Nouveaux livres : « La France en révolte », de Stathis Kouvélakis

lundi 10 décembre 2007.
 

Après la séquence de luttes que l’on vient de vivre, c’est le moment de se plonger dans ce livre, pour réfléchir aux caractéristiques de la situation. Sous-titré « Luttes sociales et cycles politiques », ce livre brosse un tableau complet du regain des mobilisations sociales, depuis 1986 (ou 1995) jusqu’au CPE de 2006. Il inclut la victoire de Sarkozy comme point d’orgue d’une séquence où la demande pressante d’alternative n’a pas su trouver, à gauche, de réponse. Pour Stathis Kouvélakis (qui enseigne à l’université de Londres), Sarkozy « a été le seul, à proprement parler, à faire de la politique » au cours de la phase récente, au sens de « la capacité de la politique à transformer les coordonnées de la situation », et « pas simplement à les refléter ».

La première partie revient sur quelques hypothèses théoriques, qui ont parcouru le débat social des dernières années. Comme le concept « d’exclusion », en tant que « substitut au clivage vertical de classe », où l’émergence d’un nouveau rapport dynamique entre l’individuel et le collectif (l’espace privé, très valorisé, n’étant pas nécessairement « antinomique avec l’action et le style de vie collectifs du monde ouvrier »). Le chapitre 2 remet à jour opportunément une hypothèse d’Antonio Gramsci, pour caractériser le type de régression engendrée par l’ultralibéralisme, celle de « révolution passive », au double sens où les luttes, « moléculaires », semblent ne pas avoir de perspectives saisissables, et où le pouvoir ne parvient pas, pour autant, à asseoir sa légitimité.

Mais c’est dans les deuxième et troisième parties, qui traitent du « nouveau cycle » post-1995, et du « retour de la question politique », que l’apport de Stathis Kouvélakis est le plus productif à la compréhension du présent. Il décrit la naissance, depuis les luttes étudiantes et cheminotes de 1986, d’un « bloc populaire antilibéral », constante de la situation, mais présentant des formes d’expression changeantes (avec des forces « distinctes et convergentes », pas totalement réductibles au salariat). La phase 1995-2002 est décrite comme une séquence à la fois « antilibérale et antipolitique », au sens où règne, accompagnant des luttes radicales, une prise de distance vis-à-vis des partis institués (souvent au nom de « l’autonomie du mouvement »).

Cette phase culmine dans la crise paroxystique du 21 avril 2002 (abstention massive). Commence alors la « séquence politique », où la demande de solutions globales domine la conflictualité et lui imprime une tonalité sociopolitique après 2003 : le 29 mai 2005, la victoire contre le CPE, la naissance des « collectifs », mélangeant l’expérience sociale avec les apports des partis et l’implication individuelle de « simples citoyens ». Cette grille de lecture englobe une interprétation de la campagne présidentielle 2007 qui, sans doute, fera discuter.

Dominique Mezzi

« La France en révolte », de Stathis Kouvélakis, Textuel, 2007, 25 euros.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message