Du 16 au 18 septembre 1982 : Israéliens et fascistes chrétiens dans le génocide des Palestiniens à Sabra et Chatila (témoignage)

dimanche 17 septembre 2023.
 

Le massacre de Sabra et Chatila (deux camps de réfugiés palestiniens de Beyrouth-Ouest au Liban) a été perpétré, du 16 au 18 septembre 1982, par la milice chrétienne libanaise dirigée par Elie Hobeika, dans un secteur occupé par l’armée israélienne ; le nombre de victimes varie suivant les sources entre 3000 et 3500.

Sabra et Chatila : Israéliens et phalangistes génocident les Palestiniens

Le 16 décembre 1982, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait, une résolution décidant que ce "massacre est un acte de génocide."

Témoignage d’une rescapée

« Mon nom est Souad Srour El Marai, réfugiée palestinienne vivant au Liban. Je vais essayer de vous résumer ce qui m’est arrivé, à moi et à ma famille, pendant les massacres de Sabra et Chatila lors de l’invasion israélienne de Beyrouth en 1982. J’avais alors 17 ans. Dans l’après-midi du 16 septembre, j’étais en compagnie de mon frère de 12 ans ; nous étions en route vers un des camps de réfugiés dans lequel nos amis s’abritaient des bombardements et pour leur demander de nous raccompagner chez nous.

En route, nous avons vu des choses effrayantes, des corps étendus sur la route pleins de sang, nous avons entendu des cris de lamentation et de souffrance. Soudain, j’ai entendu une voix qui m’appelait. C’était notre voisin Abou Redha qui me demandait de l’aider. Il m’a dit :

« Ils nous ont massacrés, ils ont violé nos filles et ils ont pris tous les enfants entre 12 et 16 ans. » Puis il m’a demandé de quitter notre maison, car ils reviendraient encore une fois pour tuer tous ceux qui resteraient dans le camp. Pendant que je me demandais qui avait commis toutes ces atrocités, une voix m’a surpris : « Vous êtes encore en vie, bande de chiens ? »

Nous avons couru à la maison pour raconter cet incident terrible. Mon père a alors dit qu’il ne nous arriverait pas plus que ce qui nous est destiné par Dieu, que c’est lui qui nous crée et il fait de nous ce qu’il veut.

Nous sommes restés chez nous jusqu’à l’aube du lendemain. Le vendredi 17 septembre, vers 16 h 30, notre voisine, qui avait passé la nuit chez nous, est montée, en compagnie de mon frère de 11 ans, sur le toit de notre maison pour voir ce qui se passait, afin que nous puissions décider si nous devions rester à la maison ou la quitter. Lorsqu’ils sont montés, ils ont été vus par des miliciens qui étaient sur une colline proche. Ils ont eu peur et ils sont redescendus en vitesse pour nous dire ce qu’ils avaient vu. Quelques instants plus tard, nous avons entendu quelqu’un frapper à la porte. Mon père a demandé : « Qui est là ? » Ils ont dit : « Nous sommes des Israéliens et nous voulons fouiller la maison. » Mon père a ouvert la porte. Il y avait 13 soldats armés. Quelques-uns sont entrés et nous ont encerclés, d’autres sont montés sur le toit de la maison et les derniers sont restés à l’extérieur.

Je me suis mise avec ma petite sœur à côté de mon père pendant que mes autres frères et sœurs se sont mis à côté de notre mère et de la voisine. Mon père les a bien reçus et les a invités à s’asseoir. Un des hommes a dit : « Nous voulons prendre tout ce qui se trouve dans votre maison. » Alors, je lui ai demandé : « Pourquoi voulez-vous tout prendre, après nous avoir pris la chose la plus chère, notre terre, que voulez-vous encore prendre ? » Mon père l’a supplié : « Prends tout ce que tu veux sauf mes enfants. » Le soldat l’a lors frappé si fort au visage qu’il s’est mis à saigner. Je n’ai pas pu me contrôler et j’ai commencé à crier : « Comment pouvez-vous frapper un homme aussi âgé que mon père ? » Ils m’ont alors frappée et jetée au sol. J’ai senti de terribles douleurs et j’ai commencé aussi à frapper le soldat qui m’avait attaquée. Ils ont alors pris tout notre argent et nos bijoux, même l’alliance de mon père. L’un d’eux nous a ordonné de rentrer dans une des chambres, de regarder vers le mur et de ne pas nous retourner.

Ma petite sœur d’un an et demi a levé la main et demandé à ma mère de la prendre dans ses bras, car elle était effrayée. Alors, ils ont commencé à tirer sur nous. Ma petite sœur a reçu une balle dans la tête. Mon père a été touché à la poitrine mais était encore en vie. Mes frères et sœurs Chadli, 3 ans, Farid, 8 ans, Bassam, 11 ans, Hajer, 7 ans et Chadia, 1 an 1/2 ainsi que notre voisine sont morts sur le coup.

Seuls mes deux frères Maher, 12 ans et Ismaïl, 9 ans sont restés indemnes parce qu’ils étaient cachés dans les toilettes. Ma sœur Nihad, 16 ans et ma mère n’ont pas été grièvement touchées. Et moi, j’étais paralysée.

Les soldats, qui croyaient que nous étions tous morts, sont partis. Nous avons commencé à vérifier qui était encore en vie et qui était mort. Nous avons demandé à ma mère, à mon frère et à ma sœur d’aller chercher des secours. Moi, je suis restée avec mon père qui était grièvement blessé. Nous étions entourés par les cadavres des membres de notre famille. C’était un moment horrible que je n’oublierai jamais.

Vers 10 heures du matin, 3 soldats sont revenus pour prendre l’argent qu’ils avaient oublié à l’intérieur de la maison. Ils ont vu que je

bougeais encore et que j’essayais de me rapprocher de mon père. Ils ont commencé à m’insulter et à m’humilier, puis ils m’ont dit :

« Regarde bien ce qu’on va te faire devant ton père. » Ils m’ont alors violée l’un après l’autre sous les yeux de mon père et ensuite, ils m’ont tiré dessus, me blessant à la main gauche. Puis ils sont partis.

Mon père a dit : « Que Dieu te vienne en aide, ma fille », puis il a rendu l’âme, car il ne pouvait supporter de voir ce qui m’était arrivé.

C’était horrible, d’autant plus que j’ai vécu ça sous les yeux de mon père. Ils sont revenus une nouvelle fois le soir et ils étaient fous furieux de me voir encore en vie et en train de boire. Ils m’ont tiré deux fois dessus, me touchant à la tête. Je me suis alors évanouie.

J’ai été réveillée par le miaulement des chats qui tournaient autour des cadavres. Avec ma main indemne, j’ai essayé de recouvrir les corps avec des couvertures, mais je n’y suis pas parvenue.

Dans la matinée du jour suivant, le samedi 18 septembre, les soldats sont à nouveau revenus. J’ai alors fait semblant d’être morte. Le dimanche matin, un soldat libanais est venu pour demander des nouvelles de membres de sa famille. J’ai alors crié pour demander de l’aide.

Je ne pouvais plus parler lorsque ce soldat a enlevé son manteau pour couvrir mon corps nu et m’emmener avec lui. En sortant du camp, j’ai vu des cadavres égorgés et enflés, et pendant tout le chemin, je n’entendais que cris et lamentations.

Le soldat m’a déposée à la Croix-Rouge. Ils m’ont directement branché un appareil de respiration artificielle. Ils m’ont ensuite emmenée dans un hôpital où ils ont refusé de me recevoir. Finalement, ils m’ont emmenée à l’hôpital de l’Université américaine de Beyrouth. »


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