Les fossoyeurs du journalisme en action le 1er mai 2019

mardi 20 juillet 2021.
 

Les fossoyeurs du journalisme en action le 1er mai 2019 À force de servilité envers le pouvoir et à force de piétinement de la Chartres de Munich sur la déontologie de la profession de journaliste un nombre important de « journalistes » et d’éditorialistes des grands médias sont en train de détruire leur profession don ils font perdre le sens et la crédibilité.

Lors de la manifestation du 1er mai 2019, le ministre de l’intérieur relayé par les grands médias a prétendu que l’hôpital la Pitié-Salpêtrière avait été attaquée par des manifestants. Il s’est ensuite rétracté. Mais évidemment, les grands médias n’ont pas déployé la même énergie pour remettre en cause « l’information » qu’ils avaient véhiculée précédemment.

Rappelons que le site avait rendu compte de la manipulation.

Non, la pitié Salpêtrière n’a pas été attaquée le 1er mai. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Intrusion dans un hôpital : démontage d’une intoxique. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Ce qui est inquiétant dans ce comportement médiatique c’est :

-  l’absence de vérification de l’information

-  le suivisme sans la moindre critique d’une annonce gouvernementale

-  le caractère massif de ce comportement propagateur de fausses nouvelles

-  le comportement moutonnier de ces journalistes mais le site de l’association Acrimed va plus loin : il analyse plus en détail comment différents « journalistes » ont non seulement relayé servilement les propos du ministre de l’intérieur mais ont brodé, fantasmé, éructé à propos de cette soi-disant attaque.

On peut être en effet stupéfait d’un tel niveau de manque de vérification de l’information et de l’abondante construction fantasmatique et verbeuse concernant cet intrusion supposée préméditée et destructrice. Mais au-delà de la servilité ou d’un aveuglement idéologique, quelle énergie peut donc animer le verbe et la plume de tels « journalistes » ? Difficile de ne pas envisager ici la haine de classe. On peut retrouver ici la notion de « classes dangereuses » d’ Henri Frégier (chef de bureau à la préfecture de la Seine), auteur de cette expression dans son livre écrit en 1840.

En fait, on peut trouver ici une excellente illustration concrète de mon article sur les médias en tant qu’appareil idéologique de combat. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Cet excellent article d’Acrimed montre comment ces « journalistes » piétinent une véritable information fondée sur la réalité et non pas des fantasmes, et ce, en contradiction avec la Chartres de déontologie des journalistes de Munich.

On a un exemple ici de ce que j’appelle agent de l’action idéologique médiatique (AAIM) qui ne sont journalistes que de nom et par convention sociale. Et qui sont ici des soldats.

Voici donc l’article d’Acrimed.

Hôpital Pitié-Salpêtrière : désinformation générale et mensonges médiatiques par Frédéric Lemaire, Maxime Friot, Pauline Perrenot, jeudi 2 mai 2019

Source : Acrimed https://www.acrimed.org/Hopital-Pit...

Voir sur le site les photos et textes de tweet accompagnant l’article.

Les médias audiovisuels ont piétiné l’information. Une fois de plus. Les événements survenus à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, en fin de manifestation du 1er mai, ont débouché sur un vaste épisode de désinformation relayé par de nombreuses télévisions et radios. Un épisode qui témoigne de la précipitation des journalistes, y compris de certains journalistes de terrain, de l’absence totale de vérification et de recoupement des sources, de la reprise en boucle de la communication gouvernementale et de la hiérarchie hospitalière, de la marginalisation de témoignages contradictoires, et enfin, d’un mensonge délibéré.

Au soir du 1er mai, BFM-TV est en boucle sur la Pitié-Salpêtrière en affirmant sans recul ni nuance, bandeau après bandeau, que l’hôpital a été « pris pour cible » par des manifestants. Cette information, qui s’avérera erronée, s’appuie sur la parole surmédiatisée des autorités. À commencer par Christophe Castaner et Agnès Buzyn. Dans la soirée, les deux ministres sont univoques sur Twitter :

dans la suite de Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP : (voir le tweet sur le site)

Le soir même, de nombreux témoignages sous forme écrite ou en images remettent pourtant en cause la version des autorités, comme ceux relayés par le journaliste David Dufresne et par la photographe ValK.

Le lendemain, le service Checknews de Libération et les Décodeurs du Monde publient deux articles qui achèvent de discréditer un peu plus la version officielle d’une « attaque » de l’hôpital par des manifestants. Ces derniers auraient, en réalité, cherché un refuge suite à des charges policières et au gazage de la manifestation.

Les témoignages des manifestants disponibles le jour même auraient dû inviter les journalistes à la plus grande prudence. Mais les chaînes de télévision et de radio n’ont pas attendu pour s’emballer, et apporter leur contributions à un vaste épisode de désinformation.

Dans la soirée, BFM-TV est en boucle :

Sans tarder et sans le moindre recul, certains journalistes n’hésitent pas à emboîter le pas de la communication gouvernementale sur Twitter. C’est le cas par exemple de Thierry Arnaud, éditorialiste de BFM-TV, et de Fabienne Sintès, du 18/20 de France Inter :

Le lendemain matin, dans sa revue de presse sur France Inter, Frédéric Pommier s’en donne à coeur joie :

Sur le Huffington Post, retour sur l’un des incidents : ces dizaines de manifestants qui ont fait irruption dans les locaux de la Pitié-Salpêtrière… Des individus « violents menaçants », selon les mots de la directrice de l’hôpital… Là encore, on serait tenté d’employer le mot « crétins ».

Et comment qualifier une telle leçon de journalisme ? Sur Twitter et sur son site web, la radio publique s’illustre également en accompagnant l’article reprenant les termes de la directrice de l’hôpital d’une photo… prise devant le commissariat du 13e arrondissement [1] :

Une grossière manipulation à laquelle France Info s’est également livrée, et qui a été pointée par Checknews. La chaîne d’info publique recevait d’ailleurs le matin même… Martin Hirsch, en titrant sans aucune distance : « L’hôpital de la Pitié-Salpêtrière pris pour cible ».

Dans la matinale d’Europe 1, Audrey-Crespo Mara accueille quant à elle Agnès Buzyn. La journaliste rappelle que « c’est dans cet hôpital qu’un capitaine de compagnie de CRS venait d’être admis en urgence relative après avoir reçu un pavé dans le visage ». Si elle mentionne que les versions divergent et que « des manifestants disent qu’ils cherchaient à se réfugier après une charge des forces de l’ordre », Audrey Crespo-Mara tient pour acquise la version d’une intrusion violente et pratique le journalisme d’insinuation : « Savez-vous ou pas si c’est lié à l’admission de ce capitaine d’une compagnie de CRS ? »

CNews est à l’unisson. Marie Aubazac revient sur la garde à vue des manifestants en se posant une question grave : « pourquoi [ces personnes] sont entrées dans cet hôpital ? »... et en y répondant sous forme de deux questions subsidiaires :

Est-ce qu’elles voulaient s’en prendre à un établissement public ? Ou est-ce que c’est parce qu’un CRS qui a été blessé à la tête lors de la manifestation avait été pris en charge à ce moment-là ?

Bref : les manifestants sont-ils coupables, ou coupables ?

Sur RTL, c’est en grand journaliste d’investigation qu’Yves Calvi interroge la directrice de l’hôpital, et mise sur la dramatisation. Florilège :

- Si les manifestants avaient réussi à rentrer dans ce service de réanimation dont ils ont tenté, vous venez de nous le confirmer, de forcer la porte, qu’aurait-il pu se passer ?

- Vous avez eu peur ? Je vous pose la question simplement.

- Il fallait aussi qu’ils décident de monter au 1er étage, pour aller à l’entrée du service de réanimation. Ce que je veux dire c’est que c’est un trajet qui n’est pas neutre.

- Ils ne sont donc pas venus pour se cacher ou se protéger, ils sont venus pour attaquer votre hôpital, c’est comme ça que vous percevez ce qui s’est passé ?

- Il y a une différence entre une intrusion qu’on devrait de toute façon ne jamais faire dans un hôpital et ce qui finit par ressembler à une attaque. En l’occurrence, on a des gens qui sont montés au premier étage et qui ont tenté de forcer le service de réanimation. Comme les mots ont un sens et qu’en ce moment tout est sensible, c’est pour ça que j’insiste.

Plus tard sur RTL, Christelle Rebière s’interroge aux actualités de 12 h 30 : « que s’est-il vraiment passé à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière ? »

Pour le savoir, la journaliste interviewe Christophe Prudhomme, médecin urgentiste et délégué CGT. Une interview qui va rapidement virer... à l’interrogatoire. Lorsque le médecin commence à affirmer que les manifestants n’ont fait que se réfugier dans le périmètre de l’hôpital, la journaliste le coupe, exaspérée : « Non mais franchement, c’est devenu un refuge un hôpital aujourd’hui ? » Et lorsqu’il évoque la « surmédiatisation » de cette affaire, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : « Enfin attendez, excusez-moi mais on a quand même jamais vu ça, vous pouvez pas nous dire que c’est juste une affaire comme ça, alors qu’Agnès Buzyn nous explique qu’en plus les grilles de l’hôpital ont été forcées… » Le médecin tente de poursuivre mais est aussitôt coupé par la journaliste : « en plus après on retrouve une dizaine de personnes aux portes du service de réanimation, c’est quand même extrêmement grave d’arriver jusque-là dans l’hôpital, non ? » La journaliste, visiblement excédée par l’absence de condamnation de cette inexcusable « intrusion », coupera court à la poursuite de l’entretien.

Quelques heures plus tôt, dans « L’Heure des pros » (CNews), Pascal Praud et Jérôme Béglé (directeur adjoint de la rédaction du Point) en étaient quant à eux déjà à regretter… le laxisme pénal à venir !

- Jérôme Béglé : Je suis pessimiste parce que je suis assez convaincu que ces 30 personnes ne vont pas faire de prison ferme, parce que on va dire… d’abord les 30 vont pas être condamnées aux mêmes peines, ça va mettre des semaines pour pas dire des mois pour qu’elles soient condamnées, puis il y aura des appels, puis on sait très bien, parce que vous pouvez pas…

- Pascal Praud : Non mais vous pouvez déjà les mettre à l’ombre très tranquillement ces 30 personnes qui rentrent dans un hôpital…

Un débat qui avait commencé dans l’ivresse des profondeurs, dans lesquelles l’éditorialiste Jean-Claude Dassier plongeait la tête la première :

J’espère, j’espère pour eux qu’ils étaient alcoolisés. Parce que contrairement à ce qu’on raconte, ou on fait semblant d’oublier, il y a aussi beaucoup d’alcool (…) J’espère pour eux parce que sinon je sais pas comment expliquer une intrusion dans un hôpital. Ça interroge, ça pose beaucoup de questions, on va y revenir, mais là pour moi c’est stupéfaction, c’est… j’espère pour eux qu’ils avaient forcé sur la bière !

Une fois n’est pas coutume, remettons nous-en à la lucidité de Pascal Praud, pour qui « la Salpêtrière (...) sera un marqueur. C’est-à-dire que quand on fera la séquence, il y aura eu l’Arc de triomphe, il y aura eu le Fouquet’s et il y aura eu aujourd’hui la Salpêtrière. Ce sont des marqueurs, et j’ai l’impression qu’à chaque fois, on monte d’un cran d’une certaine manière. » Des marqueurs, en effet. Mais d’un traitement médiatique de plus en plus ahurissant.

**Ce nouvel épisode de fièvre médiatique montre une fois de plus l’adhésion presque immédiate de certains journalistes et médias à la communication gouvernementale. Les cortèges tout juste dispersés, le tapis rouge médiatique s’est déroulé pour Agnès Buzyn, Martin Hirsch et la directrice de la Pitié-Salpêtrière alors même que leurs versions d’une « attaque » de l’hôpital étaient déjà largement remises en cause.

Cet épisode montre aussi l’outrance des plus zélés relais médiatiques du gouvernement et de la préfecture. Leur mépris vis-à-vis d’autres paroles, notamment de celle des manifestants comme des personnels de l’hôpital. Et en définitive, le piétinement de la déontologie journalistique la plus élémentaire.

Frédéric Lemaire, Maxime Friot et Pauline Perrenot

Fin de l’article

HD


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