Municipales : avant le second tour

dimanche 28 juin 2020.
 

Dimanche soir, tous les yeux seront rivés sur les métropoles et leurs possibles basculements. Il ne faudra pourtant pas oublier les données globales du premier tour, qui donnent une image intéressante du paysage politique actuel.

État des lieux d’ensemble (extrait)

1. Un peu plus de 30.000 comunes métropolitaines (80% du total) ont élu leur équipe municipale dès le premier tour. Elles regroupent 40 millions d’habitants ; 25 autres millions attendent leurs administrateurs. Seules 5 villes de plus de 100.000 habitants (Reims, Toulon, Angers, Boulogne-Billancourt, Montreuil, Caen) ont constitué des majorités municipales. En revanche, plus de 60% des communes pourvues au premier tour ont moins de 1000 habitants.

2. On a noté l’importance exceptionnelle de l’abstention (58,1%). Il est vrai qu’elle augmente de façon continue depuis 1989, où elle se situait à 27%. Si l’on tient compte de ce que l’abstention s’annonçait plus importante, on peut donc estimer autour de 15% le surcroît d’abstentionnistes liés à la pandémie. Il est maximal dans la tranche de 1000 à 10.000 habitants ; il est le plus faible dans les petites communes.

Le Covid-19 a-t-il eu un effet sur les choix ? C’est peu vraisemblable, la distribution des abstentionnistes étant à peu près la même quelle que soit l’étiquette des équipes sortantes. On pourra tout au plus faire l’hypothèse qu’elle a renforcé le phénomène de prime aux sortants, que les sondages laissaient entrevoir bien avant le confinement.

3. Les équipes sortantes ont été largement reconduites. C’est le cas pour 50% des communes de plus de 10.000 habitants. Les écarts entre forces politiques sont de ce point de vue limités, à l’exception du Rassemblement national qui regagne la quasi-totalité des mairies acquises en 2014.

4. Les rapports des forces politiques ne sont pas faciles à décrire. En règle générale, les élections municipales sont dominées par les listes non estampillées (36,5% du total en 2014) ou enregistrées sous l’étiquette « divers droite » ou « divers gauche » (45,6% en 2014). Cette année, le phénomène a été amplifié par la décision de ne pas communiquer d’étiquette politique pour les communes de moins de 3500 habitants (31.000 communes). Les données politiques ne portent donc que sur environ 3200 communes métropolitaines. Sur ces communes, les résultats sont les suivants, selon la classification générale du ministère de l’intérieur :

Gauche (PCF, LFI, PS, Div Gauche, EELV) : 35,70 %

Divers (autres écolos, gilets jaunes, régionalistes...) : 11,31%

Centre droit (MODEM, LREM...) : 16,90%

Droite : 32,74%

Extrême droite (RN...) : 3,35%

Ombres et lumières (extrait)

au clivage droite-gauche, il fonctionne toujours, mais toujours en faveur de la droite. Sauf dans les grandes villes par les vertus de l’attrait exercé par les écologistes, la gauche reste dans une situation d’extrême faiblesse. Dans une élection confortant les sortants, elle a certes bénéficié de ses bases localisées. Mais même si Marseille, Lyon, Bordeaux ou Toulouse sont dans le collimateur de la gauche et des Verts, cela ne suffira pas à déplacer le curseur de façon décisive.

Le rapport des forces dessiné en 2017 ne s’est pas modifié en profondeur. Les élections européennes de l’an dernier et quelques sondages – dont le récent sondage présidentiel de l’IFOP – suggèrent même la possibilité d’une détérioration. Le premier tour de la présidentielle de 2017 présentait un paysage politique éclaté en quatre pôles d’ampleur à peu près égale. E. Macron récupérait l’héritage du social-libéralisme, J.-L. Mélenchon celui de la gauche traditionnelle, F. Fillon maintenait un noyau conséquent de la gauche classique et M. Le Pen affirmait le dynamisme d’une droite radicalisée.

Les européennes maintenaient la répartition quadripartite, mais en affaiblissant le pôle Mélenchon et le pôle Fillon. E. Macron a contre lui une image globalement négative, tout comme M. Le Pen. Mais, depuis 2017, les deux protagonistes ont plutôt conforté leur noyau, et dans les deux cas sur leur droite. Dans un paysage politique éclaté, dans une opinion tentée par le désengagement civique, la possibilité de s’appuyer sur un noyau conséquent suffit à assurer une présence au second tour de scrutin.

Pour l’instant, personne à gauche ou à droite n’est capable de mobiliser un noyau de même ampleur que ceux qui restent les protagonistes annoncés de 2022. Cela pose d’incontestables problèmes à la droite traditionnelle. Cela en pose de plus sérieux encore à une gauche qui ne décolle pas de la zone délicate de 20 à 30% éparpillés dans une poussière de courants.

À ce jour, ni l’union de la gauche d’hier ni le style populiste n’ont montré leur capacité à mobiliser une gauche mobilisée par la colère, souvent au bord du ressentiment, mais sans le projet que ni la critique de l’existant, ni la juxtaposition des propositions – les programmes – ne peuvent suffire à bâtir. La colère des Gilets jaunes ou la détermination salariale contre la réforme des retraites n’ont rien ébréché du face-à-face délétère – Macron versus Le Pen – que l’on nous annonce, non sans crédibilité.

Il n’y a plus beaucoup de temps pour se dégager de l’ornière.

Roger Martelli


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