Contre le féminisme victimaire de Ségolène Royal

dimanche 30 septembre 2007.
 

J’ai voté Ségolène Royal. Moins par adhésion à sa campagne que pour faire barrage au projet de société de Nicolas Sarkozy. Pendant toute cette période, j’ai dû taire mes agacements de féministe radicale face à son féminisme électoraliste : « Votez pour moi parce que je suis une femme .... Je saurai gouverner parce que je suis une mère. » Sans parler des envolées lyriques façon « Aimez-vous les uns les autres » ou de sa sortie grotesque sur les femmes policières - qu’il faudrait raccompagner, pauvres choses, après leur service. Mais l’heure n’est plus à l’union sacrée. En tout cas pas avant une bonne dose d’autocritique. D’où la floraison d’ouvrages analysant les raisons de la défaite et donc critiquant, ici ou là, le style Royal. Que répond celle qui aspire à demeurer l’une des leaders de la gauche socialiste ? « Sexisme ! » Une fois encore.

Elle aurait pu choisir la contre-attaque féroce, devancer la critique ou la relever sur le mode ironique. Elle aurait pu, par exemple, trouver comique de se voir donner des leçons sur le mode « Comment la gauche aurait pu gagner » de la part de... Lionel Jospin. Mais non, il a fallu qu’elle en rajoute sur le mode de la femme victime. « Si j’étais Jeanne d’Arc, on m’aurait brûlée ! » Et voilà le féminisme une fois de plus malmené, dénaturé, instrumentalisé pour esquiver des coups pourtant bien légitimes.

A force, Ségolène Royal va finir par ajouter une nouvelle catégorie, le féminisme victimaire, à la longue liste de déclinaisons que le féminisme comporte déjà. Pour n’en citer que quelques-uns... Le « féminisme radical » souhaite déconstruire l’incitation sociale au masculin et au féminin pour obtenir l’égalité dans le droit à l’indifférence, voire le droit à l’indifférenciation. Le « féminisme lutte des classes » fait du combat pour les droits des femmes une sous-catégorie de la lutte des classes. Le « féminisme différentialiste » prône la mise en valeur du féminin en insistant sur ses vertus naturelles et sur sa complémentarité avec le masculin.

Soyons juste, le féminisme victimaire de Ségolène Royal n’est ni si réactionnaire ni si novateur. Il incarne surtout une sous-catégorie malheureuse du féminisme paritaire. Le dommage collatéral attendu et craint d’une avancée stratégique indéniable, la parité ; mais qui, entre les mains de femmes politiques plus tacticiennes que théoriciennes, a débouché sur la tentation de vouloir valoriser l’apport des femmes à la politique comme étant une vertu en soi et non une étape nécessaire pour appliquer l’un des plus beaux principes de notre République : l’égalité. Bien sûr, la frontière entre posture victimaire et égalitaire est toujours difficile à distinguer. Et il y a bien eu, pendant cette campagne, des attaques que Ségolène Royal n’aurait pas essuyées si elle avait été un homme. Mais raison de plus pour ne pas dégainer la carte du sexisme lorsque des critiques s’adressent enfin à la femme politique et non plus seulement à la femme.


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