Evan Spiegel, le patron de Snapchat qui pèse 15 milliards de dollars, naturalisé par Macron

samedi 23 septembre 2023.
 

Evan Spiegel, entrepreneur issu de la jeunesse dorée californienne et de parents avocats, s’est fait connaître pour avoir co-fondé Snapchat en 2011 à l’âge de 21 ans. Il rejoint ainsi les grandes figures de la Silicon Valley aux côtés des Bezos (Amazon), Zuckerberg (Facebook/Meta), Musk (Twitter) et autres « tech-bros », démontrant encore que l’innovation n’a pas de limite d’âge. Elle ne fonctionne que par réseaux et capitaux parentaux.

Riche du succès fulgurant de son application et tout nouveau milliardaire à peine âgé de 24 ans, Spiegel enchaîne les investissements internationaux, rachetant notamment la start-up française Zenly en 2017, un spécialiste de la géolocalisation à l’origine de la fameuse « carte snap ». Cumulé à l’ouverture de son bureau français en 2016, la présence de l’entreprise au sein de l’hexagone dépassait difficilement la centaine d’employés et ne couvrait que 3% de ses effectifs.

Naturalisé français en 2018, Evan Spiegel pèse 15 milliards de dollars grâce à Snapchat. L’Insoumission.fr vous raconte l’histoire de ce milliardaire américain naturalisé français à l’aide de son capital et de son réseau économique.

Ces profiteurs de crise, ils ont des noms, ils ont des adresses. L’insoumission va s’atteler à les démasquer. 17ᵉ épisode de notre série sur les assistés d’en haut : Evan Spiegel. Portrait.

Deal à la française pour le patron de Snapchat

Le contexte de l’obtention de la citoyenneté française du patron de Snapchat interroge. Suite à sa demande au consulat de France de Los Angeles en 2018, un décret de naturalisation sera publié sur la base de l’article 21-21 du Code civil. Il permet au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères « [de naturaliser] tout étranger francophone qui en fait la demande et qui contribue par son action émérite au rayonnement de la France et à la prospérité des relations économiques internationales ».

Comme le détaille Les Echos, « son utilisation est rare : dix à vingt dossiers de demande de naturalisation au titre de [cet article] sont examinés annuellement ». Sans même s’attaquer à la lubie néolibérale de la start-up nation qui ferait que par son entreprise, le milliardaire contribuerait au rayonnement de la France malgré son faible nombre d’employés français, le processus questionne. En effet, l’octroi de la citoyenneté est sujet à plusieurs conditions, dont la résidence en France depuis au moins cinq ans.

Cependant, le businessman californien ne loge pas en France, mais bel et bien à Los Angeles, sur la côté Ouest des États-Unis. Le Quai d’Orsay justifiait alors cette dérogation au nom de l’article 21-26 du Code civil qui dit qu’« un étranger qui exerce une activité professionnelle publique ou privée pour le compte de l’État français ou d’un organisme dont l’activité présente un intérêt particulier pour l’économie ou la culture française ». C’est donc à un numéro d’équilibriste auquel s’est adonné le Gouvernement pour interpréter aussi largement le droit, et ce, sans précédent équivalent.

Milliardaires de tous les pays, unissez-vous

Il est alors intéressant de s’attarder sur les liens entre Evan Spiegel et les élites économiques françaises. Car si Snapchat a peu d’intérêt pour la France, l’inverse n’est pas vrai. Comme le détaille L’Humanité, le marché français étant très vite devenu depuis 2016, le troisième plus important pour l’application. Le journal développe ainsi en expliquant que « à force, Evan Spiegel s’est fait quelques amis français. Xavier Niel, bien évidemment.

Le jeune homme a même fait la promotion de l’École 42 lorsque le patron de Free en a ouvert une antenne dans la baie de San Francisco. Il fréquente aussi des héritiers, Alexandre Arnault, fils de Bernard, tout comme Yannick Bolloré, fils de Vincent ». Le Président des riches ne semble donc ne pas s’arrêter aux frontières nationales.

C’est durant les émeutes de cet été, suite à l’assassinat de Nahel, que les liens douteux de l’entreprise font parler, cette fois avec le Gouvernement. L’application étant très populaire chez les jeunes, de nombreuses scènes étaient filmées et partagées via le réseau.

Alors auditionnée par une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, une cadre de Snapchat, Sarah Bouchahoua, tiendra les propos suivants : « [Snapchat] a travaillé conjointement avec le ministère de l’Intérieur et les différentes autorités afin d’endiguer le plus rapidement possible les différents dérapages qu’on a pu percevoir sur le terrain ». Et de poursuivre : « L’ensemble des stories publiées sur la ‘Map’, c’était vraiment des utilisateurs de Snapchat, à la fin, qui se plaignaient des émeutes et des conséquences des émeutes ».

Ces déclarations ont fait vivement réagir l’opposition au camp présidentiel puisqu’elles sous-entendraient que l’entreprise est allée au-delà de ses directives de modération, à la demande des autorités publiques françaises, pour ne laisser paraître que les vidéos les arrangeant.

Conflit d’intérêt quand tu nous tiens

On pourrait également croire aux vœux pieux de Snapchat ayant démenti toutes ces accusations… On peut avoir un peu plus de mal quand on apprend comme le révèle Libération, le passif macroniste de Madame Bouchahoua.

Dès 2017 elle participe à la campagne de Laetitia Avia, élue en 2017 députée En Marche, dont elle sera collaboratrice parlementaire. Elle travaillera sur la loi de lutte contre les contenus haineux sur internet – ou « loi Avia » – adoptée en juin 2020. Elle a ensuite rejoint l’équipe de l’eurodéputé français Sandro Gozi, élu en 2019 sur la liste LREM. Une personnalité politique également impliquée dans les questions de régulation des contenus en ligne.

Les assistés d’en haut contre les travailleurs d’en bas

En résumé, nous avons donc un milliardaire sans lien concret avec la France sinon ses milieux d’affaires et ses élites politiques, qui obtient la citoyenneté sur la base de dérogations infondées. Le tout ne laissant transparaître qu’un méli-mélo d’échanges de bons procédés et démontrant le traitement à deux vitesses des individus en fonction de leur capital.

Prenons pour argument le cas de ce jeune Albanais de 25 ans, travaillant (lui) en France depuis sa majorité, qui s’est vu refusée sa naturalisation pour ne pas avoir su dire qui était Edith Cresson, Première ministre sous François Mitterrand (1991-1992). M. Spiegel aurait-il su répondre à cette question ? Le doute persiste.

Notons que, depuis 2021 et du fait de l’effondrement boursier de Snapchat, l’entrepreneur a vu sa fortune divisée par quatre jusqu’à aujourd’hui. Ces quelques difficultés ont conduit l’entreprise à adopter un plan de licenciement massif en 2022, incluant tous les salariés de Zenly et sa fermeture. Des effectifs français que le milliardaire s’était pourtant engagé à garantir au moment du rachat de la start-up française.

Il semblerait qu’à trop se rapprocher du « rayonnement économique de la France », Spiegel se soit brûlé les ailes.

Par Emmanuel Pothier


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