Bonne et eurrose année pour les actionnaires du CAC 40 : ils ont empoché 57,8 milliards d’euros de dividendes.

jeudi 17 janvier 2019.
 

Bonne et eurrose année pour les actionnaires du CAC 40 : ils ont empoché 57,8 milliards d’euros de dividendes.

Les profits du CAC 40 ont augmenté de 18 % et les dividendes versés de 12 % en un an. Pendant le même temps, le salaire net moyen a augmenté de 1,2 % soit 10 fois moins vite !

CAC 40 : au bonheur du capital

source : Mediapart 9 janvier 2019| Par Martine Orange https://www.mediapart.fr/journal/ec...

(Pour consulter les tableaux statistiques, voir le site.)

En 2018, les groupes du CAC 40 ont versé 57,8 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit la moitié de leurs profits. Ces sommes ne se retrouvent pas dans le financement de l’économie, malgré ce qu’avait assuré le gouvernement lors de sa réforme sur le capital.

Article en PDFCela devait tout changer. Lorsque le gouvernement français avait présenté à l’été 2017 sa réforme de la fiscalité sur le capital, la suppression de l’ISF (impôt sur la fortune), l’instauration de la « flat tax » sur les revenus du capital, il avait justifié toutes ces mesures au nom du financement de l’économie. La libération du capital devait permettre de relancer la machine économique, les investissements, l’innovation, les emplois. Au terme d’un an de mise en œuvre de ces réformes, les premiers chiffres commencent à tomber. Comme l’avait dit le gouvernement, cela ruisselle, cela ruisselle même abondamment. Mais pour une seule catégorie : les détenteurs de capitaux. En 2018, les groupes du CAC 40 ont décidé de distribuer la somme record de 57,9 milliards d’euros à leurs actionnaires, selon l’étude annuelle de la revue financière Vernimmen publiée par Les Échos. 3 Il faut remonter à l’année 2007 pour retrouver de tels sommets.

« Les géants du CAC 40 ont enfin tourné la page de la crise financière », se réjouit le journal Les Échos. Et c’est bien comme cela que les grands groupes justifient les rémunérations toujours plus élevées versées aux actionnaires. Il faut savoir récompenser les valeureux détenteurs de capitaux, preneurs de risque. Alors que leurs bénéfices en net ont progressé en moyenne de 18 % en 2017, il était normal, selon eux, d’associer leurs actionnaires à ces résultats : les rémunérations versées aux actionnaires ont augmenté de 12 % sur un an. Pas un des groupes du CAC 40 n’a manqué à l’appel de la distribution à leurs actionnaires. Tous ont versé des dividendes, atteignant parfois des niveaux records : 10,8 milliards d’euros pour Total, 4,8 milliards pour Sanofi, 3,8 milliards pour BNP Paribas, 1,8 milliard pour Société générale, qui malgré une chute de près de 30 % de son résultat net a tenu à maintenir son niveau passé de distribution. Car, bien que sous-capitalisées comme le prouvent les tests de résistance de la Banque centrale européenne, les banques françaises préfèrent distribuer largement leurs réserves à leurs actionnaires, persuadées que ceux-ci ne manqueront pas de répondre à leur appel, si elles se retrouvent un jour en difficulté. La démonstration de cette croyance au moment de la crise financière de 2008 n’a pas été patente.

Trois groupes seulement ont réduit leur distribution en 2017 : Carrefour, Engie et TechnipFMC. Mais ils n’y ont pas renoncé, malgré leurs difficultés. Alors que Carrefour, en perte, a lancé un plan de départ de 2 300 personnes en 2018, le groupe de distribution a tenu à continuer de rémunérer ses actionnaires. Une partie d’entre eux ont choisi d’être payés sous forme de dividende en actions mais 157 millions ont tout de même été distribués aux actionnaires. Dans le même temps, Carrefour a touché plus de 300 millions d’euros au titre du CICE.

De même Engie, en plein brouillard stratégique, a peut-être réduit son dividende de 10 %, mais le groupe poursuit sa politique généreuse à l’égard de ses actionnaires lancée depuis la privatisation de GDF : année après année, il distribue plus que ses bénéfices et se décapitalise. Quant à TechnipFMC, la fusion se révèle aussi calamiteuse qu’annoncé. Le groupe a vu son résultat fondre de 33 % en un an, mais a souhaité quand même maintenir un dividende. Quant à son dirigeant, Doug Pferdehirt, il est un des mieux payés du CAC 40 : il a touché 11 millions d’euros en 2017.

CICE : une évaluation biaisée Par Romaric Godin

Tous ces chiffres et exemples illustrent le décalage qui s’est instauré entre les multinationales, le monde financier et l’économie réelle. Car au moment où les résultats nets du CAC 40 augmentent en moyenne de 18 %, la croissance en France a été de 2,4 %, la croissance mondiale de 3,7 %.

La rémunération du capital suit le même chemin. Dans une époque où le taux de l’argent est à zéro, les actionnaires parviennent à dégager des rendements de 4 à plus de 10 %. En comparaison, le salaire réel net moyen a progressé de 1,2 % la même année en France, donnant à voir une nouvelle fois le creusement incessant des inégalités.

Comme si cette situation n’était pas assez critique, les grands groupes, qui bénéficient déjà d’une fiscalité très allégée grâce à leur implantation mondiale et l’optimisation fiscale – le taux moyen réel de l’impôt sur les sociétés est de 14 % pour le CAC 40 –, ont contesté la surtaxe de 3 % sur les bénéfices redistribués instaurée à partir de 2015. Le Conseil constitutionnel, plaçant désormais sa doctrine sur la liberté d’entreprendre par-dessus tout le reste, s’est empressé de leur donner raison et a déclaré cette surtaxe « inconstitutionnelle ». 3 L’État a fait diligence pour rembourser les acomptes perçus qui ont naturellement été redistribués aux vaillants actionnaires.


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