Grève aussi dans des facultés : l’exemple de Lille 2

dimanche 26 janvier 2020.
 

Des étudiants, maîtres de conférence et chargés d’enseignement veulent créer un nouvel élan à la mobilisation contre la réforme des retraites grâce à un « atelier des grévistes » dédié à l’organisation et à l’élargissement du mouvement.

À l’Université Lille 2, un atelier des grévistes

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L e mouvement s’essouffle », titre La Voix du Nord. Posé sur une table de l’atelier des grévistes, le journal local contraste avec l’ambiance dans cette salle de l’Université Lille 2.Genou à terre, un étudiant s’applique à soigner son écriture sur une pancarte : « Rejoins-nous, ça prend un s ou un t ? », demande-t-il à l’assistance. A côté de La Voix du Nord, un grand planning griffonné en large et en travers, preuve du « brainstorming » qui vient de se terminer. Au mur, un calendrier des actions, une feuille à idées, et le roulement de la permanence sont placardés. A l’entrée des tracts en libre service. Comme pour confirmer l’émulation ambiante, Karim Souanef, maître de conférence en sociologie balaye l’affirmation du canard régional : « Contrairement à ce que dit La Voix du Nord, le mouvement s’intensifie. Le département de science politique a reconduit massivement la grève, 90% des cours de ce département sont annulés. Cette grève des enseignements est pour nous nécessaire afin d’animer ces lieux de vie, l’atelier des grévistes. La fac n’est pas morte au contraire elle n’a jamais été si active. »

L’atelier des grévistes a été inauguré ce mercredi, en présence notamment de cheminots, d’assistantes d’éducation (« des grandes invisibles du mouvement » selon Karim Souanef), et d’enseignants du secondaire. Il se présente comme un espace de réflexion et de discussion ouvert à tous, permettant d’organiser la lutte et élargir le mouvement. Tomas Kebbati, en première année de science politique et adhérent de La France insoumise et du syndicat Solidaires, a déjà passé la semaine dans ce lieu :« Ça permet de garder une activité militante au sein de l’Université. C’est pas tu vas manifester une fois par semaine puis tu mets la politique de côté. »

En dehors des temps forts, la trentaine de maîtres de conférence et chargés d’enseignement en grève, « les trois-quarts des maîtres de conférence en science politique », proposent des cours alternatifs tout au long de la semaine. Au programme les médias, les mobilisations de la jeunesse, le démantèlement des services de santé ou encore une prise de parole des avocats ce vendredi. « C’est faire une grève active avec nos savoirs faire » résume Nathalie Ethuin. La maître de conférence en science politique précise :

C’est ouvrir la fac sur le monde social en faisant venir des gens de l’extérieur, pouvoir donner une perspective internationale avec des comparaisons.

Et également de sensibiliser les moins politisés.

Nicolas Desrumaux, chargé d’enseignement en droit, pense justement que le cadre universitaire permet de jouir d’une liberté importante notamment pour organiser des tables rondes où la nuance peut exister « contrairement aux grandes chaînes de télévision ». Alors qu’il disserte sur l’aspect spéculatif de la réforme, une de ses collègues l’interrompt : « On est en train de faire des tracts, on précise de que c’est organisé par l’atelier des grévistes ? » Après avoir répondu, il explique la démarche : « C’est important pour nous d’être identifiés dans ce que nous faisons afin de dire qu’on n’est pas simplement une bande de potes qui veut faire bouger les masses. »

Des actions sont également organisées par les étudiants. La veille, une soirée de soutien aux grévistes au sein de la fac a été annulée « par peur d’une occupation », selon les militants. Que cela ne tienne, la cantine à prix libre est finalement bien mise sur pied à midi. Ses bénéfices seront reversés à la caisse de grève de l’Université. Karim Souanef conclut : « Finalement, j’ai presque envie de dire merci au gouvernement de nous avoir fédérés. »

Victor Le Boisselier


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