Prison à vie pour un ancien aumônier de la dictature argentine

lundi 21 janvier 2008.
 

"L’Église catholique en Argentine ou la peur de la beauté"

de Cristina Castello

"... Tu ne supportais pas l’oppression ni l’injure

Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre

Tu rêvais d’être libre et je te continue...." Paul Éluard

Il faut garder en mémoire l’horreur vécue en Argentine durant le génocide de la gauche en 1976-1983 dont le bilan est de 30.000 personnes disparues. Un génocide dont le visage visible a été celui des militaires dictateurs et dont le visage occulte et organisé par les Etats-Unis était ce qu’on appelait à l’époque la "Doctrine de Sécurité Nationale" pour chaque pays de l’Amérique Noire ; pour l’Amérique Latine tout entière, on parlait de la "Doctrine de Sécurité Continentale".

L’ancien aumônier catholique de la police argentine Christian Von Wernich a été condamné en octobre à la prison à vie pour des crimes de lèse- humanité.

Ce "monseigneur", âgé de 69 ans, a été condamné pour son implication dans des cas de torture, enlèvement et meurtre. Mais il n’est que l’un parmi tous les génocidaires et les bourreaux de l’Argentine.

La complicité de l’Église Catholique lors du génocide vécu en Argentine pendant la période 1976-1983, est de toute évidence.

Les preuves de tout cela sont entre les mains de la Justice et à la vue de tous depuis le « Jugement aux Juntes [militaires] » de cette dictature, connu comme le « Jugement du siècle ». Cette dictature, « parfaite » dans la conception et l’exécution des crimes, vivra toujours dans les viscères de l’horreur. Dans la mémoire incontournable.

Lieutenant Général Jorge Rafael Videla : « En tant que Commandant en Chef de l’Armée il a fait partie de la Junte Militaire [triumvirat constitué par les commandants en chef des trois armes] entre 1976 et 1982. Imputé de privation de la liberté et homicide en trois occasions, de privation illégale de la liberté réitérée en seize occasions, de privation illégale de la liberté et tortures réitérées suivies d`homicides en neuf occasions et tout cela en concours réel ».

Mais Videla n’a pas été le pire. Tous l’ont été et surtout l’indifférence de la majorité de la société argentine, d’habitude lente lorsqu’il s’agit de réagir en faveur de la vie. La documentation concernant cette galerie de l’effroi abonde.

Alors ?

Alors, il n’y a qu’une mémoire des utérus clôturés : ceux des mères qui ont leurs fils assassinés ; et ceux des mères qui ont enfanté la vie en prison, et dont leurs bébés furent volés par les criminels.

Alors, il n’y a que des cœurs battants qui sont ainsi qu’une conscience critique du pays le plus « blond » et le plus « européen » de l’Amérique Noire. Les cœurs qui n’oublient pas, sont un hymne dont le chœur est composé des hurlements des mères, pères, enfants, époux et amants des gens disparus. Des sépultures sans nom. Les cœurs aux yeux ouverts à chercher la vie au-delà de la mort.

Il est certain que la beauté, comme synthèse renfermant l’éthique et l’esthétique, représente la lumière pour les innocents. Il est vrai aussi que la beauté, comme synonyme de liberté et de révélation, fait peur aux exilés d’aurores ; donc elle fait peur à la hiérarchie ecclésiastique, celle qui nous menace avec des enfers et des démons en même temps qu’elle met en œuvre ses propres enfers et démons.

Mais il faut savoir que les personnes continuent de disparaître, avec, aussi, ladite nommée « démocratie ».

Julio López, l’un des témoins des atrocités commises par Von Wernich a disparu le 18 septembre 2006. Sans euphémismes : il est mort. Beaucoup de gens disparaissent.... « Grâce » à la Police, à la faim, au manque de rêves.

Il y a plus de 28 % des personnes (chiffre « dessiné » par le Gouvernement), qui « vivent » au-dessous de la ligne de pauvreté absolue... la misère.

La Sécu n’existe pas, la loi n’est qu’un mot, les médicaments sont mille fois plus chers qu’en France ; le prix des aliments monte sans limite ! La mort est Présence obligée dans les rues... tandis que la belle Buenos Aires vit sous l’apparence.

Eh oui... les « porteños » (habitants de Buenos Aires), sont « blonds », « beaux », « bien habillés », mais.... qu’y a-t-il en dessous ?

Rien d’autre que le désespoir.

Il faudrait en écrire beaucoup.

La vie devrait être plus forte que la vie.

Les européens devraient savoir que l’Argentine et l’Amérique Latine ne sont pas une question folklorique, mais une tragédie.

Me concernant, il me faut le dire, je n’ai d’autre patrie que l’amour et l’art.

[1] Son expo a été interdite à Buenos Aires en 2005 puis 2006. L’interdiction a cessé grâce à l’action des artistes et intellectuelles, dont moi-même.

de Cristina Castello


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