« La grève des urgences, signe d’une dégradation généralisée de l’accès aux soins »

samedi 10 août 2019.
 

Médecins, infirmiers et personnels soignants de Médecins du Monde, salariés et bénévoles, s’alarment, dans une tribune au « Monde », de la dégradation des conditions de travail dans les services d’urgence des hôpitaux.

« Cette grève n’est donc que le symptôme aigu et la partie visible de l’iceberg de la maladie globale de l’hôpital et de l’accès aux soins de premiers recours. »

La grève des personnels de santé travaillant dans les services d’urgence des hôpitaux partout en France était prévisible. Ce mouvement, démarré à la mi-mars, fait écho à un profond malaise et à l’épuisement généralisé de ces femmes et hommes qui s’engagent depuis des années pour soigner l’ensemble de la population au sein de cette institution d’accueil ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Cette mobilisation est le reflet de la dégradation généralisée de l’accès à l’hôpital.

Les services d’urgence ont vu leur fréquentation doubler en vingt ans, sans que jamais les moyens financiers, structurels et humains ne soient à la hauteur. Les soignants en sous-effectifs sont épuisés et ne peuvent plus assurer leur mission. Ils sont à bout physiquement et psychologiquement et ne trouvent plus de sens à leur travail au sein d’un système au bord de l’implosion.

En tant qu’association médicale intervenant en France auprès des populations vulnérables, nous nous inquiétons de cette dégradation généralisée de l’accès aux soins dans notre pays. Depuis plusieurs années, nous alertons les pouvoirs publics de la mise à mal de ce service public primordial. Nous la constatons lors des consultations que nous menons chaque jour au sein de nos centres de soins.

Le rôle de la contrainte budgétaire

Ainsi près de 40 % des patients que nous soignons nécessitent une prise en charge urgente et plus de la moitié d’entre eux présentent un retard de recours aux soins. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle cache souvent des situations d’abandon social qui engendrent renoncement et rupture dans la continuité nécessaire des soins. C’est pourquoi, dans des logiques de survie, ces personnes ont recours aux services d’urgences.

Cette grève n’est donc que le symptôme aigu et la partie visible de l’iceberg de la maladie globale de l’hôpital et de l’accès aux soins de premiers recours. Les causes sont connues : la contrainte budgétaire, les fermetures de lits et de services, le management industriel, le manque d’effectifs, la concurrence inégale avec les cliniques privées qui laissent à l’hôpital la gestion des pathologies lourdes et chroniques et la prise en charge des situations de détresse sociale.

Au-delà de la problématique liée à l’hôpital, c’est la place du soin de premier recours qui est questionnée et plus globalement d’une médecine ambulatoire non régulée, mal coordonnée, avec ses déserts médicaux, administratifs et sociaux. Une médecine ambulatoire mise dans l’incapacité de relever les défis du vieillissement de la population, du développement des maladies chroniques et du creusement des inégalités sociales et territoriales de santé.

Face à cette crise sans précédent des urgences, Médecins du monde et l’ensemble de ses personnels soignants apportent leur soutien aux personnels hospitaliers dont celui des services d’urgence. Ils réaffirment le rôle essentiel de l’hôpital public et de l’universalité d’un droit commun à la santé inclusif et inconditionnel. Ils demandent une véritable concertation pour rechercher des solutions durables en faveur des services de santé de proximité, intégrant la prévention et les soins de premier recours pour toutes et tous.

Signataires

Dr Christian Bensimon, bénévole, médecin généraliste, Paris ; Dr Philippe de Botton, président de Médecins du monde, médecin, Menton ; Dr Patrick Bouffard, secrétaire général adjoint du conseil d’administration, médecin cardiologue, Paris ; Claire Dubois, membre de Médecins du monde, infirmière ; Dr Philippe Gabrié, délégué régional Midi-Pyrénées, médecin, Toulouse ; Sidonie Gidenne, responsable de mission, infirmière hospitalière, Metz-Thionville ; Dr Jacques Grenery, secrétaire régional Lorraine, médecin retraité, Nancy ; Dr Lucie Grignon, bénévole, médecin généraliste, Nantes ; Dr Cyril Jaume, délégué régional Languedoc-Roussillon, médecin généraliste, Saint-Laurent-d’Aigouze ; Dr Marie-Paule Keuffer, responsable de mission, médecin, Metz ; Dr Clémence Le Joubioux, bénévole, interne en médecine, Pays de la Loire ; Juve Marie, bénévole, orthophoniste retraitée, Toulouse ; Dr Carine Rolland, membre du conseil d’administration, médecin généraliste, Nantes ; Yannick Ruaux-Morison, responsable de mission, infirmier, Nantes ; Dr Léa Schleck, bénévole, médecin généraliste, Meurthe-et-Moselle ; Sandrine Simon, directrice du plaidoyer, infirmière, Paris ; Céline Vicrey, coordinatrice régionale Midi-Pyrénées, sage-femme, Toulouse ; Dr Carine Worms, ancienne déléguée régionale Lorraine, médecin cardiologue en pédiatrie, Nancy ; Mireille Zacharow, bénévole, infirmière retraitée, Nantes.

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