans, a causé la stupéfaction en Afrique du Sud. Sa dépouille a été retrouvée lundi 13 août au soir, à proximité de la ferme d’un de ses amis. La police sud-africaine a confirmé qu’une lettre d’adieu et une arme à feu avaient été retrouvées près du corps qui portait une blessure par balle à la tête.

Mais si les autorités ont rapidement écarté la piste criminelle, les proches de Mark Minnie sont persuadés du contraire. Il faut dire que “ces événements font écho au livre The Lost Boys of Bird Island (“Les garçons perdus de Bird Island”, non traduit en français), que Mark Minnie a coécrit et qui venait d’être publié” le 5 août, souligne le site d’informations sud-africain Daily Maverick.

L’ex-numéro deux du régime de l’apartheid mis en cause

Dans ce livre coécrit avec la journaliste sud-africaine Chris Steyn, l’ancien policier raconte comment il a “découvert que des ministres du gouvernement de l’apartheid [système ségrégationniste imposé par la minorité blanche en Afrique du Sud, de 1948 à 1991] ont organisé l’exploitation sexuelle de jeunes garçons”, détaille le journal. “Les garçons étaient emmenés par hélicoptère militaire sur l’île de Bird Island, près de la ville de Port Elizabeth”, où ils servaient d’esclaves sexuels. “Le livre raconte aussi comment cette affaire a finalement été étouffée par le pouvoir.”

The Lost Boys of Bird Island met en cause un homme d’affaires et quatre ministres en poste sous l’apartheid, dont l’ex-ministre de la Défense Magnus Malan (1980-1991), alors numéro deux du régime. “Il ressort du livre que certains garçons maltraités ont été payés pour leur silence”, note l’hebdomadaire sud-africain Mail & Guardian.

Le journaliste craignait pour sa vie

À la fin de leur enquête, Mark Minnie et Chris Steyn appellent justement les victimes à se faire connaître et à prendre contact avec eux. La police a ouvert une enquête après la publication de cet ouvrage, mais les responsables supposés de ces crimes sont pour la plupart décédés.

“Il y a sept ans, Malan a terminé paisiblement ses jours dans un quartier huppé de Pretoria […], lavé de tout soupçon”, relate le Daily Maverick. Quant à l’homme d’affaires David Allen et à l’ancien ministre de l’Environnement John Wiley, également mis en cause, ils se seraient tous les deux suicidés. “Les deux sont morts par balle. Mais de nombreuses questions, restées sans réponse, entourent leur décès”, souligne Maygene de Wee, dans un article publié sur le site de News24.

Cette journaliste, qui a passé une journée avec Mark Minnie trois jours avant son décès, raconte son choc en apprenant sa mort.

Il avait mentionné qu’il craignait pour sa vie […] il disait que certaines personnes sur les réseaux sociaux essayaient de savoir où il se trouvait.”

“L’orgie de violence quotidienne qui régit notre société”

Au-delà des soupçons qui pèsent désormais sur la disparition de Mark Minnie, c’est la portée de cette histoire sordide qui a bouleversé l’Afrique du Sud. Ce livre “documente l’orgie de violence quotidienne qui régit notre société. Cette violence a été intégrée dans les structures sociales et politiques des États coloniaux, et dans celles de l’apartheid”, écrit le célèbre éditorialiste sud-africain Eusebius MacKaiser dans les colonnes du Mail& Guardian.

Dans son ouvrage, Mark Minnie raconte avoir été lui-même la victime d’un viol. Ses agresseurs étaient de jeunes voisins, des jumeaux, qui lui reprochaient d’avoir embrassé leur sœur. “Ce viol est la raison pour laquelle il a commencé à enquêter sur ce réseau pédophile il y a plus de trente ans”, rappelle la journaliste Maygene de Wee.

Pour Eusebius McKaiser, il ne s’agit pas d’un acte isolé, mais d’un symptôme de la violence d’un système “infernal”.

Malan et ses amis n’étaient pas forcément des déviants sexuels. C’était des hommes puissants et nuisibles, qui avaient à disposition un éventail de moyens pour blesser les corps noirs.”

Cette “genèse” de la violence “a perduré dans l’espace et le temps”, estime-t-il, persuadé que “peu de choses ont changé pour les enfants de la société sud-africaine”.

Liza Fabbian


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