LES DIX PREMIÈRES ANNÉES D’ATTAC, 1998-2008

mardi 16 décembre 2008.
 

Attac Allemagne, Autriche, Chili, Espagne, Flandre, France, Grèce, Hongrie, Japon, Luxembourg, Maroc, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Québec, Togo, Tunisie, Uruguay, Venezuela

Alors que nous célébrons notre dixième anniversaire et que nous nous tournons vers l’avenir, nous, membres d’Attac, ignorons quel jugement les générations futures porteront sur nos enthousiasmes, nos espoirs, nos engagements et nos luttes. Pourtant, nous tous qui avons rejoint le mouvement international d’Attac, nous ne pouvons qu’éprouver le sentiment d’être dans l’histoire, d’être partie prenante dans une entreprise entièrement originale, dont les buts, les déceptions, les victoires, étaient inconcevables dans le passé.

Ce que nous avons accompli pendant ces dix années

La plus grande leçon de la première décennie d’Attac est peut-être que nous avons eu raison de nous méfier de la mondialisation néolibérale. La déréglementation des marchés financiers a, de toute évidence, conduit à un désastre social et environnemental et à un déficit de démocratie. Nos adversaires ont dans l’ensemble passé cette décennie dans la dénégation ; ils refusaient de voir l’évidence des crises, encore moins de les prévenir , et, au besoin en retiraient des bénéfices quand cela était possible. Nous avons vu venir les crises, et nous avons suggéré les moyens de les éviter.

À la création d’Attac, peu d’organisations travaillaient sur les questions de mondialisation et la conscience du projet néolibéral n’était pas très répandue. Nous avons commencé d’emblée à travailler sur la justice sociale et économique, et même s’il peut sembler que ce que nous proposons demande l’éternité pour être réalisé d’une manière significative, nous avons accompli des avancées importantes. Dans plusieurs domaines, nous sommes parvenus à mettre des grains de sable dans les rouages de l’offensive néolibérale. Le néolibéralisme est largement discrédité dans de nombreux secteurs de la population, et il n’apporte aucune réponse aux crises à répétition. Les institutions internationales majeures du néolibéralisme sont dans le désarroi (le Fonds monétaire international, l’Organisation mondiale du commerce, la Banque mondiale). Avec de nombreux autres groupes qui œuvrent contre l’expansion du commerce et la libéralisation des investissements, nous avons contribué à mettre les négociations de l’OMC à Doha dans une impasse. En Europe, nous avons participé au rejet de la constitution néolibérale de l’UE et de son frère et fidèle successeur le "traité de Lisbonne", en France, aux Pays-Bas et en Irlande. Les groupes nationaux et locaux d’Attac sont parvenus à lier leurs campagnes internationales aux luttes locales et nationales, ce qui a élargi nos alliances. Les groupes locaux d’Attac ont sauvé de la privatisation de nombreux services publics.

Outre ces succès, nous avons proposé des alternatives économiques et, au cours de cette première décennie, nous avons franchi certaines des premières étapes vers la réalisation de nos revendications fondatrices. La taxation internationale fait maintenant partie d’un programme des Nations unies et les premières mesures ont été promulguées, bien que des intérêts malheureusement puissants continuent d’empêcher la taxation des transactions financières. On a vu quelques annulations de dette, mais cela est resté absolument insuffisant au regard du caractère illégitime de la dette publique. Les paradis fiscaux, autrefois pratiquement inconnus, ont été dénoncés, ce qui a gêné les pouvoirs et révolté les citoyens ordinaires.

Le mouvement altermondialiste a contribué à des changements fondamentaux dans les politiques nationales. Dans des pays comme la Bolivie, la Norvège, le Venezuela, l’Équateur et le Brésil, les gouvernements ont été élus sur des programmes de rupture avec le néolibéralisme et les privatisations. Attac est parvenu à défendre les droits de personnes en difficulté dans des pays où les libertés civiles ne sont pas garanties. En même temps, une grande partie de notre travail porte aussi sur les pays riches, dont les politiques néolibérales agressives sont une menace pour les générations futures de ces pays et violent les droits humains des pauvres du monde entier.

Nous sommes pour la paix et contre toutes les nouvelles guerres ; nous agissons solidairement au niveau international ; au-delà du fossé entre le Nord et le Sud, c’est à notre planète assiégée que nous tendons les mains. Voilà ce que sont nos ressources, voilà notre richesse. Les Attac du monde entier ont pris une part significative dans les Forums sociaux mondiaux et dans les innombrables forums sociaux qui ont motivé des millions de gens dans tous les contextes géographiques. Des douzaines de réseaux thématiques actifs se sont créés à partir de ces forums et ont mobilisé la société civile et les mouvements sociaux en traversant les frontières. Nous avons expérimenté des nouveaux modes d’organisation, certains diront de désorganisation, mais en tout cas nous avons innové. Nous sommes restés non-violents, malgré les provocations qui nous poussent à riposter.

Partout où des êtres humains se rassemblent, des erreurs sont commises, et nous en avons eu notre part. Attac a été partout tentée de prendre trop de choses en charge. Parce que « tout est relié à tout », nous avons trop souvent succombé à la tentation d’être "tout pour tous". La coordination de nos nombreuses campagnes internationales a requis de grands efforts de la part de notre base.

Nos défis pour les prochaines années

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une multiplication sans précédent des crises mondiales. Les crises financières se propagent. La spéculation s’attaque à de nouveaux secteurs vitaux tels que la terre, les matières premières et l’alimentation. L’explosion de la dérégulation du pouvoir financier, les politiques néolibérales de la plupart des pays et des institutions internationales (telles que l’OMC, le FMI et la Banque mondiale) contribuent à aggraver encore la situation de la faim dans le monde, à mesure que les prix des produits alimentaires explosent.

En outre, l’humanité est maintenant menacée par de profondes crises écologiques : le changement climatique, une perte sans précédent de la biodiversité, et la dégradation des ressources naturelles. Ces crises sont étroitement liées à la mondialisation néolibérale, qui, au lieu de protéger les biens publics que nous produisons dans le monde, les assujettissent à la logique hégémonique du profit financier.

La même logique de mondialisation capitaliste a gravement creusé les inégalités, au plan international et dans les pays eux-mêmes. Les crises financière et alimentaire ont tragiquement renforcé les disparités existantes. Les nouveaux écarts sont les fruits de l’augmentattion des profits pour un petit groupe de détenteurs de capitaux, au détriment de milliards de gens et de la planète. Il ne fait pas de doute que la crise écologique va renforcer l’inégalité entre ceux qui peuvent se protéger de ses conséquences et ceux qui ne peuvent pas. Les solutions à ces crises ne peuvent qu’être systémiques et mondiales : on ne peut compter que sur une rupture radicale avec les politiques néolibérales et sur l’établissement d’institutions véritablement démocratiques qui puissent guider l’économie mondiale.

En raison de cettte crise profonde de la mondialisation néolibérale, Attac doit entrer dans une nouvelle phase d’organisation et de promotion des alternatives. Nous avons toujours fait face aux crises de la mondialisation néolibérale par "l’éducation populaire tournée vers l’action". Nous produisons de la connaissance en vue du changement social et nous nous engageons dans l’action, en concertation avec tous les alliés que nous pouvons convaincre, et cela continuera à constituer les éléments clés de notre action et de nos stratégies. Une coordination internationale plus étroite sera d’une importance croissante si nous voulons que les campagnes que nous menons, pour le contrôle démocratique et pour l’assainissement des marchés financiers et du commerce, soient victorieuses. Le grand défi pour les dix prochaines années sera de mondialiser le mouvement altermondialiste, qui tire sa force de chacun des groupes du niveau local et du niveau national.

La preuve est faite que les conséquences de la mondialisation se situent bien au-delà de la finance et du commerce. Le bien-être des gens sur une planète qui a ses limites nous oblige à un changement radical dans nos habitudes de consommation et de production : l’économie doit être organisée et réglementée de manière à répondre aux besoins réels de la population. Nous allons lutter pour défendre d’autres choix économiques, fondés sur des droits sociaux et environnementaux pour tous. Il faut une autre économie ! Un autre monde est possible !


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