1er tour des municipales : décryptage en chiffres Abstention urbaine et inégale mobilisation populaire

vendredi 14 mars 2008.
 

L’abstention atteint les 35% au plan national, soit le niveau le plus fort jamais enregistré aux municipales sous la Vème République. L’abstention progresse par rapport aux précédentes municipales de 2001 (32%), et encore plus par rapport à la présidentielle où elle était tombée à 16%. Le pays semble donc renouer avec la tendance lourde de progression de l’abstention, qui s’était inversée à partir du référendum de mai 2005. Cette abstention est particulièrement concentrée dans les zones urbaines.

L’abstention dans les quartiers populaires

Elle atteint 43% à Paris et Toulouse. Elle dépasse les 45% à Lyon, Grenoble, Montpellier, Nancy, Metz, Strasbourg, Lille. Et au sein des zones urbaines, elle est encore plus prononcée dans les quartiers populaires. Ainsi l’abstention atteint 54% à Tourcoing, 60% à Roubaix, et plus de 55% dans la plupart des villes populaires de banlieue parisienne (Saint-Denis, Sarcelles, Grigny, Stains, Mantes-la-Jolie...) Exactement l’inverse de la présidentielle, où les banlieues pauvres s’étaient particulièrement mobilisées pour faire barrage à Sarkozy. Cette démobilisation des banlieues montre que le paysage actuel de la gauche n’y incarne pas une alternative forte et durable. Cela permet parfois à la droite de l’emporter dès le 1er tour dans des villes populaires comme Mantes-la-Jolie.

L’abstention bourgeoise

Exactement à l’opposé du spectre sociologique, on observe aussi dans ce 1er tour une certaine démobilisation de l’électorat bourgeois le plus traditionnellement ancré à droite : l’abstention progresse ainsi spectaculairement dans les 7ème et 16ème arrondissements de Paris. Ce dernier détient même le record de l’abstention parisienne avec plus de 50% contre 42% en 2001. Cela traduit le doute de beaucoup d’électeurs de droite face à Sarkozy et le début d’une crise politique à droite. Ce doute à droite a certainement aussi aidé la gauche à conquérir dès le 1er tour des villes plutôt ancrées à droite, comme Laval, Alençon ou Rodez. Ces villes se situent aussi dans une France plus rurale où la mobilisation populaire a en revanche été beaucoup plus forte. L’Aveyron, l’Ariège, la Corrèze ou la Lozère ont ainsi voté à plus de 70%. De quoi soutenir la percée de la gauche à Rodez (29% d’abstention) ou à Mende (24%), elle aussi réputée imprenable alors que les deux listes de gauche y totalisent une majorité de voix à l’issue du 1er tour. Idem à Bastia où la forte participation (75%) permet à Emile Zuccarelli d’être en situation de l’emporter au second tour notamment face aux régionalistes.

Le mythe du Modem

Le Modem est omniprésent dans les débats médiatiques mais largement inexistant dans les urnes comme en atteste son score national d’à peine 4 %.

Le Modem invisible dans les victoires de la gauche :

Dans aucune des grandes villes conquises sur la droite dès le 1er tour, la gauche n’était alliée au Modem. A Rouen, Rodez, Laval, Alençon, le Modem soutenait au contraire la droite sortante au 1er tour. Dans ces villes parfois réputées de droite ou centriste, la gauche a donc gagné sous ses couleurs, sans le centre, et même souvent contre lui. A Lyon aussi, où l’influence du Modem était réputée décisive, la gauche unie l’emporte au 1er tour avec 53% sans le Modem qui s’est dilué entre soutien à la droite et autonomie (6,02%).

La gauche n’a pas besoin du Modem au second tour :

A Paris, là où Bayrou dépassait les 20%, le Modem n’obtient que 9% et encore il fait son meilleur score dans un des arrondissements les plus à droite, le 7ème (avec 15,7%). A Toulouse, son apport n’est pas non plus décisif puisqu’il fait très nettement moins que la gauche radicale (5,9% contre 11,65% pour l’extrême gauche).Idem à Marseille où il fait quasiment le même score que la LCR, à la différence près que la LCR fait ses meilleurs scores dans des secteurs populaires décisifs pour la gauche, notamment le 1er secteur où Menucci et Roatta sont au coude à coude et où la LCR dépasse les 7%. A l’inverse, l’électorat Modem marseillais est beaucoup plus dispersé et insaisissable.

Les alliances PS-Modem n’ont pas payé :

Là où des socialistes avaient expérimenté des alliances avec le Modem dès le 1er tour, rien ne montre que cette stratégie a été particulièrement payante. A Grenoble ou à Montpellier, cela n’a pas permis à la gauche de l’emporter au 1er tour alors qu’elle était sortante. Dijon est l’exception, mais il est impossible de savoir si la victoire de Rebsamen au 1er tour a un rapport avec son alliance avec le Modem. Les cas où cette alliance a été contre-productive pour la gauche sont en revanche plus explicites. A Roubaix l’alliance PS-Modem-PCF a profité à d’autres listes de gauche (Verts à 14% et extrême gauche à 8%) et a certainement contribué à faire progresser l’abstention chez des électeurs de gauche désemparés (60, 5% d’abstention à Roubaix, soit un record de France). A Alès, ville très populaire de 40 000 habitants, l’alliance PS-Modem bruyamment mise en scène avec le soutien de Ségolène Royal a fait chuter le PS à 16,5% derrière le PCF qui est remonté à 24%.

Forte résistance du PCF et radicalisation à gauche

Le PCF est en situation de conserver quasiment toutes ses villes, y compris quand le PS essayait de les lui disputer. Il arrive devant le PS dans 6 des 7 villes du 93 où le PS avait présenté des listes autonomes : La Courneuve, Aubervilliers, Saint Denis, Bagnolet, Villetaneuse et Tremblay. Dans cette dernière ville, le choix d’une majorité d’élus sortants socialistes de rester unis avec le PCF a permis à la liste du maire sortant de dépasser les 70% contre à peine 13% pour la liste socialiste autonome soutenue par la fédération de Seine-Saint-Denis. Même résistance communiste dans le Rhône où le PCF conserve Vénissieux et Givors dès le 1er tour et où il parvient même à l’emporter à Vaulx-en-Velin face à une liste socialiste autonome. Phénomène identique dans les Bouches du Rhône où Aubagne et Martigues sont regagnées au 1er tour alors même que Sarkozy y était majoritaire à la présidentielle. Sans parler de Gardanne où le PCF obtient 55% alors que la liste autonome du PS se fracasse à 13%.

Cette capacité de résistance est encore décuplée quand le PCF se trouve en situation de conduire l’union de la gauche. Le PCF conquiert ainsi sur la droite Vierzon et Dieppe dès le 1er tour, avec, pour cette dernière un niveau de participation populaire très supérieur à la moyenne nationale (70%). En passant devant le PS au Havre, à Nîmes, Sète, Corbeil-Essonnes ou Villeneuve-Saint-Georges, le PCF démontre aussi sa capacité à entraîner l’ensemble de la gauche. Ceux qui au PS avaient cru pouvoir se passer de lui ont parfois eu la surprise de le voir faire quasi jeu égal comme à Valenciennes (16,57% contre 18% pour le PS) ou à Avignon (14% contre 21% pour le PS) Un cruel démenti à ceux qui prétendaient remplacer le PCF par le Modem dans leur stratégie d’alliance au nom de l’efficacité électorale.

Les excellents résultats du PCF s’accompagnent d’une radicalisation d’une partie de l’électorat de gauche. Même si ses résultats sont très inégaux sur le territoire, l’extrême gauche enregistre une poussée spectaculaire dans certaines villes : près de 14% à Clermont Ferrand, 9% à Valenciennes, 8% à Roubaix et à Agen. On est loin là aussi de la course au centre et à la modération que certains avaient cru déceler dans l’élection présidentielle. Sous l’abstention, la radicalisation.


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