Sarkoléon apprécie les propositions Attila ( plus 8 articles dont Denis Sieffert, Michel Husson, Liêm Hoang Ngoc, Chavigné, CGT, FSU)

samedi 9 février 2008.
 

2) Commission Attali : Le rapport Attila

http://www.politis.fr/Le-rapport-At...

Le talent littéraire en moins, il y a du George Orwell dans ce rapport-là. Une sorte de sociale-fiction qui sème l’effroi. Avec cette différence que l’auteur souhaite ce que 1984 voulait conjurer. Après lecture des conclusions de la commission Attali, il n’est pas interdit d’imaginer une société qui ferait travailler les vieux jusqu’à leur dernier souffle, des rues envahies de pousse-pousse (ou de touc-touc, comme on dit en Asie), et des aires de stationnement accueillant des milliers de mobil-homes pour travailleurs allant de ville en ville quérir un petit boulot. Et partout, des vendeurs à la sauvette qui feraient la fierté de nos statistiques de chômage grâce à eux redescendues sous la barre des 5 %. Sans oublier des gamins qui apprendraient à boursicoter dès le primaire. On exagère ? Oui, bien sûr. Ni l’abolition de l’âge de la retraite, ni la déréglementation du métier de chauffeur de taxi, ni la mobilité, ni l’enseignement de l’économie aux premiers âges de la vie -autant de mesures préconisées par nos auteurs futuristes- n’aboutiront complètement à cette tiers-mondisation de nos régions. Dans la vie, il y a toujours des anticorps ou des grains de sable. Mais disons que les personnages sont en place, et le décor dressé pour cette société du « plein emploi » selon Attali. Ou, pour le dire autrement, cette société de la précarité absolue. Pour ses 20 ans, Politis aurait-il eu besoin de se trouver de bonnes raisons d’exister vingt nouvelles années encore, que Jacques Attali les lui aurait fournies...

Si les quelque trois cents propositions que contient ce document, remis mercredi à Nicolas Sarkozy, venaient à être mises en oeuvre, que resterait-il du droit du travail, de la protection sociale ou des services publics ? La réponse ne fait guère de doute : rien. Un champ de ruines. Ce n’est plus Attali, c’est Attila. Saisis d’une véritable hystérie libérale, les auteurs nous plongent dans un univers de privatisations sans fin, de déréglementation tous azimuts et de concurrence absolue. On se pince quand ils donnent en exemple la réforme du système de santé du Royaume-Uni. On frémit quand on nous suggère de rattraper tout ce temps perdu à force de réductions du temps de travail... depuis 1936. Les mauvais hasards du calendrier font que cette apologie de l’ultralibéralisme tombe en plein krach boursier. C’est-à-dire au coeur d’une réalité qui dément le dogme libéral. Qu’importe ! Il faut faire de la France le « pays du low cost ». Après « la patrie des droits de l’homme », fière devise ! Car c’est à cette condition, nous dit-on ­ le « low cost », le « vil prix » ­, que nous pourrons « libérer la croissance », objectif affiché de cet aréopage d’inspiration très patronale. Avec ce point de départ, on ne pouvait guère espérer mieux. Mais, dans leur argumentaire, les auteurs ajoutent une pointe de cynisme à laquelle ils n’étaient pas tenus. Il paraît que la société déréglementée dont ils rêvent profitera aux pauvres, aux exclus et aux classes moyennes, et en vérité à tout le monde en même temps. Car, si « la croissance économique n’entraîne pas nécessairement la justice sociale, [...] elle lui est nécessaire ». Évidemment, rien n’est plus faux.

La politique se résume à l’opposition de deux conceptions. L’une préconise un autre partage des richesses. La distribution plus équitable des ressources que produit une société. Et cette redistribution est toujours possible à croissance constante. C’est un acte politique. L’autre nous raconte éternellement que si l’on accepte (provisoirement) de travailler plus et de gagner moins, de renoncer (provisoirement) aux conforts désuets de la protection sociale et de la retraite, que si l’on s’accommode de la suppression des services publics, la croissance finira par être au rendez-vous. Il sera alors temps que les pauvres réclament leur dû. C’est ce que nous dit banalement la commission Attali. Depuis Boisguillebert et les physiocrates, il n’y a rien de très nouveau dans ce credo libéral. Ce qui étonne ici, c’est le ton, cet incroyable affranchissement de toute considération politique. L’ultralibéral, aujourd’hui, est en pays conquis. La fatuité bien connue du président de la commission n’est sans doute pas étrangère non plus à ce style va-t-en-guerre sociale. Elle conduit l’ex-prophète du mitterrandisme à dicter sans précautions ses conditions au président de la République : « L’essentiel de ces réformes devra donc être engagé [...] entre avril 2008 et juin 2009. Elles devront ensuite être poursuivies avec ténacité, pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités. » Et gare ! « Il ne faut pas que le bras tremble ! », menace-t-il. Mégalomanie contre mégalomanie, il n’est pas sûr que ce commandement enchante Nicolas Sarkozy. Au passage, la voie des socialistes est tracée. Ce « quelles que soient les majorités » sonne comme le glas de la politique. Quel que soit le vote des Français. Et quelle que soit d’ailleurs leur opinion...

3) Le rapport Attali, opportun ou hors de propos ? Michel Husson, Liêm Hoang Ngoc

NOUVELOBS.COM | 24.01.2008 | 19:24

Parmi les propositions du rapport Attali, lesquelles vous paraissent opportunes et lesquelles vous semblent hors de propos ?

Michel Husson, économiste à l’IRES :

- "Sur les mesures opportunes, il y a des propositions assez symboliques. Qui peut être contre les propositions sur l’éducation des enfants ? De même s’agissant du coup de pouce aux logiciels libres, c’est une bonne idée. La publication des décrets en même temps que les lois, c’est important, même si c’est contraire à la pratique. Enfin la proposition sur les délais de paiement des PME me semble justifiée. Mais les propositions qu’on peut juger intéressantes sont noyées dans des choses plus précises qui constituent un tournant vers une libéralisation de l’économie.

Par exemple sur les privilèges. Je crois que les taxis et les coiffeurs vont être étonnés d’être considérés comme des privilégiés. Toutes les études récentes montrent qu’il y a une distribution inégalitaire des revenus, et la concentration des revenus est croissante. Le feu se concentre sur les professions réglementées. Il y a un côté "cocasse" comme dit François Hollande. On ne peut espérer d’effets extraordinaires sur la croissance avec ces petites mesures.

Attali fait en revanche un constat juste sur l’économie de la connaissance. Mais la question de savoir pourquoi les entreprises françaises sont en retard dans l’économie de l’innovation n’est pas posée. Il y a une lacune dans l’analyse. Il y a un point dans ce rapport qui structure tout le reste. Il faut, en effet, le mettre en perspective avec la nécessité de réduction des dépenses publiques. L’élément dynamique serait donc le privé. Or c’est très discutable car le secteur ne s’est pas montré si dynamique. En outre, il y a une phrase que j’ai relevée : "Un pays qui s’endette n’aime pas ses enfants". C’est une erreur de penser cela, car c’est contraire à ce qui se passe. Le déficit public est couvert par des emprunts de l’Etat auprès des classes qui ont de l’épargne, à qui ont fait des cadeaux fiscaux.

Une autre remarque à propos de la mesure sur les nouveaux allègements de cotisations accompagnés d’un basculement sur la TVA et la CSG. Toutes les analyses consistent à dire que cette baisse va être payée par les consommateurs. Cette perte pour les budgets sociaux va être financée par les salariés-consommateurs. Enfin, on trouve aussi quelques bizarreries dans le rapport.

S’agissant du contrat de travail et de la rupture à l’amiable, Attali propose une indemnisation très supérieure à ce qui a été conclu dans l’accord sur la réforme du marché du travail. Un mot pour finir sur sa volonté de faire de l’Insee une agence. Paradoxalement, le fait que ça dépende du ministère de l’économie est un gage d’indépendance .L’exemple britannique l’a montré."

Liêm Hoang Ngoc, économiste, maître de conférence à Paris

- "Ce qu’il faut, c’est analyser globalement la cohérence du rapport, comme le demande d’ailleurs Jacques Attali. Or, il n’y a rien de réellement nouveau dans ce rapport. C’est surtout une compilation d’idée dans l’ère du temps et qui ont déjà été traitées à plusieurs reprises dans le passé. En gros, il considère que les principaux freins à la croissance sont le poids de l’Etat, la règlementation de la concurrence, etc. Au fond, il invite à approfondir les politiques engagées depuis le début des années 90. Quand le rapport Attali invite à rompre avec le modèle de 1945, c’est quelque chose qui est déjà largement commencé. Ce que j’aurais apprécié, c’est que la commission soit l’occasion de dresser un bilan d’étapes des politiques proposées : sur le pouvoir d’achat, sur le creusement de la dette, sur la croissance atone, sur les baisses d’impôt... Le rapport ne dit absolument rien sur la politique industrielle par exemple.

Evidemment, il y a des propositions avec lesquelles on peut être en phase. Mais, en fin de compte, le rapport ne constitue qu’un écho aux chantiers que Sarkozy a commencé à creuser comme l’autonomie des universités ou l’immigration choisie."

Propos recueillis par Simon Piel et François Sionneau

4)Les 316 « décisions » de la Commission Attali Le pot-pourri du libéralisme

Article Démocratie et Socialisme

http://www.democratie-socialisme.or... ? id_article=1408&titre=Les-316-decisions-de-la-Commission

La Commission « Pour la libération de la croissance française » mise en place par Nicolas Sarkozy, présidée par Jacques Attali ancien conseiller de François Mitterrand et nouveau transfuge socialiste a rendu sa copie, un pavé de 334 pages.

Censée être « composée de 43 personnalités de différentes sensibilités », cette commission représentait surtout (à de très rares exceptions près) les différentes sensibilités libérales. Elle ne compte pas moins de 17 PDG ou anciens PDG (AXXA, Nestlé, Crédit Agricole SA, Essilor, Volvo, Areva, Orange, Cetelem...). Des ultralibéraux comme les anciens commissaires européens Mario Monti et Ana Palacio, les journalistes Eric Le Boucher du Monde et Yves de Kerdrel du Figaro ou Michel de Virville, maintenant DRH de Renault. Jean Kaspar, présenté comme ancien secrétaire général de la CFDT, est le seul qui ait ou ait eu des liens avec le mouvement syndical, même s’il « gère depuis dix ans son propre cabinet de conseil ».

Laissant entendre que ce rapport était équilibré, Attali s’est empressé d’affirmer : « Aucune des mesures qui est là ne peut s’appliquer sans être fait dans un ensemble. On ne peut pas supprimer les freins sur la roue gauche d’une voiture sans supprimer les freins sur la roue droite ». L’image est doublement erronée. D’abord parce qu’il paraît pour le moins inepte de recommander de rouler dans une voiture sans frein. Ensuite, parce que si l’on voit bien les freins qu’Attali préconise de supprimer sur la « roue gauche », il est difficile, même avec une loupe, de percevoir les freins qu’il propose de supprimer sur la « roue droite ». La dérèglementation tous azimuts des professions juridiques (avoués, notaires....) ne doit pas faire illusion, elle n’a qu’un objectif : permettre la concentration du capital dans ce secteur. Aucune proposition (sur 316) n’est faite pour diminuer la précarité du travail ou améliorer le pouvoir d’achat des salariés.

Nicolas Sarkozy d’accord avec l’essentiel

Nicolas Sarkozy a aussitôt déclaré : « Si certains sont été effrayés par le contenu de vos propositions, moi je les trouve plutôt raisonnable dans l’essentiel ». Le contraire eût étonné tant ces propositions reprennent tous les poncifs, toutes les idées reçues du sarkozysme à l’exception de la recommandation de ne pas respecter le « principe de précaution » et la suppression progressive des départements avec lesquelles le président de la République a pris ses distances. Il s’est donné bien garde, par contre, de commenter l’idée que 250 000 nouveaux immigrés par an pourraient donner à notre pays 0,5 % de croissance en plus.

Abaisser le « coût du travail ». Déréglementer. Retirer le maximum de protection aux salariés. C’est le modèle anglais-saxons. Une catastrophe pour les salariés anglais ou américain. Le paradis pour le patronat des deux pays. C’est la direction que nous indique Attali dans un geste de ciment armé. Car la commission Attali ne propose pas, elle décide ! Cet aréopage de libéraux, de technocrates et de quelques autres n’a que faire du suffrage universel : elle décide et veut nous imposer ses 316 « décisions ».

Le florilège du libéralisme

Beaucoup de commentateurs de ce rapport se sont contentés des 20 propositions phares mises en avant par la Commission. Il n’était pourtant pas intéressant de lire l’intégralité du rapport. .

Education

Permettre aux parents de choisir librement le lieu de scolarisation de leurs enfants (décision 6). C’est la fin de la carte scolaire, sereinement assumée par la commission.

Développer le tutorat des élèves des ZEP par des étudiants (dans le cadre d’un service civique hebdomadaire : le travail non rémunéré obligatoire) et des enseignants retraités. (décision 151)

Renforcer les formations en alternance (décision 13)

Renforcer l’autonomie des universités et faire émerger 10 grands pôles universitaires de niveau mondial (décision 19)

Développer les financements privés pour l’Université (décision 22) Etendre le modèle de l’alternance à tous les niveaux de formation. Et développer les formations professionnalisantes à l’université (décision123)

C’est la reprise de la vieille lune libérale qui voudrait que le chômage des jeunes soit du à une inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi alors que la réalité est toute autre : notre pays ne crée pas suffisamment d’emplois et le surtravail des uns (les heures supplémentaires) crée le chômage des autres. La preuve : les 400 000 emplois supplémentaires créés par la diminution du temps de travail en 2000 et 2001. Mais pour la commission Attali, cette période n’a jamais existé.

Les PME

Toutes les solutions préconisées sont tournées contre les salariés. Mais le fait que la grande majorité des PME fassent partie d’un grand groupe ou soient sous-traitantes d’entreprises donneurs d’ordre (qui dans les deux cas siphonnent leurs bénéfices) disparaît complètement du paysage.

La commission « décide » d’assouplir les seuils sociaux, de doubler pour 3 ans les seuils de 10 et 50 salariés en les faisant passer respectivement à 20 et à 100. Elle « décide » également de mettre en place dans les entreprises de moins de 250 salariés une représentation unique sous la forme d’un conseil d’entreprise exerçant les fonctions du comité d’entreprise, des délégués du personnel, du CHSCT, des délégués syndicaux. (décision 37)

La prévention en matière de santé

Développer massivement la prévention (décision 66) mais à budget constant et sans revenir sur le passage, imposé par la Droite et le Medef avec l’accord de la direction de la CFDT, de la visite médicale obligatoire dans les entreprises non plus tous les ans, mais tous les deux ans.

La représentativité syndicale

Fonder la représentativité syndicale sur les résultats aux élections professionnelles. Ce qui est positif mais aussitôt assorti d’une condition qui retire beaucoup d’intérêt à cette mesure : la représentativité d’un syndicat national serait liée à l’obligation d’être signataire d’au moins un tiers des 50 conventions collectives les plus importantes. (décision 116).

Réduction de la dépense publique (20)

Réduire dès 2008, la part des dépenses publiques dans le PIB. Cette réduction devra atteindre 1 % du PIB par an et à partir de 2009, soit 20 milliards d’euros de réduction par rapport à la tendance par an pendant 5 ans (décision 20).

Emploi des « seniors »

Faire sauter le verrou de la retraite à 65 ans (décision 121) avancé sous la forme plus prudente de « permettre à chacun de retarder, s’il le désire, son départ à la retraite ». Lever toutes les interdictions au cumul emploi-retraite. (décision 134) Dans les deux cas, tant pis pour les jeunes qui ne trouvent pas de travail !

Durée du travail

Permettre aux entreprises de déroger à la durée légale du travail par accord de branche ou accord majoritaire d’entreprise (décision 136) Autoriser plus largement le travail du dimanche (décision 137)

La Sécurité sociale

Supprimer, dans la Constitution, la distinction entre le PFLSS (Loi de financement de la sécurité sociale) et la loi de finance (décision 224). Nous n’aurions plus alors aucune garantie que les sommes collectées pour l’assurance-maladie ou les allocations familiales ne soient pas utilisées à la construction, par exemple, d’un deuxième porte-avions.

Conditionner les prestations familiales aux revenus des ménages (décision 268). C’est la méthode en deux temps pour en finir avec les prestations familiales : attaquer d’abord le salariat à plein temps, ensuite le salariat pauvre.

Moduler la franchise médicale en fonction du revenu (décision 269). C’est la même méthode en deux temps pour en finir avec une bonne partie de l’assurance-maladie obligatoire.

Organiser une gestion régionale de la carte sanitaire (décision 273). Cela signifie que la carte sanitaire nationale supprimée par le plan Hôpital 2007 ne serait pas rétablie et que l’inégalité sanitaire entre régions aurait de beaux jours devant elle.

Fusionner la part salariale et la part patronale des cotisations sociales (décision 299)

Supprimer 3 points de cotisations sociales en les finançant par 0,6 point de CSG et 1,2 point du taux normal de TVA (décision 300). Non seulement il n’y a rien pour augmenter le pouvoir d’achat mais la commission « décide » de le diminuer en augmentant la CSG et en instaurant la TVA sociale.

Supprimer le numerus clausus à l‘installation des pharmaciens. (décision 212). Malgré la présence de la social-démocrate allemande Evelyne Ghebhardt, parlementaire européenne et rapporteur de la directive « Mac Creevy », la commission Attali ignore que cette disposition est déjà contenue dans cette directive et sera applicable en France dans moins de deux ans. Curieusement, la commission ne s’intéresse pas au numérus clausus des professions médicales, pourtant cruciales pour l’avenir.

Fonction publique

Mettre en œuvre de façon systématique le principe du non-remplacement de deux fonctionnaires sur trois partants à la retraite (décision 252) Augmenter la part des promotions au choix dans la fonction publique (décision 253).

Mettre en place des primes liées à la performance (collective et individuelle) des agents (décision 254).

Retraites

Non seulement le rapport accepte tous les allongements (venus et à venir) de durée de cotisations mais il en tire la conclusion chère à tout libéral en estimant : « La montée en puissance de l’épargne retraite individuelle ou collective est donc nécessaire » (décision 305)

La méthode Coué poussée à son comble

De l’ensemble des ces 316 décisions, la commission Attali attend une croissance de 1 point supplémentaire chaque année. C’est la méthode Coué dans toute sa splendeur. Le simple fait, par exemple, de diminuer de 1 point par an la dépense publique alors que s’annonce une récession ou au moins un fort ralentissement de la croissance américaine ne pourrait avoir que des effets négatifs sur la croissance.

« Ce point de PIB pourrait signifier chaque année, par exemple, tout à la fois, 500 euros de pouvoir d’achat en plus par ménage, 150 000 créations d’emplois supplémentaires, 90 000 logements sociaux de plus, 20 000 enfants handicapés scolarisés, 20 000 place d’hébergement d’urgence créées en plus pour les sans abris.... » ajoute la commission. Elle a raison d’écrire « pourrait signifier » car le plus probable est que, si la potion amère de la commission aboutissait par quelque miracle, à une augmentation de la croissance, ce même remède de cheval permettrait aux profits de confisquer l’essentiel de ce surcroît de croissance

La droite à l’affut avec sa loi de « modernisation économique »

Ce pot-pourri des idées libérales pourrait paraître un laborieux exercice d’école. Il n’en est rien. La loi de « modernisation économique » qui sera présentée par Christine Lagarde, ministre de l’Economie, s’appuiera sur ces 316 propositions pour amplifier l’offensive contre le salariat. Sarkozy ne reprendra que ce qui l’intéresse, que ce qu’il estime pouvoir faire passer en fonction de l’état de l’opinion, du rapport de forces social, du rapport de force électoral. Pour freiner, stopper l’offensive de la Droite, la mobilisation sociale mais aussi victoire de la gauche dans une grande majorité de municipalités et de cantons sont donc décisives.

jeudi 24 janvier 2008 par Jean-Jacques Chavigné

3) Rapport Attali Quelques idées neuves mais beaucoup de vieilles recettes

CGT

http://www.cgt.fr/internet/html/lir...

A la première lecture, le rapport de la Commission Attali se présente comme un vigoureux plaidoyer pour la réforme, assorti d’un patchwork de plus de 300 mesures quelque peu hétéroclites. Derrière le ton moderniste du rapport dominent les propositions d’inspiration libérale. Mises sur le même plan, certaines de ces « propositions de décisions » vont de la banalité pure et simple (« mobiliser tous les acteurs pour l’emploi des jeunes », « aider les commerçants et les artisans à prendre part à la concurrence », « mettre en place les infrastructures nécessaires »...) à un pointillisme extravagant (« mettre en chantier 10 écopolis ... dont 20% de la surface serait occupées par des plans d’eau ou des espaces verts »). Dans les faits, une majorité de préconisations n’a ni l’originalité ni la nouveauté qui étaient annoncées. Beaucoup reprennent des logiques mises en œuvre depuis 20 ans sans succès. Pour autant, il n’est pas question de prendre ce rapport à la légère car il sera un élément du débat ouvert sur le contenu des réformes à promouvoir.

Le diagnostic posé dans le résumé introductif du document, est la partie la plus intéressante. Au-delà des constats : « un monde qui change à grande vitesse », « une vague de croissance internationale sans précédent », « des inégalités insupportables », « l’exigence d’un nouveau mode de développement », « une France qui prend du retard malgré des atouts exceptionnels », on perçoit des ambitions incontestables : un chômage réduit, 2,2 millions de logements de plus, un taux de pauvreté divisé par plus de 2, la réduction des différences d’espérance de vie..., le tout à l’horizon de 5 ans... Mais pourquoi le rapport nie-t-il les efforts déjà entrepris ? Et pourquoi accable-t-il une nouvelle fois « le modèle hérité de l’après-guerre » ? Le besoin de la démonstration fait écrire quelques contre-vérités. Puisqu’il est justement question de mise en cause « d’un conservatisme catastrophisme pour les jeunes » et d’une « rente triomphante dans les fortunes foncières, dans la collusion des privilégiés », il aurait fallu parler des 20 années que nous venons de vivre, caractérisées par l’argent-roi ! Au lieu d’accabler 1945, on pourrait utilement interroger le tournant de ces 2 décennies.

Cela dit, la mise en avant des citoyens les plus modestes, des jeunes, des salariés précaires, des exclus, de « tous ceux qui ont le plus besoin de croissance », est entièrement justifiée tout comme l’appel à une « véritable équité qui doit concerner toutes les catégories sociales et professionnelles, sans tabou, sans exclusive ». L’intuition d’une révolution technologique qui va bouleverser les sociétés et le travail est omniprésente et justifiée même si elle n’est pas vraiment analysée.

Les propositions, partie essentielle du document, paraissent largement plaquées sur cette introduction. L’effort pour les regrouper autour de « 8 ambitions » ne suffit pas à leur donner sens et cohérence nouvelle.

Certaines sont la reprise d’évidences qui, en soi, ne font plus débat comme « la maîtrise des connaissances de base par les élèves du 1er Cycle », « le besoin de développer la Recherche dans un certain nombre de secteurs porteurs », « l’accès de tous à Internet », « l’encouragement à la mobilité géographique », « la réduction des délais de paiement pour les PME », « la réforme de la formation professionnelle ». La nécessaire reprise d’une politique de l’immigration est mise en exergue mais ne se distingue pas de manière substantielle de ce que préconise le gouvernement sous l’appellation « d’immigration choisie » Côté positif, notons l’importance donnée à l’appui à la mobilité, aux reconversions des salariés et à la sécurisation des parcours professionnels. Soulignons la proposition d’élaborer un nouveau statut pour les chômeurs, la nécessité de réformer la représentativité des organisations syndicales, le souci de légitimer les négociations sociales. Le rapport ne dédaigne d’ailleurs pas les contradictions. La décision 143 « anticiper et négocier pour faire du licenciement économique un ultime recours » pourrait paraître intéressante. Elle se conclut sur la proposition « d’élargir les possibilités de licenciement pour raisons économiques » ! Mais le déséquilibre est patent entre quelques propositions d’amélioration de la situation des salariés et l’avalanche de remises en cause par ailleurs prônées.

Que dire de dizaines de propositions inspirées par la pensée libérale, qui nous renvoient aux vieilles recettes appliquées en d’autres temps. Recettes qui ne correspondent en aucun cas aux défis nouveaux que doit affronter le pays.

On retrouve, sans débat, sans nuance, tous les poncifs qui présentent les droits des salariés, le système de protection sociale, les dépenses publiques comme les principaux obstacles à la croissance. La mise en exergue du coût du travail ou la nécessité de sécuriser juridiquement la séparation à l’amiable vont combler d’aise le Medef.

Il faut « construire une société de plein emploi » annonce le rapport mais il nous propose un renforcement de l’exploitation des salariés : déroger largement à la durée légale du travail, faire sauter la référence à 65 ans pour toucher une retraite à taux plein, libérer totalement le cumul emploi-retraite, développer les fonds de pension à la française... Il dit vouloir « supprimer les rentes et les privilèges ». Il s’attaque aux taxis, au petit commerce mais laisse pour l’essentiel tranquilles les détenteurs de stock-options où ceux qui cumulent avantages fiscaux et grandes fortunes.

Il propose d’améliorer « la compétitivité des entreprises » mais pour cela il suggère d’accroître les exonérations de cotisation des employeurs qui atteignent déjà 30 milliards d’€ au détriment des salariés et de la consommation. Il propose de transférer plusieurs points de cotisations sociales sur la TVA et la CSG, d’exonérer des cotisations les entreprises qui embauchent des jeunes et des salariés âgés.

Il entend « préparer la jeunesse à l’économie du savoir » mais avance comme mesure-phare la constitution de 10 pôles universitaires élitistes qui pourront être financés jusqu’à 80% par le secteur privé.

Ne parlons pas du secteur public qui au lieu d’être vu comme un levier d’un développement nouveau, est considéré comme un handicap. Il est vrai la messe est dite : « L’État n’a presque plus les moyens d’agir sur la croissance » écrit le rapport, page 19. D’où l’objectif de réduire de 4 points de PIB les dépenses publiques, de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur 3, de transformer les administrations en Agences. Ce n’est plus de l’austérité, c’est un démantèlement.

Plus grave encore, le rapport semble souhaiter la fin de la spécificité de la Sécurité sociale en proposant de fusionner budget de l’État et budget de la Sécurité sociale. Pour le moins, une telle perspective mérite discussion ! Curieusement, le rapport reste largement muet sur de vrais handicaps de notre société. L’absence d’une véritable politique industrielle, les carences de notre système bancaire en matière de financement du développement économique, l’évasion des profits des entreprises vers les placements financiers, la perte de contrôle de nombreuses filières productives et, bien entendu, tout le volet de la gestion de l’emploi et du travail par les firmes qui génère un gâchis humain et de ressources considérable.

Ajoutons le volet de la politique économique, française et européenne, pourtant si décisive pour une croissance durable, qui est d’emblée écarté de la réflexion.

Cela donne un rapport partiel et partial loin de la contribution éclairée au débat que l’on aurait pu attendre à la veille d’une nouvelle loi de modernisation économique et sociale annoncée par le gouvernement pour le printemps.

5) Le rapport ATTALI : un rapport qui ignore les questions du développement durable, le rôle et l’importance des solidarités, des collaborations, des droits et des services publics dans la sociétéLe rapport

http://actu.fsu.fr/

ATTALI, qui prétend « libérer la croissance », est rendu public à un moment où l’actualité est marquée par la crise financière liée à la crise des « subprimes » aux Etats-Unis. La coïncidence ne manque pas de sel. Alors que cette crise qui menace la croissance mondiale est due d’abord aux excès d’un libéralisme financier déchaîné, la commission propose un ensemble de mesures hétéroclites dont le point commun est de relever de l’idéologie du tout libéral sans jamais en interroger les dogmes.

Se gardant d’esquisser une politique dynamique d’ emploi et des salaires, la commission ATTALI fait flèche de tout bois pour réduire la dépense publique, réduire le coût du travail en fiscalisant une partie du financement de la protection sociale (relance de la TVA sociale), mettre les allocations familiales sous conditions de ressources...Il propose (rejoignant les mesures envisagées dans la RGPP) d’affaiblir le rôle des administrations centrales et de généraliser les « agences de délégation de services publics », considérées a priori comme moins coûteuses et plus efficaces.

Estimant (à juste titre) que la jeunesse doit être mieux préparée à la société de la connaissance, il ne propose dans ce cadre que d’ouvrir 10 pôles d’enseignement supérieur, avec un financement privé pouvant aller jusqu’à 80% ! Il vise non seulement le démantèlement de l’enseignement supérieur public, mais aussi l’hyperconcentration géographique, structurelle et thématique de la recherche sur quelques créneaux ; quant aux personnels, ils verraient ainsi leurs statuts désintégrés et leurs carrières totalement individualisées. Dans la même logique de concurrence et d’ignorance de la question des inégalités, il propose par exemple la liberté totale pour les parents de choisir le lieu de scolarisation de leurs enfants ou l’évaluation des agents publics par les usagers, sans mettre en cause les suppressions d’emplois qui affaiblissent les services publics et la disparition, en milieu rural notamment, de services publics de proximité.

Pour l’entreprise il préconise le contrat plutôt que la loi, et la possibilité de déroger aux 35 heures. De plus, il suggère de redéfinir le licenciement qui pourrait prendre en compte de nouveaux motifs comme la réorganisation de l’entreprise ou l’amélioration de la compétitivité.

Le rapport va jusqu’à remettre en cause le principe de « précaution » et une partie des avancées du tout récent Grenelle de l’environnement.

Au delà des quelques mesures présentées comme iconoclastes et qui ont peu de chance d’être appliquées (comme la relance de l’immigration de travail ou la suppression des départements au profit des régions et de l’intercommunalité), le rapport fait preuve d’un grand dogmatisme qui ignore les questions du développement durable, le rôle et l’importance des solidarités, des collaborations, des droits et des services publics dans la société.

Communiqué FSU

Les Lilas le 23 janvier 2008

6) Sarkozy adopte la révolution sociale-libérale proposée par Attali (Le Temps, Suisse)

« Votre Majesté... » : Nicolas Sarkozy a souri lorsque Jacques Attali s’est adressé à lui, mercredi, sous la verrière de l’Elysée. L’ancien conseiller de François Mitterrand citait une lettre de Turgot, ministre libéral de Louis XVI, qui exhortait le souverain à combattre « la foule des préjugés qui s’opposent à toute réforme ». Assisté d’une brochette d’experts et de grands patrons, Jacques Attali a présenté au président 316 propositions qui visent à sortir l’Hexagone du marasme des dernières années : croissance molle, salaires bas, chômage élevé.

Institutions « fossilisées »

La France de 1774 - année où Turgot écrivit sa lettre - offre quelques parallèles avec celle d’aujourd’hui : des finances publiques déficitaires, des impôts excessifs, le conservatisme de castes privilégiées. La France, affirme le rapport remis par Jacques Attali, « reste très largement une société de connivence et de privilèges » où « tout est contrôlé dans un climat de méfiance générale ». Victime d’institutions « fossilisées », le pays est menacé de « déclassement » et ses citoyens de « prolétarisation ».

Quelques chiffres appuient cette analyse : la croissance moyenne depuis l’an 2000 n’est que de 1,7% ; les élèves français lisent moins bien que les Russes ; 17% des jeunes sortent de l’école sans diplôme et 45% de la population n’utilise jamais Internet.

Que faire ? Le rapport propose trois types de mesures. Certaines sont consensuelles : favoriser l’apprentissage de l’anglais ; permettre l’accès de tous à l’Internet à haut débit ; favoriser les énergies renouvelables. D’autres ont déjà été adoptées ou sont en voie de l’être : faciliter la rupture amiable du contrat de travail ; rendre les syndicats plus représentatifs ; évaluer les politiques publiques. D’autres, enfin, sont neuves et risquent de provoquer des résistances considérables : ouverture à la concurrence des professions protégées (des taxis aux coiffeurs) ; instauration de la liberté totale des prix dans le commerce ; basculement des cotisations salariales vers les impôts indirects comme la TVA.

Jacques Attali souligne que son rapport est « prêt à être appliqué » et que « la fenêtre d’opportunité est très brève ». Mais son contenu est politiquement explosif dans un pays où diverses catégories - paysans, camionneurs, étudiants, etc. - ont pris l’habitude de s’opposer violemment aux réformes qui ne leur plaisent pas. D’où la question : que va faire Nicolas Sarkozy de ces propositions ?

« La main ne tremblera pas »

Dans un passé récent, d’autres rapports - celui de Michel Camdessus sur la croissance en 2004, celui de Michel Pébereau sur la dette en 2006 - avaient influencé le débat public, sans être vraiment appliqués. Cette fois, Nicolas Sarkozy promet que la mise en œuvre du rapport Attali commencera en février, et qu’un premier bilan sera tiré dans six mois. « Vous dites : il ne faut pas que la main tremble. Elle ne tremblera pas. Mais il faut qu’on explique [ces mesures] », a-t-il lancé à ses auteurs.

Pour le président, le rapport est l’occasion de redonner consistance et lisibilité à son programme de réformes, au moment où sa popularité s’effrite et où des doutes subsistent sur les priorités de son quinquennat. Il entend appliquer « une très grande partie » des propositions, mais en rejette d’autres, comme la suppression des départements (inutile et coûteuse politiquement, selon lui), la création de dix nouvelles villes écologiques ou la suppression du monopole des pharmaciens sur la vente de médicaments.

Sur un point crucial, Nicolas Sarkozy reste évasif : il ne dit pas s’il va baisser les prélèvements sociaux qui pèsent sur les salaires. Cela réduirait le coût du travail mais nécessiterait, comme en Allemagne, une hausse de la TVA qui pourrait faire augmenter les prix. « Vous parlez d’une quadrature du cercle... c’est pire ! » a estimé le président.

Sur le plan politique, en revanche, le rapport Attali a l’avantage immédiat d’augmenter la confusion au Parti socialiste. Celui-ci a condamné le rapport, tandis que Ségolène Royal, dont un conseiller, l’économiste Philippe Aghion, est l’un des auteurs, a fait des commentaires favorables.

Les propositions-phares du rapport Sylvain Besson • Abaisser le coût du travail : les salariés et les entreprises subissent de lourds prélèvements (80% du salaire net) pour financer les retraites et les dépenses de santé. Mais réduire ces cotisations impliquerait d’augmenter la TVA, ce qui pèserait sur la consommation.

• Investir dans la petite enfance : le but est de favoriser la « confiance primitive » de l’enfant, cruciale pour la réussite scolaire, en augmentant le nombre et en améliorant la formation des assistantes maternelles.

• Faire de Paris une grande place financière : le rapport propose de favoriser ce secteur en adoptant une réglementation financière et boursière calquée sur celle du Royaume-Uni.

• Autoriser un quatrième opérateur de téléphones mobiles : l’oligopole constitué des trois opérateurs actuels (Orange, SFR, Bouygues) permet le maintien de prix élevés. L’entrée d’un nouvel arrivant sur ce marché favoriserait une baisse des tarifs.

• Augmenter le nombre de taxis à Paris : avec 15300 véhicules, la capitale française est notoirement sous-équipée. Le rapport propose d’abolir les barrières à l’entrée de nouveaux taxis pour arriver à 60000 véhicules. Les professionnels ont déjà exprimé leur opposition.

• Supprimer les « niches fiscales » : quelque 60 déductions applicables à l’impôt sur le revenu « avantagent les plus riches », selon le rapport, et minent les finances publiques. Leur nombre devrait être réduit.

• Rétablissement de la concurrence dans le commerce : les lois votées par la droite pour protéger le petit commerce entravent la grande distribution, freinent l’emploi et nuisent au pouvoir d’achat. Nicolas Sarkozy se dit favorable à une libéralisation drastique, mais des réticences existent au sein de sa majorité.

• Augmenter l’immigration:les pays européens qui ont ouvert leur marché du travail aux étrangers (Suède, Irlande, Grande-Bretagne) ont bénéficié d’une croissance plus forte. Selon l’un de ses conseillers, Sarkozy n’est pas hostile à une augmentation de l’immigration économique. Mais c’est un sujet qu’il n’a pas mentionné en recevant le rapport.

Sylvain Besson, Paris Jeudi 24 janvier 2008

De : Le temps ( Suisse)

7) Le rapport Attali, un ramasse-poussière (Le Soir, Belgique)

NICOLAS SARKOZY A-T-IL parlé trop vite quand, recevant à l’Elysée les 43 grands esprits de la commission Attali sur la croissance, il avait lancé, avec un enthousiasme bien imprudent : « Je ferai tout ce que vous recommanderez » ? Certaines propositions du rapport embarrassent l’Elysée.

Nicolas Sarkozy a-t-il parlé trop vite, le 30 août dernier quand, recevant à l’Elysée les quarante-trois grands esprits de la commission Attali sur la croissance, il avait lancé, avec un enthousiasme bien imprudent : « Je ferai tout ce que vous recommanderez » ? Alors que l’ancien conseiller de François Mitterrand lui a solennellement remis hier les 316 propositions de son rapport pour débrider l’économie française, le Président a semblé bien embarrassé. « J’adhère à l’essentiel des conclusions », a expliqué Nicolas Sarkozy. Tout en ajoutant aussitôt : « J’assumerai quelques désaccords »...

C’est que le rapport Attali, fruit de quatre mois de travaux bénévoles pour des intellectuels français et étrangers de tous bords politiques, se révèle pour le moins iconoclaste. Parmi les vingt propositions essentielles qu’il recommande pour gagner le point de croissance qui manque tant à la France, quelques-unes sont décoiffantes. Le rapport Attali conseille de recourir à l’immigration pour combler les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs. Il prône la suppression des départements, un échelon administratif aussi inutile que coûteux selon les membres de la commission. La déréglementation de certaines professions (taxis, coiffeurs, pharmaciens, etc.) est également recommandée. Tout comme la libéralisation des prix dans la distribution. Le rapport pousse en outre assez loin la logique d’évaluation. Les entreprises publiques seraient ainsi notées par les usagers, et les professeurs par leurs élèves. « Il y a là de quoi faire sauter n’importe quel gouvernement », comme disait autrefois l’ancien premier ministre Michel Rocard à propos de la réforme des retraites. Mais il est vrai que depuis, Nicolas Sarkozy, l’a faite, cette réforme des retraites...

Comment le Président se tirera-t-il cette fois du piège dans lequel il s’est lui-même enfermé ? Comme pour lui rappeler ses promesses, Jacques Attali a mis la pression hier. « C’est un rapport prêt à être mis en place, prêt à être appliqué et pas à être mis à l’étude », a-t-il averti. « Aucune des mesures qui est là ne peut s’appliquer sans être prise dans un ensemble. Ce serait comme si, pour une voiture, on enlevait le frein gauche et pas le droit ».

Mais comment ouvrir de tels chantiers sans mettre la France en émoi ? Le chef de l’État, quitte à se déjuger, a déjà désamorcé quelques bombes. Il a fait savoir qu’il était en désaccord avec la suppression des départements. « Je ne crois pas que les Français soient prêts à renoncer à leur légitimité historique ». De même, il a déjà écarté l’idée de supprimer l’inscription du principe de précaution dans la Constitution. Cette mesure aurait été complètement illisible après le « Grenelle de l’environnement », présenté comme un engagement historique en faveur de l’écologie. Nicolas Sarkozy n’a rien dit encore sur l’immigration. Mais on voit mal comment il pourrait suivre la recommandation du rapport Attali d’ouvrir les frontières alors qu’il a précisément regretté il y a quinze jours de n’avoir pas été assez ferme dans sa politique des quotas... De même, pour celui qui en campagne présidentielle n’avait pas cessé de fustiger l’héritage de mai 68, la recommandation de faire évaluer les profs par les élèves, paraît pour le moins compliquée à suivre...

Si doper la croissance reste bien sûr sa priorité, d’autant que c’est sur le pouvoir d’achat qu’il est le plus attendu, Nicolas Sarkozy aura fort à faire pour ne pas décevoir les membres de la commission Attali qu’il a promis de revoir dans six mois pour un suivi des travaux. En délicatesse avec les sondages, ce n’est pas le moment pour le chef de l’État d’engager des réformes impopulaires.

Et ce n’est pas sa seule difficulté. Sa majorité exprime de plus en plus ouvertement son malaise. Réticents devant les recommandations du rapport Attali, plusieurs parlementaires UMP ne se privent pas de le faire savoir. « Au final, c’est bien le Parlement qui décidera de ce qui sera retenu ou pas », a dû les rassurer le premier ministre François Fillon.

De là à penser que les propositions de la commission finiront au classement vertical, il n’y a qu’un pas. L’opposition l’a déjà franchi. Le premier secrétaire du parti socialiste François Hollande résume : le rapport Attali deviendra un ramasse-poussière.

JOELLE MESKENS

8)Propositions Attali : Un rapport sur mesure pour Sarkozy (L’Humanité)

La commission présidée par Jacques Attali a rendu au président Nicolas Sarkozy son rapport sur « la libération de la croissance » française. Ce rapport en partie révélé par les Échos a pour objectif de « changer la France ». Moins de cinq mois après l’installation de la commission, c’est un pavé de plus de 200 pages qui compte en fait 314 propositions, déclinées autour de « huit ambitions » et vingt mesures jugées « fondamentales ». Hasard du calendrier, Ce rapport tombe deux jours après le « Black Monday » (lundi noir), qui a vu s’effondrer les Bourses de la planète à un niveau jamais atteint depuis les attentats du 11 septembre 2001. Ce krach boursier n’est pas « un événement malheureux » visant à corriger les erreurs des spéculateurs mais bel et bien l’illustration de capitalisme financier plébiscité dans le traité européen n’imposant aucune règle sur les marchés financiers et mettant en péril les structures industrielles et bancaires.

Les propositions qui sont exposées balayent un très grand nombre de thèmes, avec une large place faite à l’enseignement : apprentissage de l’économie dès l’école primaire, création de dix pôles d’enseignement et de recherche financés à 80 % par des fonds privés ; aux PME : réduction du délai de paiement, à un mois, de l’État et des grandes entreprises, un aménagement de la fiscalité propre aux entreprises réalisant moins de 50 000 euros de chiffre d’affaires, sous forme d’un prélèvement unique au taux de 10 %. Les mesures pour fluidifier le marché du travail sont vivement critiquées par la CGT. Pour elle, ce rapport préconise indirectement « un renforcement de l’exploitation des salariés », par la dérogation à la durée légale du travail, la volonté de « faire sauter la référence à 65 ans pour toucher une retraite à taux plein » ou encore de « libérer totalement le cumul emploi-retraite », et le « développement des fonds de pension à la française ».

« La récession profonde, longue et globale »

Toutefois, l’ensemble de ces mesures n’a rien de véritablement nouveau, elles s’inscrivent dans la lignée des réformes libérales et de remise en cause des acquis déjà engagées dans les différents ministères. Christine Lagarde a affirmé à cet égard dimanche sur France Inter que « sur toute une série de points, nous avons anticipé », elle a notamment cité « la réforme du marché de l’emploi par la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, pour fluidifier le marché ». Cette commission qui se voulait « non partisane » et qui devait répondre à un véritable besoin de propositions pour booster la croissance s’est cantonnée à appuyer le désir du MEDEF et du président de la République. Il n’y avait donc aucun risque pour Nicolas Sarkozy de déclarer lors du lancement de la commission : « Ce que vous - Jacques Attali - proposerez, nous le ferons. »

Pour le moment, il manque un élément essentiel : la logique financière et les risques qu’elle fait courir à l’activité économique quand les investisseurs se livrent au jeu de la spéculation et des visions de court terme, au lieu d’investir dans la recherche et le développement, et les projets porteurs d’emploi qualifiant et durable. Pire encore, la commission Attali encouragerait la logique financière actuelle en modifiant la fiscalité de l’épargne pour favoriser le risque plus que la rente. Mais la politique de rigueur annoncée par une baisse des dépenses publiques de 1 % du PIB par an, pendant cinq ans et des réductions d’impôts des ménages les plus aisés n’est pas suffisante pour passer au travers de « la récession tant annoncée qui pourrait ne pas être superficielle, éphémère et limitée aux États-Unis... mais profonde, longue et globale », comme a averti mardi le quotidien britannique The Guardian. Force ouvrière a rappelé que « derrière les indices boursiers, ce sont des activités et des emplois qui supporteront indirectement les conséquences de la crise financière ». L’organisation a expliqué que si « les gouvernements européens sont incapables de mettre en oeuvre un plan de relance, ce sont les salariés qui peuvent en prendre l’initiative en revendiquant des hausses de salaires et l’augmentation de leur pouvoir d’achat, pour soutenir la consommation, la croissance et l’emploi ».

Clotilde Mathieu


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