Un scrutin ne fait pas le printemps

jeudi 6 juin 2019.
 

Cette élection européenne se traduit par bien des paradoxes. À l’encontre des prévisions portées par les instituts de sondage, le premier concerne la participation : elle a été indéniablement en hausse. Le mouvement des Gilets Jaunes, qui a placé la question sociale au centre de l’actualité politique, a en effet engendré une hausse de l’activité politique. En revanche, une moitié des électeurs ne se sentent pas concernés par ce scrutin : non qu’ils dénient la question européenne en soi, mais bien qu’ils ne pensent pas que leur vote soit utile, notamment pour les ouvriers et employé.e.s qui se sont abstenu.e.s à 60 %.

Paradoxalement Macron a en quelque sorte réussi son pari. S’il ne sort pas vainqueur, il installe durablement dans le paysage le duo RN/LREM. Ces deux formations se stabilisent, car si le score place le Rassemblement National en tête, il perd deux eurodéputés depuis 2014. Tout aura été fait pour orchestrer ce face-à-face. Les premiers à en pâtir en France, ce sont les partis du système ancien : partis socialiste, communiste et républicains. Ces derniers voient leur électorat siphonné par l’extrême droite et les macronistes.

Contrairement à ce que laisse entendre le score des Verts, la question écologique est en berne. Au sein de l’UE se dessine une majorité PPE-ALDE-SD, à laquelle les Verts pourraient s’associer, renonçant à l’essentiel des enjeux écologiques. En France, les électeurs ont placé en tête deux des partis les moins favorables pour la résolution de la question climatique : LREM et RN. Il faudra faire avancer la revendication d’une règle verte qui se trouve au cœur du programme l’Avenir en commun, tant porté par Jean-Luc Mélenchon à présidentielle – où il n’y avait pas de candidat EELV – que par la liste de Manon Aubry.

L’élan de la présidentielle n’aura pas été prolongé par une nouvelle étape de la révolution citoyenne. Bien sûr la France Insoumise s’ancre dans le paysage : elle devance, même de peu, le parti socialiste, et triple ses députés, passant de 2 à 6 élus. Pourtant, son discours, en phase avec l’urgence climatique et le mouvement social des Gilets Jaunes, n’aura pas convaincu à la hauteur des enjeux. Faut-il en déduire que l’avenir serait désormais figé ? Souvenons-nous du décalage observé entre les européennes et les échéances qui les ont suivies : en 2004 le PS était en tête, mais Nicolas Sarkozy emporte la présidentielle de 2007 ; en 2009 les verts caracolent avant de faire 2 % aux présidentielles de 2012. Un scrutin européen ne fait pas le printemps, mais il doit permettre de saisir les maux profonds. Les classes populaires s’abstiennent ou votent désormais massivement pour le rassemblement national. C’est à elles qu’il faut s’adresser, et faire coaguler les enjeux écologiques portés par une partie des classes moyennes avec la question sociale : l’écologie populaire, plus que jamais, devra permettre de fédérer le peuple.

Benoît Schneckenburger


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