Après l’enquête Pisa, le ministre de l’Éducation rend une copie « hors sujet »

jeudi 21 décembre 2023.
 

Les mesures proposées par le ministre de l’Education nationale après la publication des résultats de l’enquête Pisa ne permettront pas de rendre le système d’éducation plus performant et plus équitable.

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Hier, l’OCDE rendait publics les résultats de l’enquête Pisa 2022, qui cherche à évaluer les acquis des élèves de 15 ans en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences.

Selon l’organisation, « dans l’ensemble, les résultats de 2022 sont parmi les plus bas jamais mesurés par l’enquête Pisa dans les trois matières en France ». Le même jour, le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, annonçait une série de mesures censées provoquer un « choc des savoirs » et remédier aux mauvais résultats révélés par cette enquête.

Parmi ces mesures, le redoublement ou encore les groupes de niveau, autant de “solutions” inégalitaires qui, si elles séduiront une partie de l’opinion publique, voient leur efficacité contredite par les recherches en sciences de l’éducation et ne participent pas à transformer les pratiques pédagogiques, véritable enjeu d’avenir. Plus encore, les mesures proposées sont aux antipodes des pratiques associées à un système scolaire performant et équitable.

En se focalisant sur les contenus et les savoirs enseignés, et plus particulièrement sur le français et les mathématiques, le ministre semble oublier une donnée essentielle que l’on retrouve année après année dans les enquêtes Pisa : la France est l’un des pays où les inégalités sociales déterminent le plus les inégalités de réussite scolaire.

En 2022, l’enquête Pisa révèle que, pour les mathématiques, l’écart entre les 25 % les plus avantagés et les 25 % les moins avantagés est de 113 points en France, contre 93 points en moyenne dans l’OCDE. En septembre 2023, un rapport de France Stratégie rappelait à nouveau le poids des inégalités sociales dans le parcours scolaire des élèves.

La prise en compte des conditions de travail et du bien être des élèves participe à la réussite scolaire de ceux-ci. À ce titre, l’OCDE souligne que la relation entre les élèves et les enseignants constitue un facteur important qui contribue aux performances médiocres des élèves français. Ceux-ci se sentent en effet moins soutenus par les enseignants que les élèves des autres pays.

De même, les élèves souffrent plus fréquemment de l’absence de calme pendant les cours que leurs homologues des autres pays : un élève sur deux en France explique qu’il y a du bruit ou du désordre dans tous les cours ou presque tous les cours, contre 30 % des élèves en moyenne dans l’OCDE. Les élèves en France sont également plus distraits par leur téléphone portable (30 %) ou celui de leurs camarades (27 %) pendant les cours de mathématiques, cours qu’ils reconnaissent ne pas écouter à hauteur de 42 %.

Ce qui fait écho au chapitre éducation de notre Rapport sur l’état des services publics de septembre dernier, qui relevait une prise en compte insuffisante du bien-être des élèves dans le système éducatif. Et ce qui ne peut manquer d’être mis en relation avec le fait que les classes sont, en France, particulièrement chargées : on compte en moyenne 26 élèves par classe au collège, ce qui place la France en tête du classement, alors que la moyenne européenne est à 21 élèves par classe (source : L’Europe de l’éducation en chiffres 2022, DEPP).

L’OCDE pointe également la pénurie d’enseignants. Les deux tiers des élèves sont scolarisés dans des collèges ou lycées dont le chef d’établissement a déclaré en 2022 un manque d’enseignants, alors que c’était le cas de moins d’un élève sur cinq en 2018. La suppression répétée de postes d’enseignants ces dernières années (encore près de 2200 suppressions prévues dans le budget 2024) pèse donc lourd, notamment sur le nombre de postes de remplaçants.

La perte d’attractivité du métier d’enseignant, liée à la chute de leur rémunération réelle établie dans notre étude Monter un escalator qui descend d’avril dernier, ainsi qu’à des conditions de travail particulièrement dégradées, n’y est certainement pas pour rien non plus.

Face à un tel constat, les mesures de remédiation qui s’imposent ne sont pourtant pas évoquées par le ministre de l’éducation :

mixité sociale et scolaire : repenser la sectorisation et les affectations dans le second degré et limiter la concurrence des établissements privés avec l’école publique ;

bien-être des élèves : améliorer le climat des cours en proposant des pédagogies actives/coopératives, un suivi individualisé des élèves, en réduisant le nombre d’élèves par classe ;

pénurie d’enseignants : recréer des postes de remplaçant.e.s et d’enseignant.e.s surnuméraires, améliorer les conditions de travail des enseignant.e.s, revaloriser substantiellement leur traitement, accompagner leur développement professionnel par des formations régulières et adaptées à leurs besoins, la France se distinguant dans Pisa par le manque de formation des personnels enseignants.

Finalement, les mesures proposées par le ministre de l’éducation pour « relever le niveau » sont exactement à l’opposé de celles suggérées par l’OCDE, à partir des résultats des différents pays étudiés, qui écrit : « Dans les systèmes d’éducation très équitables et très performants, le redoublement est rare ; la concentration scolaire des élèves favorisés et défavorisés est faible ; les élèves sont relativement âgés à leur répartition entre filières ; et le regroupement par aptitude entre classes différentes concerne relativement peu d’élèves. »


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