Quelle est la politique économique de Nicolas Sarkozy ?

dimanche 1er juin 2008.
 

Série de questions à Lîem Hoang-Ngoc sur France Inter, chez Patricia Martin

Souvenez-vous Patricia, en 1970, Richard Nixon déclarait : « Nous sommes tous keynésiens ». A peine dix ans plus tard, la Reaganomics incarnait la rupture de l’Amérique néo-conservatrice avec trente ans de Keynésianisme.

Au cours de ces trente glorieuses, le Keynésianisme à la française était incarné par la figure du Général de Gaulle. Avec la Sarkonomics, la rupture avec le gaullisme économique sera l’œuvre des gaullistes eux-mêmes, non sans quelques complicités. Elle a pour but de rendre irréversible le détricotage du compromis de 1945. Elle est explicitement à l’œuvre depuis quinze ans, au cours desquels la France est loin d’avoir été immobile. Seuls les travailleurs sont restés endormis, acceptant l’effort presque sans broncher.

« L’ouverture à la concurrence » est en passe de s’achever dans tous les secteurs stratégiques. Le système fiscal a été rendu de moins en moins redistributif. Les retraites ont été « réformées ». La part des dépenses de l’Etat a diminué. Le marché du travail est plus flexible qu’au Danemark, pays de la « flexisécurité ». La part des salaires dans la valeur ajoutée a reculé de dix points. L’autonomie des universités est en marche.

Les prochains chantiers enfonceront un peu plus le clou. La Revue Générale des Politiques Publiques réduira l’armée des hussards de la République. Une nouvelle « réforme » des retraites allongera la durée de cotisation et réduira le niveau des pensions, condamnant les salariés à souscrire aux fonds de pensions. La « modernisation » du marché du travail dépouillera le CDI de ses protections. La montée en puissance des franchises pourrait conduire à la privatisation progressive de l’assurance maladie.

La politique économique de Nicolas Sarkozy est à cet égard parfaitement cohérente. Elle souffre inévitablement de « couacs » impopulaires parce qu’elle creuse les inégalités, au nom de l’efficacité. Elle n’a malheureusement pas provoqué de choc sur la croissance et creusera les déficits publics, malgré ses intentions.

Le mal n’est pas propre à la France, certes plus atteinte au cours de ces dernières années. La Sarkonomics est la copie « bling-bling » de la politique conduite par nos partenaires européens, dont on vante l’exemplarité. Or la zone euro est celle où la croissance est la plus faible du monde. La monnaie est surévaluée. Les déficits se creusent. Le pouvoir d’achat baisse. L’investissement est à la traîne.

La Reaganomics s’était aussi soldée par un échec économique. La production industrielle s’était effondrée. Le dollar était surévalué. Les déficits jumeaux (du budget et du commerce extérieur) s’étaient creusés.

Les Etats-Unis sont redevenus keynésiens sans le dire depuis 1985. Aujourd’hui, face à la récession qui s’annonce, ils baissent les taux d’intérêt, dévaluent leur monnaie et pratiquent le déficit budgétaire. Au même moment, la France et l’Eurogroupe sont plombés par un euro cher. Au nom du respect dogmatique du pacte de stabilité, les plans de rigueur nous plongent dans le cercle vicieux de la décroissance et des déficits. L’approfondissement des « réformes structurelles », réclamé par des apprentis sorciers, ne fera que serrer la corde autour du cou d’un pendu qui ne respire déjà plus.

Le dicton du jour : « Jusque-là, tout va bien » (c’est dans « La haine », le film de Mathieu Kassowitz, diffusé ce soir à la télévision).


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