La mer avance, la vie recule

dimanche 19 mai 2019.
 

C’était un jour triste. J’en avais fait l’ouverture de mon précédent post. J’y reviens. Parce que samedi à Marseille, je suis allé avec Manon Aubry au marégraphe. Un outil qui donne le point zéro pour calculer toutes les altitudes en France et dans quelques autres pays. Il le fait en mesurant le niveau de la mer depuis 130 ans. L’installation a failli mourir faute de crédits publics. Évidemment. Heureusement le personnel a pris le problème à bras le corps et il a sauvé l’outil grâce à une collecte de dons. Évidemment. Ce que l’on sait grâce à cet outil : le niveau de la mer est monté de seize centimètres depuis le début du siècle et 30 % de cette augmentation a eu lieu dans les dix dernières années. Le grand chambardement est commencé. La vie entre en recul avec les modifications climatiques qui modifient de fond en comble les divers écosystèmes qui rendent possible la biodiversité actuelle. Le moment est historique. Personne ne peut dire qu’il n’aura pas été prévenu.

Le 6 mai, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques a rendu son rapport mondial. Cette instance est surnommée le « Giec de la biodiversité ». Comme le Giec, il réunit des scientifiques issus de 110 pays. Leur rapport adressé aux dirigeants du monde a été approuvé par consensus. Cela donne d’autant plus de force à leur alerte. Message crucial : la sixième extinction des espèces est commencée. Un million d’espèces animales et végétales sont menacées de disparition c’est-à-dire une sur huit. Cela concerne 25% des mammifères, 40% des amphibiens, 33% des coraux, 27% des crustacés ou 19% des reptiles. Le taux d’extinction aujourd’hui constaté parmi les espèces vivantes est, pour les scientifiques entre des dizaines et des centaines de fois supérieur à la moyenne des derniers 10 millions d’années. L’homme est à l’origine de cette catastrophe. Pour le président de la plateforme intergouvernementale : « Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier ».

Car cette perte à grande vitesse de biodiversité aura bien des conséquences sur nos modes de vie jusqu’à les menacer gravement. D’abord pour la sécurité alimentaire de milliards d’êtres humains. 75% des cultures agricoles dépendent de la pollinisation. La disparition des insectes pourrait faire brutalement chuter les rendements agricoles, dans le contexte d’une pression démographique intense. 2 milliards d’êtres humains dépendent du bois pour leurs besoins énergétiques. Mais la surface de la Terre a perdu un tiers de son couvert forestier par rapport à la période préindustrielle. 4 milliards d’autres se soignent par des médecines naturelles. Ainsi, le rapport mondial sur la biodiversité souligne que la pente prise, si elle ne s’infléchit pas, empêchera l’Humanité d’atteindre les « objectifs de développement durable » fixés par l’ONU en 2015. La réduction de la pauvreté, de la faim dans le monde, l’amélioration de l’accès à l’eau ou à la santé seront impossibles dans un contexte de disparition de masse des espèces.

Par ailleurs, ce désastre écologique mènera aussi au chaos géopolitique. Le rapport pointe 2500 conflits en cours pour l’accès aux ressources fossiles, à l’eau, à la nourriture ou aux terres arables. J’ai abordé ce thème en meeting à Pau en novembre dernier. J’affirmais alors que la question écologique était centrale pour la paix au 21ème siècle. J’avais alors donné l’exemple du lac Tchad. Cette réserve naturelle a perdu 95% de sa superficie depuis 50 ans. Les 20 millions de personnes qui vivent là sont les premières victimes de cette catastrophe. C’est aussi le terrain privilégié sur lequel prospère le groupe terroriste islamiste Boko Haram que nous combattons au Sahel. Sans compter les centaines de millions de personnes qui vont se déplacer à cause de la disparition de la biodiversité, bouleversant totalement l’ordre des frontières.

Les scientifiques font l’inventaire des milieux naturels détruits ou altérés par les activités humaines. Il s’agit de 75% des milieux terrestres, 66% des milieux marins et de 85% des zones humides. La destruction pure et simple des milieux naturels pour changer leur usage est la première cause de la sixième extinction. Il s’agit par exemple de la déforestation pour transformer des espaces en terres d’agriculture, comme cela est le cas en Amérique du Sud. Cela ne dérange pas l’Union européenne et Macron, les hypocrites de l’écologie qui négocient quand même un accord de libre-échange avec le Mercosur. Les activités minières sont un autre responsable de cette destruction. Là encore, les yeux se tournent vers Macron et sa désastreuse montagne d’or en Guyane. On pourrait aussi pointer le bétonnage pratiqué dans l’hexagone avec les nombreux projets validés par le « champion de la Terre » : Europa City, grand contournement ouest de Strasbourg etc.

Les pollutions sont aussi en cause, et notamment les pesticides. Leur utilisation massive dans l’agriculture tue massivement les espèces animales et végétales. Là aussi, le bilan de Macron est déplorable. D’abord, il a perdu contre l’Allemagne et Bayer-Monsanto au niveau européen sur le glyphosate. Il défendait une interdiction dans 3 ans et, finalement, le glyphosate a été réintroduit pour 5 ans au moins. Puis, il a refusé trois fois à l’Assemblée nationale d’appliquer une interdiction en France sur proposition des insoumis. Enfin, alors que ses ministres paradaient un vendredi dans une marche climat, sa majorité votait la prolongation pour 3 années supplémentaires de la production en France de pesticides interdits à la vente en Europe.

En vérité, Macron nous fait perdre du temps pour faire face sérieusement à l’effondrement de la biodiversité. La sortie des pesticides et le passage à l’agriculture biologique sont urgents. Pour cela, il faut rompre avec le libre-échange et instaurer un protectionnisme solidaire. Il faut mettre un coup d’arrêt au bétonnage à outrance et à l’étalement urbain. Pour protéger la biodiversité, il faut sortir de la logique de l’argent aux commandes et passer à celle des biens communs.


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