Election municipale à Aix en Provence : une liste Verts MODEM ? penser tactique locale sans prendre en compte l’interdépendance globale ? (par Noël Mamère)

dimanche 9 décembre 2007.
 

Editorial publié par Noël Mamère sur son site et posant la question de l’avenir du mouvement écologiste en France, et de son ancrage, nécessaire, à gauche, clairement à gauche, nécessairement à gauche, pour ne pas faire des Verts un "mouvement girouette", qui irait là où est le pouvoir...

Les écologistes ont une conception du changement qui lie le local et le global. « Agir localement et penser globalement » est leur devise depuis les années soixante dix. Avec la mondialisation, ils devraient être les premiers à s’inspirer de cette maxime pour organiser, du local au global, des alliances cohérentes, à vocation majoritaire, afin de promouvoir un changement écologique et social.

Si nous n’avons plus qu’« un seul monde » alors la devise peut être retournée et devenir : Penser localement et agir globalement. Mais, en inventant le « municipalisme écologique » et en s’inspirant du principe de subsidiarité -qui est peut être européen mais pas spécialement écologiste- les Verts sont en train de revisiter les contours d’une vision du monde défendue par René Dumont, Ivan illich, Jacques Ellul, André Gorz ou Bernard Charbonneau.

« Ce qui est bon pour Aix-en-Provence est bon pour le monde entier », nous dit un groupe local qui signe un accord avec le Modem et des représentants de la majorité présidentielle. A ce compte là, on peut tout se permettre, puisque l’agir local devient, en soi, un agir global. « Je fais à Aix ce qui est bien pour les intérêts de mes administrés, en me coalisant avec des gens qui se réclament de la majorité présidentielle » ... Laquelle, on l’aura vu depuis six mois, a mis en pratique les tests ADN, l’interdiction du regroupement familial, le développement à tout va du nucléaire, les cadeaux pour les riches ...

Peut-on théoriser aussi facilement ce clivage entre le local et le global ? C’est une vraie question. La mondialisation uniformise en même temps qu’elle exacerbe les différences. Le refuge dans l’ultra-localisme, le communautarisme, le clanisme sont autant de réponses que l’on peut apporter quand on veut agir, alors qu’on ne comprend plus où et comment va le monde. L’écologie, héritière naturelle de la gauche puisqu’elle prône les biens communs, le partage des richesses, la relocalisation et la reconversion de l’économie, l’égalité des droits des citoyens ... Devient une sorte de néo-centrisme, où la gauche et la droite sont des notions dépassées, où il n’y a plus de classes ni de groupes sociaux aux intérêts antagonistes, où la politique n’est plus considérée comme une confrontation d’idées mais comme une construction de « politiques publiques », gérées par des techniciens du social, de l’économie ou de l’environnement.

L’écologie devient un pays où tous les chats sont gris puisque, comme disait Deng Siao Ping, « l’important ce n’est pas la couleur du chat mais le fait qu’il attrape la souris ». Le problème est qu’avec cette conception, c’est que la souris s’habille en maire-adjoint, en conseiller général, en sénateur ou en député européen ! Puisque au pays du local, l’élu fait par définition, ce qui est bon pour tous ses concitoyens, il peut se permettre de s’allier ici avec la droite, là avec le centre, ailleurs avec les socialistes contre les communistes, ou le contraire. Ce pragmatisme, longtemps pratiqué par le parti radical ou de nombreux notables centristes au nom de la défense des intérêts locaux, est devenu officiellement celui du Modem, lointain héritier du MRP et propriétaire de la marque UDF.

Cette conception « transformiste » de l’histoire, où l’on prend les meilleurs de chaque camp pour former une équipe performante est aussi celle de Sarkozy qui a au moins, un avantage sur Bayrou : Il dit ce qu’il va faire et tente de l’appliquer. Mais au fond, Sarkozy, Bayrou, voire Royal ou de nombreux dirigeants socialistes, portent un seul message : « Ralliez vous à mon panache blanc, je vous conduirai vers l’Eden ». Tous, à leur façon, reterritorialisent la politique : On se donne un objectif, on le tient, et on vous promet, « cash », des résultats. Mais reterritorialiser la politique, se transformer en super-délégué syndical de son canton, de sa commune, de sa région, de la France, voire de l’Europe, c’est pratiquer le mentir vrai, dans un monde interdépendant : si vous commencez à livrer des pommes à un meilleur prix sur le marché d’Aix en Provence, mais que ces pommes viennent de Grèce, vous aggravez la crise climatique ! Vous ne pouvez vous permettre de découper l’espace global en mini-espaces locaux, totalement indépendants les uns des autres.

A l’heure où l’on veut culpabiliser les citoyens en leur faisant croire que la responsabilité du réchauffement climatique leur incombe autant qu’à Bouygues, Bolloré, Mc Donald ou PSA, il serait bon de remettre les pendules à l’heure et de comprendre que si nous nous allions localement avec des gens qui prônent l’exclusion, la précarisation, les inégalités, à l’échelon national ou européen nous nous éloignons de nos convictions quand nous en avons encore. Nous sommes dans un monde où tout est lié, où la marchandisation est en train de détruire la biodiversité comme le climat, la culture, l’agriculture. Soit nous y résistons, localement et globalement, à cette marchandisation, soit nous nous y soumettons.

Au lieu d’être conçu comme un lieu d’expression du rapport de forces entre des conceptions opposées en terme de développement et comme une possibilité d’avancer des revendications transitoires pouvant être satisfaites, le Grenelle de l’environnement, a été conçu par nombre de militants écologistes comme l’expression d’un consensus mou. Ils pensaient sans doute que par la magie d’un mot « développement durable », nous pourrions trouver la manière de sortir de la crise de l’humanité qui est d’abord celle du système productiviste, fondé sur le seul profit maximum. Pas étonnant, dès lors, que poussent des petits grenelle locaux, où de futurs notables font mariner leur soupe à la sauce du cru au nom du bien être, de la qualité de la vie, du business vert et du développement durable.

A ce compte là je peux comprendre les Verts aixois : en signant avec le Modem et la majorité présidentielle, ils n’ont fait qu’appliquer ce que l’inventeur du Grenelle de l’environnement, proposait aux la semaine passée aux dirigeants chinois ( tout en leur vendant deux centrales EPR et quelques autres produits nucléocrates, clefs en main) : « un new deal écologique ». C’est peut être ça, finalement, le nouvel « agir local, penser global » : Faire son new deal écolo, localement. Laissez les puissants de ce monde, les fonds de pension, le Pentagone, les multinationales et les marchands d’illusion gérer le reste. Et avant de décider avec qui vous dealez, n’oubliez pas de commander un sondage à la présidente du Medef, Laurence Parisot. Accessoirement propriétaire de l’IFOP, elle vous dira quel est le sens du vent.


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