Qu’est-ce que l’actualité ? Une production de l’industrie unifiée de l’information et du spectacle

mardi 19 novembre 2019.
 

Le peuple français est soumis à un débat éreintant sur le port du voile, le droit de signer une pétition et une foule de diversions morbides de cette sorte. Toute la classe médiatique, à des millions de kilomètres des préoccupations simples du commun des gens, semble vouée à exciter tout le monde sur des sujets qui peineraient à exister sans cette incitation morbide. Pendant ce temps, plusieurs millions de personnes basculent dans la pauvreté en une nuit pour cause de réforme de l’indemnisation du chômage, par exemple.

Bref : qu’est-ce que l’actualité ? Une production de l’industrie unifiée de l’information et du spectacle. Le fossé qui se creuse de cette façon aggrave le mépris général de la population pour tous les lieux de pouvoirs où une caste bavarde et vaine semble s’être regroupée peureusement pour parler en rond. Pour ce qui me concerne, un sondage me plaçant pourtant fort loin derrière le couple Macron/Le Pen aura suffi à réarmer le canon à dénigrement médiatique qui s’était tu quelques temps, c’est-à-dire environ quinze jours. Ai-je dit que Le Monde Diplomatique du mois de novembre avait raison de parler d’« annexion » à propos de l’Allemagne de l’Est ? Cela signifierait que j’approuvais l’ancien régime de ce pays. Le degré zéro de la pensée. Que j’ai déjà écrit et commenté cette idée il y a cinq ans dans un livre, Le Hareng de Bismarck, n’affecte pas la mémoire de poisson rouge des « commentateurs ».

Le niveau médiatique s’est effondré depuis quelque temps déjà. À présent, la scène médiatique est le radeau de la Méduse. Plus un jour sans une provocation grossière ou des propos indignes contre les femmes, contre les musulmans, contre les grévistes, les cheminots, les syndicats, les retraites, tout et tout le monde. La haine et la peur comme lien social sont partout. Un journaliste bulot, accroché à sa rente à Bruxelles depuis quinze ans, se déchaîne contre l’usage du mot « annexion ». Puis il doit avouer qu’il n’a pas lu l’article qu’il condamne. Un comble. Cohn-Bendit me traite de « con » à l’antenne de France Inter sous les yeux amusés de deux répondeurs automatiques du système. Encore un effet de la mémoire de poisson rouge : il avait déjà fait ce numéro il y a cinq ans mais cette fois-là il condamnait l’usage du mot « boche » dans mon livre. Pourtant ce mot ne s’y trouvait pas, évidemment. De toute façon il est invité pour faire ce type de numéro. Les deux calembredaines officielles se délectaient. Mais – quelle horrible surprise – le grand esprit d’Outre-Rhin leur infligea ensuite le ridicule de les injurier eux aussi. Trente ans après la chute du mur de Berlin, voilà tout ce que la France aura comme échange sur un évènement aussi considérable qui a redessiné la carte de l’Europe et changé le destin de notre pays. En France on ne dialogue plus, on diabolise en rond. On ne dira pas « je ne suis pas d’accord, car » mais « il dit ça parce qu’il est dangereux ». Le message ne compte plus mais la tenue du messager devient le sujet du « débat ».


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message