A BUENOS AIRES : L’ Argentine a aujourd’hui 9 % de croissance annuelle, un solde budgétaire positif, le chomâge a été réduit de trois quarts et la pauvreté de deux tiers, le montant de la retraite de base a été multiplié par quatre, la poste a été renationalisée et marche...

samedi 27 octobre 2007.
 

LAMENTABLE !

Ce qui rend l’Argentine fascinante à cette époque ci, c’est ce qu’elle vient de vivre politiquement. Soignée par le FMi avec qui elle a conclu 19 accords en dix ans, dirigée par des génies de l’économie couverts de titres de gloire à Davos, l’Argentine saccagée par le néo libéralisme s’est effondrée économiquement en 2001. L’Etat a fait de même à la suite et la scène politique s’est volatilisée. Trois présidents de la République se sont succédés en quinze jours, des millions de gens défilant aux cris de "qu’ils s’en aillent tous" ont formé partout des assemblées populaires et des brigades de "piqueteros" ont occupé des usines abandonnées par leurs propriétaires, barré les routes et ainsi de suite. Avant cela, tout avait été fléxibilisé, modernisé, allégé et autres sinonymes pour dire que tout avait été vendu, privatisé, démantelé. Donc plus rien ne fonctionnait. Ni même l’état civil !

L’Argentine, cinquième puissance économique mondiale en 1930, placée encore devant l’Italie dans les années soixante avec un ratio entre plus riches et plus pauvres plus égalitaire que celui de la France de l’époque a donc sombré dans le néant. Et l’indifférence. Des gens ont mangé des ordures, dépecés des bêtes à l’occasion de l’accident du camion qui les transportait et combien d’autres choses stupéfiantes. Consternée et dégoutée, la bonne société mondiale a préféré détourner le regard.

TOTALEMENT LAMENTABLE

A la faveur de cette abscence de tuteur et de gendarme, une politique totalement irresponsable a été suivie. Que dis je ! Elle a été appliquée avec méthode et sans tenir aucun compte des injonctions des personnes intelligentes, de la presse libre et indépendante, ni des enquêtes d’opinion. Pour commencer, la dette a donc été restructurée : ou bien les créanciers acceptaient un échange de leurs titres recôtés à 30% seulement de leur valeur, avec une période de grace allongée et un remboursement réechelonné sur 25 ans ou bien ils perdaient tout. Un vol honteux contre d’honnêtes vampires. Les USA ont laissé faire parce que primo personne ne savait comment faire pour obliger ces gens à continuer de payer.

Et secundo parce que les doctrinaires du monétarisme ont voulu punir le FMI. N’avait-il pas refinancé ces gens là jusque là ? D’aussi mauvais payeurs déjà pris la main dans le sac vide combien de fois ? Ne refusaient-ils pas déjà d’appliquer scrupuleusement les nouveaux plans de réajustements structurels qui s’imposaient, à savoir privatiser encore et encore, réduire encore et encore l’Etat ! De plus les grands prêtres du dieu marché étaient persuadés que pour faire tourner leur économie sans argent les nouveaux dirigeants allaient déclencher une telle hyper inflation que les gens le leur feraient payer en les pendant avec leurs propres boyaux. La réalité fut autre cependant.

Pour commencer donc, le service de la dette est donc passé de 8% de la richesse produite à 1,4. Puis l’Etat a massivement investi dans les infrastructures et aidé des milliers de coopératives à se créer pour prendre le relai du maillage du réseau des entreprises largement détruit auparavant par "la seule politique possible". Une vision totalement "archaïque" de l’économie a donc eté imposée !

Le même Etat a renationalisé des services publics comme le courrier ou l’eau mais aussi créé une compagnie de pétrole et diverses absurdités de cette sorte ! On croit réver ! Comble du ridicule l’Etat a aidé à ce que se reforme une économie productive là où seule l’économie de service était présente (des usines, des machines, des ouvriers : lamentablement désuet). Sur le plan politique, mêmes provocations inutiles. Les organes judiciaires centraux ont été refondus et recomposés. Les lois de cloture des enquêtes sur les bourreaux de la période de la dictature ont été abolies. 500 tortureurs et assassins des trente mille argentins et étrangers sont déjà sous les verrous. Le principal centre de torture, l’école mécanique de la marine a été confisqué et va être transformé en musé de la mémoire. Sur le plan international tout est déplorable. L’Argentine a planté le beau projet des Etats Unis, la zone de libre échange de Amériques, l’ALCA, qui était pourtant non seulement "la seule politique possible" mais même la seule souhaitable pour "muscler les économies locales tentées par le protectionnisme". Les Argentins ont copiné avec Chavez comme personne, et ainsi de suite. J’ai moi-même été témoin du degré d’endoctrinement des dirigeants de la nouvelle période politique.

Madame Alicia Kirchner, soeur du président et ministre des affaires sociales m’a en effet stupéfait. Je lui ai demandé si j’avais vraiment bien compris ses propos et pour cela j’ai répété ses phrases comme un croyant son crédo. "Je crois à l’Etat qui investit dans le développement social parce que sans cela il n’y a pas de dévellopement économique stable. Je crois a l’Etat actif, présent, stratège. Je crois qu’on ne doit pas tout attendre de la spontanéité des communautés de base. C’est l’Etat qui doit garder la perspective d’intérêt général et être le coordonateur des efforts. Je crois que notre force et notre ligne d’action ce doit d’être de développer sans cesse le niveau d’implication et de mobilisation populaire".

A quoi a mené cette politique totalement idéologique ? Quel délice de le dire.

DELICIEUSEMENT LAMENTABLE

L’ Argentine a aujourd’hui 9 % de croissance annuelle, un solde budgétaire positif, le chomâge a été réduit de trois quart, la pauvreté de deux tiers. L’indicateur des écarts de richesse est descendu au niveau de l’Allemagne et il est meilleur que la moyenne européenne. La paie des professeurs a été multipliée par trois, le montant de la retraite de base par quatre. Les lycées professionnels, tous fermés par les libéraux, ont été réouverts, la poste a été renationalisée et marche enfin, l’obligation d’adhérer à un fonds de pension a été supprimée et la possibilité de reintégrer un système de retraitre par répartition a été réouverte. Un million de personnes au cours des six derniers mois ont opté pour ce retour....

Après avoir récupéré ses capacités productives, le pays les a développées à une cadence si impétueuse que la richesse produite s’est accrue de 50 %, soit davantage qu’au cours des trentes derniéres années où elle n’avait augmenté que de 35%. Le tout en quatre ans ! Dites le autour de vous dès que vous entendez les griots de la "modernité" commencer leurs éternelles récitations.Un autre monde est possible.

TOURISME POLITIQUE

Pour moi il est déjà bien tard. Je suis épuisé par une longue journée vécue en langue espagnole dans des domaines de discussion les plus divers dont je dois assimiler le vocabulaire en même temps que se déroule le dialogue. Tout est admirablement organisé. C’est moi qui ai du mal à suivre. Je pense que c’est l’impact du décalage horaire. Il est bien dommage que je ne sois plus capable de travailler en représentation, sans pause ni interprète, plus de dix ou douze heures d’affilée. N’empêche que tout cela fonctionne comme une addiction, comme on le dit de nos jours savamment. Il en faut encore et encore et on ne sait pas s’arrêter.

J’ai dit que je ne faisais pas de tourisme dans ces circonstances. Ce n’est pas tout à fait vrai. C’est un peu du tourisme politique, parfois. Ca existe. je l’ai pratiqué. Par exemple au Chili. Mon ami Sambo (c’est un surnom) connait tout le monde, partout. Et comme c’est un homme hors du commun, tout le monde a envie de lui faire plaisir. Donc, une fois devant le palais présidentiel de la Monéda, après avoir plaisanté sur le trottoir avec un ministre de la défense, que nous avons connu dans une autre vie militante et rencontré là, par hasard, à la descente de sa voiture officielle, nous sommes entrés... D’un ami à l’autre croisé dans la cour, et ensuite dans les couloirs, d’une embrassade à une blague, nous voila jusque devant le bureau de la présidente. Et, de là, sa chef de cabinet m’emmène à la fenêtre que nous avons tous vue en film et en photo tordue après le bombardement des putchistes de Pinochet. Et ensuite j’ai été conduit jusqu’à l’endroit où Salvador Allende s’est étendu au sol pour toujours. Je sentais l’odeur de la fumée de l’incendie du palais.

Ce midi, j’ai déjeuné avec le vice premier ministre argentin et les camarades de la direction du PS argentin qui soutiennent la candidate Kirchner et participent à la coalition du Président Nestor Kirchner. Une très longue et très amicale rencontre. Auparavant, ils m’ont fait passer sur le balcon à l’endroit d’où Péron s’adressait aux dizaines de milliers de gens qui venaient là l’écouter. On voit la fontaine qu’une expression a rendu célèbre. "Patas en la fuente". Pour dire "à ses aises" s’agissant d’un rustaud parce que les ouvriers qui faisaient les manifestations là devant se mettaient les pieds dans l’eau de la fontaine pour détendre ce qui devait l’être quand la manifestation avait été longue.

Demain je parle du Rio de la Plata, grand comme une mer et pris pour tel il y a cinq siècles par les premiers européens arrivés ici. Et aussi de la recomposition politique de la gauche en Argentine.


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