Bolivie : Morales joue le tout pour le tout

vendredi 7 mars 2008.
 

Le président Morales a promulgué hier la loi de référendum constitutionnel, par laquelle il essaie de mettre en vigueur la Constitution approuvée à Oruro. L’opposition l’accuse de "dictateur".

La roulette des urnes recommence à tourner et Evo Morales a décidé de jouer le tout pour le tout, son avenir politique et la présidence de la Bolivie en un seul évènement électoral le 4 mai. Jeudi soir, le Congrès a approuvé la convocation à la consultation sur la Constitution Politique de l’État au milieu d’une prise du Palais Législatif de la part des indigènes aymaras et de mineurs loyaux à Morales et le président a promulgué la consultation hier au milieu d’une fête de mouvements sociaux sur la place Murillo de La Paz. De plus, le Parlement en a profité pour changer la loi de référendum en vigueur depuis 2004, laquelle empêche que les préfets (gouverneurs) peuvent convoquer des consultations sur l’autonomie à l’intérieur de leurs provinces. Et c’est que Morales avait besoin de donner une démonstration de force sociale. Avec une vague croissante de demandes d’autonomie qui est même arrivée à La Paz, le président avait besoin que le projet de Constitution soit légitimé par le vote populaire.

Morales est fatigué de toutes les formalités que l’institution étatique exige pour vérifier ses politiques et, devant les freins qu’il sent que l’opposition lui oppose, il essaye d’accélérer les processus au travers du vote. "Ils disent que la Constitution a été approuvée de manière illégale, mais laissons les gens décider avec leur vote si c’est le cas ou non", a-t’ dit mercredi, et hier, durant la promulgation des lois, il a ajouté : "Le référendum est le moyen le plus démocratique que nous ayons, il faut consulter le peuple pour qu’il décide du futur du pays. Nous parlons d’un référendum sur la nouvelle Constitution qui permette de refonder la Bolivie".

L’opposition, avec à sa tête l’ex-président Jorge Quiroga, a accusé Morales de "dictateur" et a exigé du secrétaire général de l’OEA (Organisation des Etats Américains), Miguel Insulza, de se prononcer ui se sur ce qui est arrivé dans le pays. Depuis Washington, Insulza a exprimé hier "sa préoccupation" au travers d’un communiqué de presse. Le président du Sénat, l’opposant Oscar Ortiz, est allé au-delà et a demandé au voisinage sud-américain de revoir leurs relations avec la Bolivie en raison de ce qui a eu lieu au Congrès.

Et ce qui a eu lieu c’est que, face à l’intransigeance de l’opposition, qui a entravé le débat parlementaire, Morales a recommencé à utiliser ses tactiques d’adversaire pour épurer les lois qui consolident le changement qu’il veut pour la Bolivie. C’est pour cela que vendredi dernier, Isaac Avalos, leader des paysans de Bolivie et député suppléant du parti de gouvernement, a appelé à un encerclement du Congrès pour accélérer le processus. Rapidement, le gouvernement d’Evo Morales a levé les mains et a expliqué qu’il respecte les décisions des mouvements sociaux, mais qu’il ne les contrôlait pas ni assumait la responsabilité pour ce qui pouvait arriver. Quelque chose d’identique avait dit quelques heures auparavant le vice-président, Alvaro García Linera, qui de plus a demandé du temps pour continuer de négocier et a proposé une trêve de deux mois pour trouver une solution pacifique au problème. La proposition de négociation est tombée comme une lettre morte et l’encerclement paysan s’est radicalisé avec l’arrivée de trois mille cocaleros du Chapare et de mineurs.

Avec plus de six mille personnes sur la place Murillo le Congrès s’est retrouvé contrôlé par paysans, mineurs et étudiants. Les portes du Palais Législatif ont été contrôlées par la Police dite Communautaire -les groupes de sécurité indigène-. Cela a laissé "captive" une vingtaine d’opposants qui ont même eu des difficultés pour assister à la séance parlementaire présidée par García Linera.

Bien que l’opposition dispose des parlementaires suffisants pour freiner les initiatives, vu que ces décisions se prennent au deux tiers, ses députés et sénateurs ne sont pas entrés dans l’hémicycle. Deux députées l’ont tenté, Ninoska Lazarte et Marisol Abán, mais elles ont été expulsées.

Dans son discours de promulgation, Morales a comparé ces faits à la révolution de 1952. "Avant les indigènes étaient traités comme des animaux, mais le peuple avec fusil à l’épaule s’est levé pour lutter contre l’exclusion. S’il n’y a pas de peuple conscient qui pense à l’unité de sa patrie, je ne pourrai pas garantir le processus de changement", a-t’il ajouté.

Dans les régions qui revendiquent leurs autonomies, les décisions de Morales ont été reçues par un calme inopiné. Malgré le fait que l’une des lois défend aux préfets de convoquer des consultations dans leurs juridictions, leaders civiques et autorités annoncent que le référendum sur les statuts d’autonomies convoqué pour le 4 mai et le 1 juin à Santa Cruz et Beni, respectivement, continueront leur cours et attendront que Tarija, Pando, Cochabamba, Chuquisaca et La Paz continuent leurs processus.

Pablo Ortiz, Pagina/12, 01 mars 2008.


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