Les Le Pen au secours du système contre les salariés

samedi 25 mai 2013.
 

« L’Express » et les autres journaux qui ont travaillé dur à dédiaboliser le FN et à me diaboliser, jouent une carte de propagande permanente sur le thème auto-réalisateur selon lequel La Famille Le Pen serait la nouvelle représentation des travailleurs. Des travailleurs en général. Pas de ceux de droite seulement. Au contraire, il est toujours lourdement affirmé que ce sont des travailleurs de gauche qui sont les plus attirés. J’ai même entendu un de ces passe-plats du FN en costume de médiacrâte dire qu’il « n’y a plus que le Front National pour défendre les ouvriers ». Impossible de les empêcher de faire leur travail de bourreur de crâne. Mais il est alors d’autant plus utile d’en revenir aux faits. Le débat et le vote de la loi d’amnistie et de la proposition de loi contre les licenciements boursiers est une épreuve de vérité. Le système officialiste, quand il s’agit des intérêts de la finance, fait bloc dans une union nationale très étroite. PS, UMP et FN ont, la main dans la main, repoussé toutes nos propositions avec des arguments tellement convergents ! Au point que le porte-parole de l’UMP a pu dire de monsieur Urvoas, le président solférinien de la commission des lois, qu’il a tellement bien fait le travail contre l’amnistie qu’il aurait pu aussi défendre le texte de l’UMP sur la question. Quand le caniche solférinien a lu ça, il a dû couiner de plaisir ! Mais la place particulière du FN dans cette affaire doit être bien connue elle aussi pour que soit bien compris comment le rôle traditionnel de chien de garde de la finance est assumé tranquillement par cette organisation.

Les débats parlementaires sur l’amnistie et l’interdiction des licenciements boursiers apportent une bonne démonstration de cette permanence de l’histoire de l’extrême-droite. Marion Maréchal Le Pen a déposé douze amendements sur ces deux textes. Tous expriment crûment sa haine de classe pour les salariés en général et les syndicalistes en particulier. Et chacun vise à protéger le patronat et sa toute-puissance dans l’entreprise. La nièce Le Pen s’est violemment opposée à l’amnistie pour les syndicalistes. Elle a bien évidemment déposé un amendement de suppression de l’article d’amnistie. C’est une posture de classe, directement inspirée du patronat et de la droite réactionnaire. La preuve ? N’allez pas croire que Marion Le Pen soit opposée "par principe" à l’amnistie comme un solférinien. En effet, elle a proposé un amendement qui visait à amnistier les groupuscules d’extrême-droite et intégristes auteurs de violences au cours des manifestations contre le mariage pour tous. Et sa tante, Marine Le Pen, proposait lors de la présidentielle une amnistie pour les coupables d’excès de vitesse de 20 km/heure. Mais lorsqu’il s’agit des syndicalistes et des salariés en lutte, le FN reprend place du côté de ceux qui cognent. La nièce Le Pen a ainsi dénoncé "un texte scandaleux et anachronique proposé par l’extrême gauche", "une mesure clientéliste qui va inciter les syndicalistes casseurs et violents à récidiver". Enfin, elle a dressé un parallèle révélateur de sa mentalité d’héritière des « camelot du Roi » parlant « d’une loi faite pour quelques citoyens comme à l’époque des lois contre les descendants de la monarchie". Comme si les infâmes sanctions contre des salariés qui défendent leur emploi pouvaient être comparées aux justes précautions prises contre les traitres à la patrie d’Ancien Régime. Chez Le Pen, on sait où sont ses ennemis. Juste dans le camp inverse du notre. Un des amendements de la nièce voulait moquer la lutte de ces salariés poursuivis. Elle proposait que l’amnistie ne s’applique qu’aux salariés "à jour de leur cotisation, soit au Parti Communiste Français, soit à la Confédération Générale du Travail, soit à Solidaires Unitaires Démocratiques – SUD". Zut ils nous ont oublié et nous réclamons l’honneur de leur dégoût. C’est sûr que ce n’est pas au Front National qu’on trouverait des militants dévoués pour les autres, des travailleurs en lutte pour leur emploi. Juste des pîtres qui jouent du bras tendu. Sa liste est l’hommage du vice à la vertu.

Dans le détail, tous les amendements Le Pen visaient à vider notre proposition de loi de sa substance. Notre texte interdisait les licenciements économiques et suppressions d’emplois dans les entreprises ayant "constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positifs au cours des deux derniers exercices comptables" ou ayant "au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stocks options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions". La nièce Le Pen proposait de supprimer le versement de dividendes de cette liste. Cela revenait donc à continuer à autoriser les licenciements économiques dans les entreprises versant des dividendes. C’est-à-dire à rien de moins qu’accepter les licenciements boursiers. Le FN vote pour les licenciements boursiers, répétez-le aux nigauds qui croient que cette fantoche va les défendre !

L’argument de Le Pen est une preuve de son lien hypocrite avec la grande finance mondialisée. En effet, elle motive son amendement de la façon suivante : "La distribution de dividendes n’est aucunement le fait des seules grandes entreprises cotées en bourse. Toutes les entreprises sont concernées, en particulier les nombreuses PME ayant été transmises ou rachetées par un mécanisme de LBO. Dans ce schéma, le versement et la remontée des dividendes est une condition de la viabilité du montage, en finançant le rachat de la cible par la holding qui a contracté l’emprunt". Vous avez bien vu, la famille Le Pen défend les opérations en LBO. Ces opérations qui ne sont que des attaques des vautours de la finance mondiale. Elles consistent à racheter des entreprises par emprunt, puis à faire rembourser l’emprunt en pompant la trésorerie de l’entreprise rachetée. Et à s’en débarrasser sitôt la rentabilité exigée atteinte. Nous défendons l’interdiction des licenciements boursiers, la nièce Le Pen défend les montages des vampires financiers mondialisés ! Voilà une fois au pied du mur ce qu’il reste des boniments des Le Pen contre la « mondialisation ».

Tous les autres amendements Le Pen sont dans la même veine. Un proposait de limiter l’interdiction des licenciements boursiers aux seules entreprises cotées en bourse. Un autre visait à supprimer notre interdiction des suppressions d’emploi qui s’opèrent sous d’autre forme que des licenciements. Ainsi, cet amendement Le Pen permettait les « plans de départs volontaires » et autres sornettes de ce genre qui voient Sanofi ou Renault se débarrasser de milliers de salariés sans licenciements. Un troisième amendement Le Pen visait à réduire l’application de notre proposition de loi aux seules entreprises alors que notre texte élargissait les interdictions aux "groupes". On a vu, par exemple dans le cas de Sodimedical, combien les groupes jouent avec les trésoreries de leurs filiales pour masquer leur responsabilité et contourner la loi.

Enfin, le dernier amendement Le Pen supprimait l’article 7 de notre proposition de loi. De quoi s’agit-il ? Nous avions proposé de supprimer le mécanisme de la rupture conventionnelle. Ce dispositif a été créé par la loi dite de "modernisation du marché du travail" votée en 2008 par l’UMP. C’est un mécanisme qui permet à un employeur de se débarrasser d’un salarié sans le licencier en faisant pression sur lui pour qu’il accepte un accord de gré à gré. Les abus sont légions de salariés qui n’ont d’autre choix que de céder. Et ce mécanisme est bien sûr bien moins protecteur pour un salarié qu’un licenciement. Environ 900 000 ruptures de CDI ont été actées en cinq ans avec ce dispositif. Oui, c’est le bon chiffre ! Près d’un million de licenciements ont été infligés de cette façon. C’est aujourd’hui une machine à créer des chômeurs et à supprimer des emplois en catimini. La rupture conventionnelle doit être supprimée. En la défendant, la nièce Le Pen s’est ralliée à la politique de Sarkozy. Et bien-sûr, à celle du MEDEF.

Au final, l’union nationale PS-UMP-FN a rejeté l’amnistie sociale et l’interdiction des licenciements boursiers. Seuls les députés EELV ont voté avec nous sur ces deux textes. Sur l’amnistie, les socialistes ont jeté aux oubliettes notre proposition de loi grâce à la procédure du "renvoi en commission". L’UMP n’a pas eu de mots assez durs contre cette loi. le député UMP Bernard Accoyer parlant d’un texte "inacceptable" : "Il serait inadmissible qu’une minorité de syndicalistes violents soient amnistiés" a-t-il dit. Marion Le Pen n’a pas dit autre chose comme je l’ai montré. La magouille procédurale du PS aura juste permis à l’UMP et au FN de ne pas avoir à voter contre l’amnistie puisque le vote ne portait pas sur le texte mais sur le renvoi en commission. Le tout enrobé d’un discours grandiloquent sur les mérites des syndicalistes et de leurs luttes. Au total cela donne la nausée. Tant d’hypocrisie, tant de roublardises, tant de ruses si pitoyables. Dehors les camarades écoutent sous une petite pluie agaçante les discours des porte-parole syndicalistes : « Nous ne sommes pas des voyous » « nous ne détruisons pas ! Ce sont nos employeurs qui nous détruisent et détruisent nos entreprises ». J’ai le cœur serré en pensant à ce que je viens d’entendre depuis les tribunes qui surplombent l’hémicycle. Ces caricatures haineuses que viennent de débiter les réactionnaires de toute les variétés contre les syndicalistes. Cette compétition répugnante entre solfériniens et UMP pour flétrir et criminaliser la lutte sociale. Je suis sorti plus tôt que prévu car j’asphyxiais. Un député de droite, qui aurait eu bien tort de se gêner se moquera du groupe PS en lui apprenant qu’il venait de délibérer « sous la surveillance de monsieur Mélenchon ».

Dehors je retrouve Martine Billard, qui m’y avait précédé, après avoir passé la matinée dans la tribune parlementaire. Elle est aussi secouée que moi. Elle va et vient dans les rangs. Les gens lui parlent. Les uns les autres exposent des cas de répression disproportionnée. Mais tout le monde est grave. On se congratule avec gravité, on se dit merci les uns aux autres. Tout d’un coup je me dis qu’on est ici comme à un enterrement. Oui, quelque chose est mort ce matin c’est certain. J’ai du mal à nommer ce dont il s’agit. Comme un lien qui nous reliait à d’autres et dont on sait qu’elle vient de se déchirer sans doute pour toujours. Il n’y aura ni nom ni visage pour incarner cette forfaiture morale totale. L’amnistie sociale c’était le minimum de ce qui pouvait être fait en retour de dix ans de luttes et de résistance sociale durement criminalisée par les gouvernements de droite. L’indignité sera menée jusqu’à son terme quand le soir même le président de la République mettra un signe égal entre les casseurs des Champs-Elysées et les militants syndicalistes condamnés.

Mais dans l’hémicycle, il fallait encore subir la suite des avanies à propos de notre proposition de loi contre les licenciements boursiers. La même alliance décomplexée du PS de l’UMP et du FN s’est reconstituée. Le PS a rejeté notre texte en disant qu’il luttait déjà contre les licenciements. Provocation grossière d’autant plus choquante que leur politique est responsable de la récession qui nous donne le record de chômeurs dans notre pays. Le député UMP Lionel Tardy a dénoncé un texte qui "qui rigidifie l’emploi". Yannick Favenec, député de l’UDI de Jean-Louis Borloo, a accusé notre proposition "d’empirer les choses" en portant atteinte à la sacro-sainte liberté du capital. Marion Le Pen a repris le même raisonnement que la droite en dénonçant l’interdiction des licenciements boursiers comme "excessive et contre-productive".

L’emploi du temps prévoyait une autre corvée : écouter François Hollande. J’y reviendrai plus en détail si le sujet a encore une quelconque actualité lundi et la semaine prochaine. On n’attendait pas grand chose de ce discours. Mais on ne s’attendait surtout pas à trouver ce qu’il disait aussi affligeant. Les quatre axes de politique économique revendiquée avec des mouvements de menton sont de conception totalement libérale. S’est-il rendu compte du point où il est lui-même rendu quand il se vante d’être meilleur que ne l’a été Nicolas Sarkozy pour ce qui est de la baisse des dépenses publiques et de la démolition du droit du travail ? Comment peut-il être à ce point déjà si coupé de tout ce que son parti et ses camarades ont psalmodié pendant des années. Tout le reste du propos a été à l’avenant. J’ai dit que j’en traiterai plus tard. Mais quand même les retraites officiellement remises en cause et les privatisations revendiquées en conclusion d’une telle première journée de l’An II de l’ère Solférinienne c’était vraiment très rude à subir. Tel est le moment politique de ce côté-là.


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