« Se nourrir ou se chauffer » : huit jeunes sur dix ont froid en hiver

dimanche 26 novembre 2023.
 

Plusieurs jeunes ont dénoncé devant le ministère de l’Économie, le 17 novembre, l’inaction du gouvernement en matière de précarité énergétique.

Par un humide matin d’automne, quelques militantes et militants se sont faufilés le 17 novembre devant le ministère de l’Économie, armés de couvertures de survie. En une poignée de minutes, ils ont déployé une banderole pour dénoncer l’inaction du gouvernement en matière de rénovation énergétique des logements.

De jeunes étudiants, premières victimes de cette précarité locative, ont pris la parole. « Aujourd’hui, il faut choisir entre manger, payer son loyer ou se chauffer », a dénoncé Éléonore Schmitt, porte-parole du syndicat l’Union étudiante.

Les 18-34 ans sont les plus touchés par la précarité énergétique : près de 8 sur 10 restreignent le chauffage en hiver (78 %, contre 69 % du reste de la population) et plus de la moitié d’entre eux a eu du mal à payer certaines factures d’énergie (51 contre 27 % au global), selon les chiffres du baromètre du médiateur national de l’énergie.

Léna, 19 ans : « Ça pèse sur le moral »

Pour Léna, vivre dans une passoire thermique c’est « fatiguant et ça pèse sur le moral ».

Devant l’entrée du ministère de Bercy, les associations Alternatiba Paris, Les Amis de la Terre et le syndicat l’Union étudiante ont voulu donner la parole aux premiers concernés comme Léna, étudiante en histoire de 19 ans.

Elle vit dans un appartement sous les toits qu’elle paie 800 euros par mois. Une vingtaine de m2 traversés par les courants d’air. « Je n’arrive pas à faire sécher mes vêtements à cause de l’humidité et je vis sous trois plaids toute la journée. C’est fatigant et ça pèse sur le moral », raconte-t-elle. Une situation qui affecte aussi la santé mentale : plusieurs travaux au Royaume-Uni et en France pointent des risques accrus d’anxiété et de dépression dans les logements mal isolés.

Alerté sur la situation, le propriétaire de sa passoire n’a pas prévu de faire des travaux. « J’avais des notions de précarité énergétique, mais je ne pensais pas que ça allait me toucher directement », raconte la jeune fille, qui ne compte pas déménager dans l’immédiat, vu les difficultés pour retrouver un logement.

Katell, 19 ans : « Je ne pensais pas être obligée de garder mon manteau »

Katell, étudiante en droit, grelotte dans son cours parisien. « Je ne pensais pas être obligée de garder mon manteau quand je suis chez moi et de mettre des gants pour travailler. » À ses côtés, Katell, même âge, suit un cursus en droit. Elle vit dans un Crous de Paris depuis deux ans. « Les chauffages ne sont jamais assez forts, alors que nos charges ont augmenté de 5 euros par mois cette année », explique la jeune fille. En arrivant dans la capitale pour suivre ses études, elle ne s’attendait pas greloter autant dans sa résidence.

« Je savais que ça n’allait pas être le luxe. Mais je ne pensais pas être obligée de garder mon manteau quand je suis chez moi et de mettre des gants pour travailler. » Son seul refuge pour se réchauffer, c’est la bibliothèque universitaire. « Au moins là-bas, c’est un peu chauffé, mais il y a beaucoup de monde, tous les étudiants ont froid chez eux. »

Shane, 19 ans : « Nous sommes livrés à nous-mêmes »

Shane est un étudiant qui vit avec son père dans un logement social. « Il faut choisir entre se nourrir ou se chauffer. »

Même ceux qui vivent encore chez leurs parents ne sont pas épargnés comme Shane, étudiant en philosophie. Il habite chez son père dans un logement social à Levallois-Perret. Faute de moyens, sa famille doit choisir entre faire des courses ou allumer le chauffage.

« Nous n’avons pas d’aide du gouvernement à ce sujet, nous sommes livrés à nous-mêmes dans mon immeuble. Et j’ai pas mal de camarades du lycée ou de la fac qui sont dans le même cas. En France, la 7e puissance mondiale, des gens doivent choisir entre se nourrir ou se chauffer, car le gouvernement est incapable de mettre de l’argent pour qu’on puisse vivre dignement. »

Pourtant, l’État nourrit de grandes ambitions sur le sujet. Il assure avoir réalisé 670 000 rénovations énergétiques en 2022 grâce au système de financement MaPrimeRénov’. Un chiffre en trompe-l’œil pour les associations. L’Agence nationale de l’habitat (Anah) a ainsi recensé seulement près de 66 000 rénovations globales sur la même période. À peine 10 % des chiffres officiels.

La Stratégie nationale bas carbone, qui définit la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour notre pays, fixe un objectif de 370 000 logements à rénover jusqu’en 2030.

Pour les militants, nous sommes encore loin du compte. « 12 millions de personnes sont concernées par la précarité énergétique. Des classes populaires et des classes moyennes qui n’ont pas les moyens de rénover leur logement. Nous avons la capacité d’améliorer cela. Mais le gouvernement n’est pas à la hauteur de l’enjeu », déplore Gabriel Mazzolini, porte-parole des Amis de la Terre.

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