Glyphosate : Macron avait promis de l’interdire, il le prolonge pour 10 ans

jeudi 5 octobre 2023.
 

Mercredi 20 septembre, la Commission européenne a proposé aux États membres de l’Union européenne de renouveler l’autorisation du glyphosate pour 10 ans de plus, au mépris de la protection de la santé, de la biodiversité et de la science.

Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, n’a même pas attendu que la nouvelle soit officielle pour assurer du soutien de la France, dans un entretien donné à la presse le 12 septembre. Après avoir enterré sa première promesse d’interdire le glyphosate en France, Macron revient donc sur son second engagement : travailler à son interdiction au niveau européen. Manon Aubry, députée insoumise au Parlement européen, annonce déposer une objection parlementaire et examine la possibilité d’un recours en justice. Notre article.

Emmanuel Macron et la Roundup Nation

« J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans. »

Emmanuel Macron est Président de la République depuis quelques mois lorsqu’il prend publiquement cet engagement, le 27 novembre 2017. Un engagement indispensable, puisque le glyphosate est classé depuis 2015 comme cancérigène probable par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une synthèse des nombreuses études scientifiques disponibles conclut en 2019 que l’exposition au glyphosate augmente de 40 % le risque pour les agriculteurs de développer le lymphome non hodgkinien, un cancer du sang. Sans compter les effets négatifs sur la fertilité, la formation du fœtus, le système nerveux et l’empoisonnement des abeilles, oiseaux et poissons.

L’herbicide Roundup de Monsanto, dont le glyphosate est la principale molécule, est déversé en France dans des quantités astronomiques, avec plus de 7 765 tonnes vendues dans l’Hexagone en 2021. Le glyphosate et son principal métabolite ont été détectés par l’INRAE dans 83 % des sols et 74 % des eaux de surface françaises. En somme, le glyphosate contamine tout le territoire français et affecte d’abord les agriculteurs, mais aussi les riverains et les consommateurs.

2017 : la Commission européenne et Macron choisissent Monsanto et piétinent les citoyens

L’engagement pris par Emmanuel Macron en novembre 2017 n’est pas le résultat d’une illumination écologique, mais de la pression populaire. Quelques jours plus tôt, en octobre 2017, la Commission européenne a en effet accepté d’examiner une « initiative citoyenne européenne » signée par plus d’un million de citoyens pour interdire le glyphosate. A Bruxelles, le vent tourne. La girouette macroniste anticipe.

Cependant, la Commission européenne douche très vite l’espoir d’une victoire démocratique européenne contre le glyphosate. Quelques semaines après la promesse d’Emmanuel Macron, Bruxelles décide finalement que ni la science ni le droit européen ne justifient son interdiction et renouvelle l’autorisation de l’herbicide pour cinq ans.

Les dépenses faramineuses de temps et d’argent par les lobbys européens de la chimie n’y sont peut-être pas pour rien. Le CEFIC (Conseil européen de l’industrie chimique) est le deuxième lobby européen, tout secteur confondu, avec plus de 10 millions d’euros dépensés par an à Bruxelles. Bayer-Monsanto, par ailleurs membre du Cefic, n’est pas en reste à la 8ᵉ place avec 6 millions d’euros dépensés chaque année.

Pour autant, rien n’empêche Emmanuel Macron de tenir la promesse présidentielle faite au peuple français. C’est donc une véritable trahison lorsqu’il annonce que la France n’interdira pas le glyphosate. À la promesse trahie se substitue un nouvel engagement, pris lors du solennel discours aux Ambassadeurs du 27 août 2018. « C’est au niveau européen que nous devons mener, et que nous mènerons jusqu’à son terme, le combat pour la fin du glyphosate, que la France a initié. » Un jour. Peut-être. Probablement. Éventuellement.

2023 : la deuxième trahison française

Le jour de tenir cette promesse est venu. Fin 2022, la Commission européenne a déjà arbitrairement prolongé d’un an l’autorisation du glyphosate, sans qu’à Bruxelles, la France ne lève le petit doigt. Mercredi 20 septembre 2023, la Commission européenne a proposé aux États membres de renouveler l’autorisation du glyphosate pour 10 ans.

Emmanuel Macron avait là l’occasion de tenir sa parole : mener au niveau européen le combat pour la fin du glyphosate, en ralliant à cette position une « majorité qualifiée » (au moins 55 % des États membres [c’est-à-dire 15 États] représentant au moins 65 % de la population de l’UE, ndlr). Une gageure, a priori, puisque les gouvernements allemand et autrichien ont déjà indiqué qu’ils s’opposeraient à la ré-autorisation de l’herbicide, citant des effets délétères probables pour la biodiversité.

Mais de nouveau, le camp présidentiel a choisi de trahir, de piétiner les citoyens et la nature, et d’un même geste, de servir la soupe à la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles, ndlr) et à Monsanto. Avant même que la proposition de la Commission européenne ne soit officielle, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’est précipité dans les médias mi-septembre pour annoncer que la France soutiendrait le renouvellement de l’autorisation du glyphosate, « sous conditions ». Des « conditions » que le ministre n’a pas su détailler ensuite au micro de Mediapart et qui feront une belle jambe aux agriculteurs, agricultrices et aux français que l’exposition au Roundup condamnent à des cancers du sang.

Au lieu de travailler à former avec l’Allemagne et l’Autriche une coalition d’États membres à même d’interdire immédiatement le glyphosate dans toute l’Union européenne, Emmanuel Macron choisit donc de feindre l’impuissance, pinaille pour la forme sur de soit-disants « conditions » et laisse perdurer le statu quo du recours massif au glyphosate.

Au Parlement européen, les insoumis mobilisés contre le glyphosate Face à cette nouvelle trahison démocratique et à la catastrophe sanitaire et environnementale annoncée, les députés européens insoumis se mobilisent. Manon Aubry, députée et coordinatrice de la campagne insoumise pour les européennes, a déclaré le 21 septembre que le groupe parlementaire européen qu’elle préside déposera au Parlement européen une objection contre la proposition de la Commission.

En cas d’échec, la députée insoumise examine par ailleurs la possibilité d’un recours en justice pour faire annuler le renouvellement de l’autorisation. La France insoumise met déjà en œuvre sa stratégie européenne du rapport de force et de la désobéissance, contre les décisions iniques de la France et de la Commission européenne. De l’autre côté de l’hémicycle européen, le Rassemblement national reste bien silencieux.

Visiblement acquis à la cause de Bayer-Monsanto, Jordan Bardella n’a cette fois dénoncé ni le volte-face de Macron, ni les courts-circuits démocratiques de la Commission européenne pour ré-autoriser le glyphosate. Si la NUPES est unie aux élections européennes de juin 2024, il sera possible de multiplier le nombre de députés prêts à s’opposer à l’arc réactionnaire de Macron à Bardella.


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