15 octobre 1940 Lluis Companys, président de la Généralité de Catalogne, est fusillé par les fascistes de la droite espagnole

lundi 16 octobre 2023.
 

C) Lluis Companys, le martyr de la honte

C’était une époque troublée, que celle du début des années 30. Le fameux krach creuse les tranchées dans lesquelles viennent s’enliser les fortunes et les économies d’un monde qui se rêvait encore d’un capitalisme triomphant.

C’était une époque trouble, que celle du début des années 30. Monte le fascisme, chante le nazisme.

C’était hier, c’est aujourd’hui : d’un côté, il y a la Catalogne, dynamique, au potentiel économique en plein essor, et de l’autre, une Espagne passéiste, qui vit une crise d’identité majeure suite à ses pertes coloniales. Il ne pouvait y avoir d’entente : ce sera la naissance du catalanisme politique.

Lluis Companys, avocat charismatique et brillant orateur, politicien animé d’un idéal de liberté et de défense de la langue catalane, éditorialiste et membre du parti de la gauche républicaine catalane, catalogué comme « homme dangereux » par la sécurité intérieure espagnole, emprisonné une quinzaine de fois, paiera de sa vie son engagement envers le peuple de son pays.

Francesc Macià, premier Président de la Généralité de Catalogne, dira le 16 avril 1931 : « Catalans, soyez dignes de la Catalogne ».

Lluis Companys inscrira cette dignité en lettres d’or sur le tombeau de ses illusions.

En 1934, il succède à Macià à la tête du pays et, constatant les positions autoritaires et anti-républicaines adoptées par la droite espagnole, dans un acte d’une audace empreinte d’une dignité politique extraordinaire, proclame la République catalane. L’armée envahit Barcelone, installe des canons Place San Jaume, pénètre dans le Palais de la Généralité et s’empare du Président et des membres de son gouvernement. Le 6 juin 1935, Lluis Companys sera condamné à 30 ans de prison. C’est désormais un militaire qui gouverne dans une Catalogne que l’on a spoliée de tous ses droits.

Mais l’Histoire s’entête : contre toute attente, les partis de gauche s’unissent et élisent Lluis Companys au Parlement espagnol : le voilà libéré le 21 février 1936. Et huit jours plus tard, le revoilà élu Président de la Catalogne.

Et l’Histoire n’attend pas … le 19 juillet 1936, un coup d’Etat militaire plonge l’Espagne dans une guerre civile qui durera trois ans. Durant cette période, la Catalogne lutte pour sa terre, lutte pour ses droits. Lutte pour être un pays.

Hier comme aujourd’hui.

Elle se défendra seule, et seule tentera de défendre Majorque. Seule encore, seule toujours face aux canons : elle sera la zone la plus bombardée par les Franquistes, aidés de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste. La Bataille de l’Ebre laissera la Catalogne vaincue, occupée, persécutée.

Beaucoup prendront le chemin de l’exil, vers la France, dont Lluis Companys. Il refusera de s’enfuir au Mexique, pour aider ses concitoyens désarmés, pour rechercher son fils malade, pour protéger ce fils qui souffre d’un retard mental. Le 13 août 1939, en violation des normes du droit international, le voilà arrêté par la Gestapo, enfermé dans la prison de la Santé, à Paris, puis transféré à Madrid.

Torturé, humilié, calomnié, il sera jugé par un Conseil de Guerre, dans une procédure viciée par des irrégularités qui trahissent ses origines fascistes, Conseil qui statuera en moins d’une heure sur son cas, en présence d’un envoyé de Franco, qui voulait s’assurer que la peine de mort serait bien prononcée. Qu’il serait bien fusillé.

Aujourd’hui, 15 octobre 2013, cela fera 73 ans.

Il y a 73 ans, Lluis Companys consacrait ses dernières heures à écrire à ses proches et à son peuple :

« Je pardonne à tous ceux qui m’ont offensé, et à tous ceux que j’ai pu offenser, je demande pardon. Si je dois mourir, je mourrai sereinement. Il ne reste pas en moi ni l’ombre d’une rancœur. Je donne grâce à Dieu pour m’avoir procuré une mort si belle pour les idéaux. Il a voulu ce destin. Je lui dois encore la gratitude pour cette placidité et cette sérénité qui m’emplissent face à une mort que je vois s’approcher sans peur. Ma petitesse ne pouvait espérer une fin plus digne, pour la Catalogne, pour ce qu’elle représente de paix, de justice et d’amour ».

A sa femme, ces très belles phrases : « Réagis, je te le répète, contre l’abattement. Aie des relations avec autrui, distrais-toi. Je le veux ainsi. Cherche la compagnie d’une famille, peut-être plus tard, et de mes sœurs, si possible. Fais ce que je te dis, parce que moi, ton Lluis, je ne souffrirai pas. ».

C’était hier, c’est aujourd’hui.

Aujourd’hui encore, des scellés sur les actes de cette parodie de procès.

Aujourd’hui encore, aucune excuse de l’Espagne à une Catalogne qu’elle a privée de son président, et qu’elle a martyrisée dans sa chair.

L’Allemagne nazie s’est repentie, et a présenté des excuses pour les actes infâmes qu’elle a perpétrés. La France collaborationniste a regretté. Il y a eu des procès, des plaies ouvertes que l’on a cherché à cicatriser.

L’Espagne franquiste ne regrette rien. L’Espagne franquiste n’est pas vraiment morte.

Preuve en est la manifestation du 12 octobre, à Barcelone. On y voit encore des drapeaux de l’époque franquiste, et des bras qui se lèvent.

L’Espagne est malade, qui refuse de juger au nom d’une loi d’amnistie, qui refuse d’interdire les partis fascistes. L’Espagne est malade, qui alimente la Fondation Franco, et qui envoie son gouvernement aux obsèques des dirigeants d’une dictature qui a massacré des centaines de milliers de Catalans.

L’Espagne.

Hier comme aujourd’hui.

La gauche républicaine catalane, quant à elle, s’envole aujourd’hui en Argentine, pour y déposer une plainte et demander que s’ouvre une instruction sur les crimes du franquisme et l’assassinat de Lluis Companys.

Aujourd’hui, parce que cela fait 73 ans qu’il y a des martyrs qu’on ignore.

En Argentine, parce que là-bas, contrairement à Madrid, on respecte les normes du droit international concernant les crimes contre l’humanité.

C’est une honte.

« Ne pleure pas », a-t-il écrit à son épouse avant de mourir. Mais la Catalogne pleure encore cet enfant qu’elle a tant aimé.

Hier, comme aujourd’hui.

Béatrice Riand

Source : https://blogs.mediapart.fr/stephane...

B) De Lluis Companys à Carles Puigdemont ?

Source : http://www.elmundo.es/cataluna/2017...

« Si Carles Puigdemont devait finir comme Lluis Companys, il y aurait beaucoup d’autres personnes avant lui », a déclaré la porte-parole de la CUP, Gabriela Serra, pendant le traditionnel hommage à l’ancien président catalan fusillé par le franquisme. « Nous aurons à nouveau un président avec les pieds nus et les yeux ouverts disant vive la Catalogne et vive la république devant un peloton d’exécution. Nous ne le verrons pas, nous l’empêcheront », a déclaré Gabriela Serra, interrogée sur les mots du porte-parole du Parti Populaire, Pablo Casado, qui a dit il y a quelques jours que Carles Puigdemont pourrait finir comme Lluis Companys s’il déclare l’indépendance. L’ancien président a été mis en prison en 1934 pour avoir déclaré l’indépendance et il a été fusillé en 1940.

Dans le même acte, l’actuel président du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, a assuré son engagement envers les valeurs qu’il veut garder, vingt-quatre heures avant sa réponse à Mariano Rajoy pour confirmer s’il a ou s’il n’a pas déclarer l’indépendance de la Catalogne, Mardi 10 Octobre 2017, « nous réitérons notre engagement pour la paix, le civisme, la sérénité, la fermeté et la démocratie, qui inspirent les décisions que nous prenons ».

Un jour avant de répondre à l’ultimatum du gouvernement central, Carles Puigdemont a parlé avec le vice-président Oriol Junqueras et d’autres membres de son gouvernement sur la tombe de son prédécesseur, qui a été exécuté il y a soixante-dix sept ans.

Ada Colau, maire de Barcelone, a également accusé dans le même acte Pablo Casado. Elle l’a qualifié de pyromane et elle a demandé à son parti de l’exclure pour indignité et pour avoir offensé les victimes du franquisme, les catalans et l’Espagne.

Carles Puigdemont, accueilli par des dizaines de personnes criant « président », a déclaré que, « en ces temps difficiles et pourtant plein d’espoir pour ceux qui vivent en Catalogne », il faut répondre avec des valeurs civiques et démocratiques aux critiques et en particulier aux accusations d’endoctrinement politique et idéologique dans les écoles catalanes.

La présidente du parlement catalan, Carme Forcadell, a souligné que le parlement a adopté au mois de juin 2017 à l’unanimité l’annulation des jugements franquistes et elle a dit que « l’état espagnol n’a toujours pas présenté ses excuses pour l’exécution » de Lluis Companys. La présidente du parlement a souligné que Lluis Companys était le seul président d’un gouvernement démocratique européen fusillé par les fascistes.

A) Hommage à un défenseur des institutions catalanes

La Généralité de Catalogne avait été restaurée en 1931, et il s’agissait par conséquent alors d’un gouvernement jeune et faible face à des adversaires si puissants. L’honneur m’incombe d’être moi-même le 129e président de la Généralité. Seuls cinq présidents me séparent de Lluís Companys. Soixante-quinze ans se sont écoulés et le Gouvernement de la Catalogne est aujourd’hui une institution solide, consolidée et stable. Le président Companys lutta et mourut en défendant les institutions catalanes.

Heureusement, de nos jours, la situation ne peut se comparer à ces temps-là. Mais la volonté d’exister des Catalans et notre aspiration à décider de notre avenir par nous-mêmes restent intactes. Je ne veux pas conclure cet article sans rappeler que les gouvernements français et allemand ont reconnu leur part de responsabilité dans l’arrestation et la déportation du président Companys et qu’ils l’ont publiquement regretté. Il s’agit là d’un geste de justice que je souhaite saluer publiquement car il honore ces deux gouvernements.

La construction d’une Europe unie, démocratique et solidaire exige non seulement que nous maintenions en vie la mémoire historique, mais aussi que nous soyons capables de reconnaître nos erreurs.

Artur Mas Président de la Generalitat de Catalogne


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