10 conseils que j’aurais aimé lire avant de commencer à militer (contre le burnout militant)

mercredi 28 juin 2023.
 

Militer. Le « burnout militant », un phénomène encore très peu connu. « Grosse fatigue », « gros coups de mou », « gros moment de découragement », des périodes de doutes plus ou moins longues dures à affronter quand l’énergie pour changer le monde vient à manquer.

Un phénomène étudié notamment par le sociologue du monde du travail Simon Cottin-Marx, dans un récent article Cairn. Difficile de ne pas pas s’enfermer dans une bulle militante quand on n’est pas averti des dangers. Peut-on se protéger du burnout militant ? 10 conseils que j’aurais aimé lire avant de commencer à militer, par Hellogrise.

1) Avant de militer, choisis tes combats

Une association, un parti, un syndicat ? La lutte des classes, le féminisme, l’écologie, l’antiracisme ?

Une chose est sûre, ne fais PAS tout d’un coup. Malheureusement, la société déconne sur pas mal de sujets et il faudra choisir ceux sur lesquels tu veux agir directement, car tu ne pourras pas sauver le monde d’un coup. Aussi, militer n’est pas toujours facile et demande de l’énergie, veille donc à « choisir » un axe, un cadre qui te motive un minimum et avec lequel tu es à l’aise.

2) Il n’y a pas à se mettre la pression

Il y aura toujours des militants, tu ne sais pas d’où ils viennent, ce qu’ils font dans leur vie, mais ils sont MÉGA MILITANTS. Plus que toi. Tu aimerais être aussi « présent·e » qu’eux. Ne culpabilise pas. Personne n’a les mêmes ressources, et si à gauche, on dit « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins », ce n’est pas pour rien. On ne dénonce pas la pression que met le monde du travail, pour se la foutre à nous-mêmes.

3) Trouve ton propre style

Tu n’es pas prolo mais tu es de gauche ? Ne « joue » pas au prolo, assume qui tu es et les idées que tu défends. Tu n’aimes pas le tractage, tu es plus à l’aise en organisation d’Assemblées générales (AG) ? Organise des AG.

Il n’y a pas de « militant étalon » auquel tout le monde devrait se conformer. Reste toi-même, que ce soit dans ton rapport au militantisme ou dans la façon que tu as de militer. Beaucoup de personnes m’ont dit que faire des memes ce n’était pas du militantisme (« vrai militant va tracter à 8 h du matin ») alors que j’ai reçu de nombreux messages de gens qui m’ont dit que ça les avait sensibilisées. Si tu as envie de tester une stratégie pour sensibiliser, convaincre, vas-y. C’est en étant complémentaire qu’on réussira à porter nos idées au plus grand nombre, et c’est en étant original que l’on interpellera le plus de gens.

4) N’oublie pas tes amis non-militants

À force de rencontrer des gens sur les divers événements, et même en ligne, on devient vite entouré uniquement de militant·e·s. Or, il est plus difficile de garder un pied dans le réel lorsque l’on reste entre « convaincus ». Il est plus difficile de sensibiliser les gens qui ne sont pas dans les combats que l’on mène lorsqu’on ne les côtoie plus vraiment. Et surtout, les « camarades » ne sont pas forcément des amis : ils sont un mélange entre des amis et des collègues, certains deviennent des amis, mais ils ne gèrent pas forcément leurs relations interpersonnelles comme toi tu l’as toujours fait. Il est important de cultiver les relations que l’on avait déjà avant de militer.

5) Faire une pause n’est PAS abandonner

Il l’a dit Jean-Luc (en citant peut-être quelqu’un d’autre ?), « lorsque l’on retire ses mains du fleuve, il continue à couler ». Si tu en as marre, si tu es fatigué·e, si tu as des problèmes personnels à gérer qui te prennent la tête, ne te précipite pas dans le burn-out militant. Déjà, tu lutteras forcément moins bien (moins de patience pour convaincre, pour se mettre d’accord avec les camarades, pour intégrer les infos, etc.), et en plus, l’effet boomerang sera deux fois plus violent. Tu n’es pas l’unique militant·e sur le terrain, si tu fais une pause, quelqu’un d’autre prendra le relais. Quelqu’un de la France insoumise me disait « c’est une course de fond, un combat long ». Un long chemin.

6) Si l’ambiance ne te correspond pas, trouve d’autres camarades

« Vraiment, les gens me dégoûtent, ils pensent tous qu’à briller socialement par le militantisme et instrumentalisent les luttes pour leur besoin d’attention et leur conscience morale ». Je ne sais pas combien de fois j’ai entendu ou prononcé ce genre de phrase. Tout groupe social a forcément des dramas et des tensions, ce n’est pas pour autant que tout est foutu « à cause de la nature humaine ». Ton groupe te saoule, l’ambiance pue du slip ? Change de groupe, ou trouve le moyen de prendre une forme de distance.

7) Bolosse le syndrome de l’imposteur

C’est fou tous ces gens incollables en histoire, en géopolitique, en socio, et même en bricolage, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qu’ils sont efficaces pour la lutte ces gens… eh bah toi aussi, à ton échelle. Et dis-toi que justement, c’est toi qui – pour d’autres gens – est « cette personne militante super douée ». De toute façon, c’est en côtoyant des gens doués que l’on progresse. Essaie de faire taire cette insécurité que plus de militant·e·s ont que tu ne penses.

8) Prends du temps pour toi

C’est très difficile. Une fois qu’on est à fond dedans, qu’on se sent utile, un gros risque d’addiction au « sentiment d’utilité » pointe le bout de son nez. En plus, on est rajouté dans des boucles militantes qui ont TOUJOURS des infos sur des actions à faire, des événements auxquels participer… et puis les semaines passent, on annule des concerts, des rdv médicaux, des soirées entre potes… « Oui, mais l’actu fait que c’est urgent, là ». Plot twist, au moment où j’écris, ça fait PLUS DE TROIS MOIS qu’on est en plein mouvement social.

J’ai arrêté de reporter mes soirées solos, rendez-vous, prestations (et même le ménage) parce que je n’avais plus une seule minute pour laisser à mon cerveau le temps de digérer les événements. J’ai dû me faire violence et refuser certaines AG, réunions, etc. Juste pour me reposer, dessiner… Faire les trucs que je disais que je ferais « après la révolution ». La révolution ne se fera pas en un soir, et passer son temps à la guetter n’est pas une vie. C’est une façon passagère. Cela ne vaut pas toujours le coup de prendre des risques vis-à-vis de tes relations avec les gens.

9) Soigne tes relations avec les camarades

Le milieu militant est très très petit. Touuuuut petit. Je pensais être immunisée à Paris, parce que la densité de population fait que, mais c’est un milieu de consanguins, faut qu’on se le dise. On croise toujours les mêmes visages, et quand c’en est de nouveaux, ce sont des proches de ceux qu’on connaît déjà. Engueulez-vous avec les gens en interne quand vous n’êtes pas d’accord, mais réfléchissez bien avant de le faire, et de la façon dont vous allez le faire ; et n’hésitez surtout pas à vous excuser ou à prendre les mains tendues en cas de conflit (sauf cas d’extrêmes de violence évidemment).

La chose est aussi valable pour les « rapprochements » avec des camarades qui vous plaisent de façon passagère. Cela ne vaut pas toujours le coup de prendre des risques vis-à-vis de relations avec les gens. Le fameux « mettre son ego de côté », il faut parfois se l’appliquer d’abord.

10) Amuse-toi quand même

Ce n’est pas parce que le monde pue du slip qu’on doit être un doomer sérieux H24 pour le sauver. Beaucoup de personnes refusent de s’engager, et même de s’informer, car elles ne veulent pas déprimer ou avoir la rage. C’est compréhensible (même si, pour nous, c’est de plus en plus dur à comprendre). Après les manifs, va boire des coups avec les camarades. Moque-toi des adversaires. Fais des blagues. On s’accorde à dire que tout est politique, mais ce n’est pas pour autant que tous les aspects de notre vie ont à être sérieux pour autant.

Si votre kiff, c’est de danser en manif, ou bien de chanter des slogans dégagistes, faites-le, ça fait du bien. L’important, c’est déjà d’être en manif.

N’oubliez pas que Les Guignols de l’Info dénonçaient de façon très radicale en faisant des vannes. C’est justement parce que les gens savaient qu’ils allaient se marrer qu’ils regardaient.

Perso, je ne fais pas de memes pour « convaincre » (je communiquerais de façon bien plus soft sinon) mais pour me marrer et me défouler. Je n’ai jamais monté de plan stratégique ultra sérieux sur ma ligne éditoriale. Et c’est cette authenticité qui peut plaire à une partie des gens qui me suivent, même s’ils ne sont pas d’accord avec moi (GG les gens quand même).

Voilà ! N’oubliez pas, la lutte continue !

Des bisous

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